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texte Prisclilla Winling

COMMENT FAIRE DU DOCUMENTAIRE

Qu’il s’agisse d’Edison, des frères Lumière ou de Léo Ouimet au Québec, c’est la forme du réel, parfois mise en scène, que prennent les premières images tournées en dcoumentaire.

Comme avec le cinéma de fiction, le documentaire est doté de codes, de genres, de styles et d’écoles. Il a ses grands maîtres et ses artisan.e.s orfèvres.

Il y a le documentariste animalier, l’anthropologique, l’expérimental, le journalistique, le sociologique. Il y a le cinéma direct, né au Québec dans les années 1950 (et qui a, depuis, fait école dans le monde entier), le cinéma d’observation, le cinéma de création, pour ne citer que quelques genres et écoles.

L’arrivée de nouveaux médias numériques, sans parler des réseaux sociaux, voit émerger de nouvelles formes et des genres inédits, souvent courts, voire très courts, qui ne passent plus forcément par le circuit des habituels festivals ou cinémas. Depuis quelques années, c’est la réalité virtuelle qui s’invite dans le cinéma du réel.

Il demeure que le cinéma documentaire est un moyen de parler du monde, tel que le.la réalisateur.trice peut le ressentir ou telle qu’une expérience particulière autre que la sienne peut le vivre, et qu’il.elle a envie de restituer par l’image.

C’est l’un des derniers médias capables de rendre justice à un sujet, parce qu’il donne le temps de montrer la richesse et la complexité du monde, des gens et offre la possibilité à l’empathie du.de la spectateur.trice d’émerger.

Le défi que représente le corpus du réel, par définition jamais maîtrisable, opposé à l’écriture et au tournage, est passionnant. Cette tension entre un média qui fige l’instant, même en mouvement et la nature impermanente de ce qu’il enregistre fait du cinéma documentaire un défi sans fin.

C’est la promesse d’un champ de création à base d’une réalité brute, en même temps qu’une mission importante qu’est la restitution de l’expérience vécue, avec tous les enjeux de la réception du spectateur.trice par le.la réalisateur.trice. Comment se l’approprier, prendre du recul, choisir quoi montrer et comment ?

Ce sont les mêmes questions auxquelles ont été confrontés les finissant.e.s du programme de Techniques de réalisation de cinéma documentaire, offert par l’École des métiers du cinéma et de la vidéo (ÉMCV) du Cégep de Rivière-du-Loup.

Le dimanche 19 mai dernier, les finissant.e.s de la cohorte 2018-2019 ont projeté le fruit de plusieurs mois de travail dans la grande salle de l’École de musique Alain-Caron. Le public était au rendez-vous et la projection a battu des records d’auditoire ; preuve, s’il en est, que le public louperivois s’intéresse à la relève documentaire.

Il y a eu une belle diversité, tant dans les sujets explorés que dans la manière de filmer. La qualité technique était également au rendez-vous, faisant la démonstration que cette formation, intense et courte, donne les outils nécessaires à des étudiant.e.s qui n’ont souvent pas d’expérience préalable à la caméra, ni au son, ni en scénarisation.

EN AVANT LES DOCS

Deux documentaires musicaux ont ouvert l’après-midi de projection : Intersounds (Priscilla Winling) et I got the Blues (Samuel Jay). Le premier, portant sur l’univers de trois compositeurs de musique contemporaine. Le second sur la route du blues. Les deux propositions montraient la variété possible de traitements visuels et de choix esthétiques d’un sujet musical. De l’aphasie de Jacinte (réalisé par Émilie Bernal-Julien), à la psychose de Caroline dans le très cinématographique Incursion psychotique de Carol-Anne Vallée, puis au désenchantement interrogateur sur la masculinité qu’exprime Aaron dans A man doing man’s things (Kim Fino), en passant par la fragilité du statut des travailleurs temporaires guatémaltèques de Métoïkois (Camille Legault-Thuot), puis le travail ingrat des travailleurs de plage de Playeros, pur cinéma d’observation (Alexandre Beaumont-Vachon), autant de portraits qui ont permis de saisir des réalités difficiles, sans toutefois tomber dans les clichés, avec des partis pris esthétiques remarquables. Le tout en réussissant l’exploit d’apporter des nuances en seulement 15 minutes. C’est aussi le temps qu’a pris Mélanie Roy Béliveau pour faire le portrait de son père, Yvan Roy, et de ses accomplissements, dans Le temps d’une vie.

Cette année, la mer et le fleuve Saint-Laurent ont été une source d’inspiration dans le cadre de quatre films en particulier. L’engagé documentaire Canada, d’un océan à l’autre (Maude Généreux) revenait sur le sort des sciences océanographiques, affectées par les mesures du gouvernement Harper. Parmi les glaces, d’Eugénie Borel, a suscité l’admiration devant des surfeurs québécois pleins d’humour et bien déterminés à vivre leur passion même l’hiver venu. 150 pieds plus bas, du Madelinot Gilbert Richard, est un portrait touchant de son père, qu’une chute qu’on pensait fatale a rendu plus que désireux de vivre une belle vie malgré son handicap. Enfin, on regardera notre prochain passage sur le traversier de Rivière-du-Loup d’un autre oeil après avoir vu le poétique La Traverse, de Sébastien Grocolas.

L’après-midi aura aussi été l’occasion de saluer le travail de Pierre Lesage, ancien directeur de l’ÉMCV, qui assistait à la projection pour la première fois en tant que retraité, et de l’enseignante et réalisatrice Françoise Dugré, qui souhaite dorénavant se consacrer davantage à ses projets documentaires. Tous deux ont été des pierres angulaires pour cette école qui célèbre son dixième anniversaire cette année.

D’autres façons de vivre existent. C’était, en filigrane, le thème qui reliait les cinq premiers documentaires présentés dans la troisième partie. Rencontres nordiques (Marie Jomphe-Lemay) prenait le train de Sept-Îles à Schefferville à la rencontre des habitant.e.s. Hermanas (Inès Lemaire) allait faire un tour chez les Soeurs adoratrices de Bogota, et constater leur action en faveur de femmes qui veulent réinventer leur vie. C’est dans le Kamouraska que se situent les films Je suis donc je vis (Eddy Capus) sur l’école-maison, et Gabrielle (Maurice Gagnon), qui a décidé de laisser Montréal pour une cabane dans le bois.

Enfin, Une vie riche (Aurélie Delimal) présentait tout en douceur des individus qui, jour après jour, montrent qu’une vie plus simple est possible, pour le bien-être de l’âme comme celui de l’environnement. Once upon a time in Montreal et Race for Space sont deux films d’archives, un autre genre du documentaire, entre le collage et la mise à distance de bouts de films du passé pour s’y pencher ou pour mieux interroger notre époque.

Le premier, réalisé par Valentin Dupuis-Chervallier, revisitait un pan de l’histoire de la mafia italienne à Montréal ; le second, réalisé par Raphaël St-Germain, plongeait dans la course à l’espace entre les États-Unis et l’URSS, jusqu’à l’alunissage.

Enfin, les deux derniers courts métrages de la soirée, Au-delà du jeu (Billy Mainville) et En équilibre (Tanguy LOCQUENEUX), exploraient respectivement l’univers néon des joueurs de jeux vidéos et les parois glacées de grimpeurs en free solo, pour interroger les motivations des protagonistes, au-delà des clichés.

Pour la deuxième année consécutive, des bourses d’une valeur de 2000 $ en prêts de matériel et de services sont offertes par SPIRA et Paraloeil. Elles sont toutes deux assorties d’un prix de 300 $ en argent, remis par l’ÉMCV, pour soutenir la réalisation d’un deuxième film.

Les récipiendaires de ces deux bourses seront connu.e.s le 28 juin prochain, lors de la journée de présentation des vidéos réalisées pour des organismes de la région par les finissant.e.s du programme Conception de films pour le Web et la publicité, également offert par l’ÉMCV.

Au cours des prochains mois, plusieurs de ces films seront soumis à différents festivals. Espérons que ceux et celles qui ont manqué l’évènement du 19 mai pourront assister à leur projection dans d’autres villes du Québec ou d’ailleurs.

À propos de Marie-Amélie Dubé

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