Une « femme »euse histoire

Texte | Sarah-Claude Simard
Image | Hansuan Fabregas, pixabay.com

Depuis bien longtemps et même encore aujourd’hui, les femmes sont sous-représentées dans plusieurs pans de notre société. La situation a déjà été bien pire, mais il y a encore des inégalités, peut-être pas ici même, mais ailleurs dans le monde. Des petites filles n’ont pas la chance de faire leurs propres choix. Des femmes n’ont pas cette chance non plus. Il faut que ça change ! « Pourquoi ? », certains diront. Eh bien, je leur réponds tout simplement, dans la version polie évidemment, « Pourquoi pas ? ». Pourquoi une femme, quelqu’une, un être humain, une personne, un groupe qui se bat depuis toujours pour des « privilèges » qui sont alloués aux hommes sans qu’ils aient à lever le petit doigt ne pourrait pas avoir les mêmes droits que ceux-ci ? C’est bien beau de poser des questions, mais cela fait maintenant trop longtemps que ces questions restent sans réponse. C’est bien beau d’en parler, mais il est temps que ça change ! Pas plus tard, pas demain, pas bientôt, MAINTENANT ! Ce changement, il faut le créer maintenant, il faut en parler. Parler pour que les voix qui méritent d’être entendues résonnent. Résonnent plus fort. Plus fort que jamais.

Vous lisez ce texte. En fait, c’est une petite voix dans votre tête qui le lit pour vous. Recommencez le paragraphe en lisant à haute voix. Ce que vous venez d’entendre, c’est un outil de construction, une arme de destruction. Cette voix, la vôtre, la nôtre. Peu importe d’où ou de qui elle provient, elle a un pouvoir extraordinaire : elle transforme vos pensées en détermination, vos idées en action. Futile ou utile, c’est un choix que vous devrez faire pour votre voix. Moi, j’ai choisi…

La voix que vous entendrez aujourd’hui, c’est la voix encore toute jeune d’une étudiante de secondaire 5, la voix d’une fille, la voix d’une femme. Cette simple voix, elle deviendra forte, petit à petit, et elle résonnera, elle touchera sa cible et créera un changement, qu’il soit petit ou grand. Il y en aura un, parce que j’y crois et parce que je suis prête à parier que je ne suis pas seule à y croire. Soyons réalistes, seule, ma voix ne vaut rien même si j’y crois dur comme fer. Si je la joins aux voix d’autres femmes, elle commence à se faire entendre, mais si je partage cette voix avec vous, vous ferez en sorte que cette voix résonne. Sans vous, elle n’est rien, et sans elles, nous ne sommes rien.

Quand je dis que sans elles, nous ne sommes rien, je pense à celles qui malgré la pluie, le tonnerre et les éclairs, ont gardé la tête haute et ont bravé avec fierté la tempête qui s’abattait sur elles. Cette définition reste tout de même assez abstraite, et j’avais besoin de concret, de personnes remarquables pour enrichir ma voix. C’est justement cette recherche des meilleures qui m’a menée à une catégorie de personnes qui ont marqué notre monde, les lauréates des plus prestigieux prix sur la planète, les prix Nobel. Je ne pouvais évidemment pas inclure toutes les femmes marquantes de l’histoire ; il y en a beaucoup trop ! J’ai donc eu l’idée d’en choisir une par catégorie, celle dont la vie et les réalisations sortent de l’ordinaire, à mes yeux. Mais avant toute chose, une petite histoire des prix Nobel s’impose.

Qui de mieux placé pour parler des prix Nobel qu’Alfred Nobel lui-même ? Voici donc un extrait de son testament, traduit en français, qui résume le tout mieux qu’il m’aurait été possible de le faire : « La première partie sera distribuée à l’auteur de la découverte ou de l’invention la plus importante dans le domaine de la physique ; la deuxième à l’auteur de la découverte ou de l’invention la plus importante en chimie ; la troisième à l’auteur de la découverte la plus importante en physiologie ou en médecine ; la quatrième à l’auteur de l’ouvrage littéraire le plus remarquable d’inspiration idéaliste ; la cinquième à la personnalité qui aura le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion ou à la propagation des congrès pacifistes. » Je vous invite donc à faire un petit voyage à travers le monde et les époques pour venir à la rencontre d’une femme marquante par catégorie. Bouclez vos ceintures, c’est parti !

Comment écrire à propos des femmes marquantes de l’histoire sans parler de l’intemporelle Marie Curie, véritable icône de la science au féminin. Née Maria Sklodowska le 7 novembre 1867 à Varsovie, région encore sous le régime russe à l’époque, elle est élevée dans une famille très cultivée qui prône l’éducation comme personne, ses parents étant tou·te·s deux professeur·e·s. Elle réussit brillamment ses études secondaires juste avant de commencer des études
supérieures à l’étranger. Elle part avec sa soeur aînée Bronia en France et intègre l’Université de Sorbonne, celles en Pologne n’étant pas encore accessibles aux femmes à l’époque, dû à l’interdiction d’accès par l’autorité russe. Elles peuvent ainsi s’entraider autant sur le plan académique qu’économique. Maria y obtient deux licences, soit une en sciences physiques et une en sciences mathématiques, et entame des travaux à l’École de physique et de chimie industrielle de Paris, ce qui l’emmène à rencontrer Pierre Curie avec qui elle se marie en 1895. Devenue alors Marie Curie, elle donne naissance à sa fille Irène en 1897 (qui recevra un prix Nobel tout comme sa mère), mais ne perd pas pour autant ses objectifs de vue. Elle entame donc, après plusieurs années de travail, son doctorat en physique en 1903 pour lequel elle écrit une thèse intitulée « Recherches sur les substances radioactives » qui soutient le fruit de ses travaux et porte entre autres sur les radiations émises par l’uranium, découvertes par un certain Henri Becquerel quelque temps plus tôt. Elle reçoit, conjointement avec Henri Becquerel et Pierre Curie, le prix Nobel de physique en 1903 pour ses découvertes concernant la radioactivité. Elle devient ainsi la première femme à se voir décerner un prix Nobel, la plus haute distinction existante en science. Ce n’est pas tout. Marie Curie empoche un second prix Nobel, cette fois en chimie en 1911, pour sa découverte du polonium et du radium, des éléments étant respectivement environ 400 et 900 fois plus radioactifs que l’uranium, et marque l’histoire en devenant non seulement la première femme à l’obtenir, mais aussi la seule à l’obtenir deux fois et la seule personne à l’obtenir dans deux disciplines scientifiques différentes. Ce n’est tout de même pas rien !

MA VOIX COMMENCE TOUT JUSTE À SE FAIRE ENTENDRE, ELLE MURMURE… CONTINUEZ, VOUS FINIREZ PAR LA DÉCELER.

Bien que ce soit généralement la première qui nous vient en tête lorsqu’on parle de femmes marquantes, Marie Curie n’est pas la seule qui a laissé sa marque. Malala Yousafzai, plus jeune récipiendaire d’un prix Nobel à ce jour, est déjà une pionnière dans le monde de la paix, plus précisément dans celui de la lutte pour l’accès à l’école pour les filles. Née le 12 juillet 1997 dans la vallée de Swat au Pakistan, Malala est l’aînée d’une fratrie de trois enfants. L’éducation est une valeur importante au sein de sa famille, mais les tensions sociopolitiques débutant au Pakistan alors que Malala est à peine âgée de 10 ans viennent mettre ces valeurs au défi. Les taliban, qui avaient alors pris possession de la région, imposaient leur régime de la terreur qui interdisait entre autres l’accès des filles à l’éducation et aux activités culturelles telles que la danse et la télévision. Plus de 400 écoles sont détruites durant cette triste période. Complètement contre ces mesures, Malala commence alors à écrire un blogue anonymement sur le célèbre site de la BBC et raconte sa vie au Pakistan, les injustices quotidiennes que les filles doivent subir. En mai 2009, Malala et sa famille doivent fuir leur maison pour leur propre sécurité, par peur de la guerre qui s’annonce. Quelques semaines après son départ, elle retourne dans sa ville natale et continue à se battre pour ses idées, ce qui lui vaudra le Prix international de la paix pour les enfants en 2011. Une telle popularité et une telle influence dans le monde n’ont pas plu aux talibans qui, le 9 octobre 2012, arrêtent le bus dans lequel voyageait Malala puis lui tirent trois balles. Grièvement blessée, elle est transportée dans un hôpital militaire pakistanais puis transférée aux soins intensifs à Birmingham en Angleterre où elle subit de nombreuses chirurgies. En mars 2013, elle est à nouveau capable d’aller à l’école, cette fois en Angleterre. Elle parle devant les Nations Unies le 12 juillet de cette même année, soit le jour de ses 16 ans, commence à écrire une autobiographie et reçoit le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit. Elle gagne le prix Nobel de la paix en octobre 2014, devenant ainsi la plus jeune personne à l’obtenir.

MA VOIX EST MAINTENANT UN CHUCHOTEMENT… VOUS ENTENDEZ ?

La première, la plus jeune, et maintenant, la Canadienne ! Eh oui, le Canada regorge aussi de personnalités féminines marquantes comme c’est le cas d’Alice Munro, écrivaine et lauréate du 13e prix Nobel de littérature. Alice Laidlaw Munro, née le 10 juillet 1931 à Wingham en Ontario, est la première enfant de Robert Eric Laidlaw, un fermier, et d’Anne Clarke Chamney Laidlaw, une ancienne enseignante. Sa mère, socialement très ambitieuse, voulait sortir du cadre qui lui avait été assigné lors de son mariage. Elle conduisait par exemple sa propre voiture, grosse marque d’indépendance à l’époque. Alice commence donc l’école en 1937 et continue jusqu’en 1949 malgré la maladie de sa mère et le temps qu’elle doit alors allouer aux tâches à la maison et pour veiller sur ses frères et soeurs. Ayant tout de même un dossier scolaire excellent, elle reçoit l’opportunité d’aller étudier à l’Université de l’Ouest de l’Ontario à London où elle étudie le journalisme la première année avant de se tourner vers l’anglais, discipline pour laquelle elle obtient le prix décerné à la personne ayant les meilleures notes. C’est d’ailleurs pendant l’université qu’Alice fait
la connaissance de James Munro, avec qui elle se marie en décembre 1951. Bien évidemment, elle ne cesse de lire et d’écrire durant toutes ces années, publiant dans quelques magazines et journaux. La CBC achète notamment quelques-unes de ses histoires, et le couple ouvre sa propre librairie en 1963, librairie encore florissante aujourd’hui. Son histoire la plus marquante qui convient le plus au sujet de ce texte est sans aucun doute le roman qu’elle publie en 1971, Lives of Girls and Women, un véritable cri de coeur du féminisme. David Homel, romancier reconnu, a parlé d’Alice comme quelqu’une qui « écrit sur les femmes et pour les femmes », mais qui « ne diabolise pas les hommes ». Bref, ses nombreuses oeuvres ont su toucher les lecteur·trice·s, et son style d’écriture autant que les sujets qu’elle aborde lui ont permis non seulement de gagner des prix comme le Prix international Man Booker en 2009 et le prix Nobel de littérature en 2013, mais aussi de laisser sa marque dans l’histoire.

MA VOIX PEINE À SE FAIRE ENTENDRE À TRAVERS CE CHAOS… LA RECONNAISSEZ-VOUS ?

Après une figure de chez nous, faisons un petit voyage dans ce qui était à l’époque l’Allemagne pour rendre hommage à l’une des quatre femmes ayant obtenu un prix Nobel de physique : Maria Goeppert- Mayer. Née le 28 juin 1906 dans une famille de professeurs depuis des générations, Maria est enfant unique, mais elle bénéficie d’une excellente éducation durant toute son enfance. À l’époque, à Göttingen, il n’est pas facile du tout pour une femme d’intégrer une université. En effet, une seule école prépare les filles pour l’examen d’entrée, mais celle-ci ferme ses portes à cause de la situation difficile d’après-guerre, aidant tout de même un peu les étudiantes. C’est donc en 1924 que Maria intègre l’Université de Göttingen dans le but d’y étudier les mathématiques. Cependant, elle se rend vite compte que la physique l’attire plus et elle obtient son doctorat en 1930 en physique théorique. Trois récipiendaires du prix Nobel sont sur le comité de suivi du doctorat. L’ami de l’un d’entre eux devient un peu plus tard son mari, et elle s’installe avec lui à Baltimore pendant la Grande Dépression, temps difficile pour trouver un emploi dans les universités. Mme Mayer n’abandonne pas et continue à faire de la physique pour le plaisir. Entre 1941 et 1945, elle est professeure au Collège Sarah Lawrence, mais travaille principalement avec Harold Urey sur la séparation des isotopes d’uranium. Elle déménage à Chicago en 1946 et devient professeure au département de physique et à l’Institut des études nucléaires et employée au Laboratoire national d’Argonne. Elle fait alors une découverte mathématique sur le comportement des atomes et publie conjointement, avec un certain Jensen, un livre intitulé Elementary Theory of Nuclear Shell Structure. Ces travaux lui vaudront le prix Nobel de physique en 1963, devenant ainsi, après Marie Curie, la deuxième femme à l’obtenir. Elle décède en 1972 après un coma dû à une crise cardiaque.

MA VOIX S’ÉLÈVE, SE DÉMARQUE… VOUS L’ENTENDEZ, N’EST-CE PAS ? MA VOIX EST FORTE, PREND LE DESSUS DIFFICILE DE LA FAIRE TAIRE, N’EST-CE PAS ?

Certaines sortent de l’ordinaire, certaines marquent l’histoire, mais toutes sont importantes, et c’est ce que j’espère vous avoir prouvé aujourd’hui. Le chemin a commencé alors que je n’étais pas encore née, mais je suis fière de marcher aujourd’hui sur un chemin qui a été pavé par des personnes remarquables. Quelque part, il y a des filles, des femmes qui marchent sur des chemins de boue, de sable, de gravier. Aidons-les à paver leur chemin pour que la route paraisse moins longue…

MA VOIX CHANTE, CRIE, HURLE, S’AFFIRME. IMPOSSIBLE POUR VOUS DE L’OUBLIER.

À propos de Marie-Amélie Dubé

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