texte Max Bélisle, préposé au délire
Autoconstruction, comme dans construire soi-même ! Toi, Max, c’est quoi le dernier item que tu as construit ? J’ai pris du temps avant de répondre à ça. Je me suis mis à chercher autour de moi ! Pas plus fou qu’un autre, je dois bien avoir déjà construit quelque chose bout d’ciarge ! Après quelque temps le regard dans les airs en train d’essayer de plonger dans mes souvenirs, quelques allers-retours au lavabo pour m’abreuver et deux siestes, j’ai fini pas me dire : « Assembler des meubles, ça compte ! » Donc, la mini-table de salon qui est littéralement quatre pattes à visser sur un carré fait du même matériau est la dernière chose que j’ai construite. Je n’ai pas poursuivi l’exercice d’autodérision jusqu’à me demander si c’était le seul objet que j’avais construit !
Vous l’aurez compris, je ne suis pas manuel ! Les gens qui ont cette capacité, cette forme d’intelligence, je les admire. À mon sens, c’est de la magie. Un paquet de matériau, une gang de travailleur.se.s, de la sueur, pouf, quelque chose qui tient debout pendant 100 ans ! On boit pas le même café le matin, c’est clair. Alors, pour ceux et celles qui se lancent en projet d’autoconstruction, vous êtes pour moi l’équivalent de la personne qui a testé le bungee pour la première fois. À ne pas mélanger avec LA Bungee, la bière à l’orange que je viens de ressortir des bas-fonds de vos âmes. Dans les deux cas, on entend la phrase « T’es-tu sûr que ça va tenir ? » accompagnée de la réplique « Je pense que oui ». 4 sur 10 pour le réconfort en passant.

Je résilie pas mon bail. Je vends ma propriété actuelle. Comme pour le bungee, il y a le moment où on se lance. Quatre heures de sommeil dans le dernier mois, le coeur à 200 battements par minute, des larmes pis un peu de bave, la sensation de renaître finalement ! Le flou du stress, du doute, du vide. Parce que, ouais… un habitat, avant d’être construit… pas mal le même vide que celui qui t’accueille le body quand tes pieds quittent le tremplin. C’est énorme. Je vois certainement ça plus gros que c’est, mais comprenez-moi, je me retrouve devant un marteau et un tournevis pis je vois des points noirs !
Bien que je n’aie pratiqué aucune de ces deux activités, je me donne le droit d’ériger la prochaine affirmation comme un fait. Durant l’exécution, l’autoconstruction, comme le bungee, doit nécessairement comporter une quantité de blasphèmes qui nous fait douter du caractère infini de l’univers. Impossible pour moi de l’imaginer autrement ! Tout projet un tant soit peu vertigineux vient avec son lot de mots libérateurs. Ça a pas le choix. Et là, de grâce, pas de mollassons « tabarnouche » lorsqu’on se rend compte qu’il n’y a rien au niveau dans notre nid de liberté ! Après tant de temps dans les tranchées, on doit pouvoir créer des conversations complètes juste en gestes, en onomatopées et en sacres.
Alors voilà, un projet d’autoconstruction m’impliquant devrait en principe se terminer avec des matériaux inutilisables et moi en petite boule à quelques mètres avec un sac de couchage et un léger syndrome post-traumatique. Or, les valeureux.ses magicien.ne.s de l’habitation, eux.elles, éprouveront très certainement de la fierté et de la satisfaction. J’ai beau être à des milles d’un tel projet, tu peux toujours bien pas être blasé.e après ça ! La crémaillère doit assurément se faire pendre pendant les huit ou neuf premières années. Comme pour le bungee, au-delà du « fiou, je suis encore vivant.e », on a la joie de s’être aventuré.e où peu osent le faire et c’est majeur dans une vie. En plus, comme pour la deuxième fois qu’on fait du bungee, on sait un peu plus à quoi s’attendre lorsque vient le temps de rénover !