J’écrivais à quelqu’un, il y a peu de temps, que pour reconnaître un ange, il suffisait de bien observer autour de nous pour le trouver bien dissimulé au coin d’un regard, au fond d’une parole, au creux d’une oreille ou au détour d’un sourire. Il y a de ces anges qui nous accompagnent au quotidien sans qu’on le sache vraiment ; on les reconnaît à cette manière qu’ils ont de se fondre dans tout décor et de nous faire sentir simplement bien, heureux, apaisés, confortables… Marcel était de ceux-là. Je l’ai rencontré pour la première fois alors qu’il était serveur au restaurant le St-Ô, c’est ainsi que ça s’appelait si ma mémoire est fidèle, et ça remonte à près de quatre décennies. Les plus âgés d’entre nous sauront se souvenir, sans doute.
À croire qu’il possédait le don d’ubiquité et le pouvoir d’omniprésence tant on l’a rencontré presque partout au fil des ans : dans une librairie, une boulangerie, un bistro, une boutique de vrac, au théâtre, à une activité patriote… Il était toujours le même être charmant, souriant, doux, avenant, hypersensible et attentif aux autres, prodigue de ses avis, conseils et réflexions, sachant manier avec élégance aussi bien les mots et la pensée qu’un plateau de service, capable de pétrir le pain comme on caresse un beau livre, chantre d’un service à la clientèle professionnel, précis, discret, toujours courtois, effacé mais efficace, sans demi-mesure. Marcel aimait les gens sans jugement et savait les écouter comme peu de gens peuvent le faire. Cela ne signifie pas qu’il n’était qu’un bienheureux, car il savait reconnaître et dénoncer avec vigueur le laid, l’inacceptable, la mesquinerie et le laisser-aller. Il avait, lui aussi, ses élans d’agacement bien sentis vis-à-vis l’hypocrisie et le mensonge, le superficiel et l’artificiel.
Marcel s’est invité dans nos vies pour y devenir discrètement un membre de la famille, une sorte de grand frère, un être essentiel qu’on perdait parfois de vue quelque temps et qu’on prenait plaisir à retrouver par hasard au détour d’une rue ou à l’angle d’un comptoir. Si, physiquement, il n’est dorénavant plus là, son âme continue certainement à envelopper cette Rivière-du-Loup qu’il aimait tant et inspirera encore longtemps les personnes qui ont eu le privilège de croiser sa route.
Salut, Marcel ! Et à bientôt !
De la part de celui que tu surnommais affectueusement « la voix d’or de Rivière-du-Loup ».
Sylvain Dionne