texte Frank Malenfant
Ceux et celles d’entre nous qui reconnaissons l’urgence d’agir pour le climat savons à quel point il peut être frustrant d’observer le déroulement des élections. Ces jours de scrutin, le moment où on donne à des gens un pouvoir immense nécessaire à la défense de nos intérêts en sachant très bien qu’il n’en feront pas bon usage, ont toujours un goût amer, tant pour les abstentionnistes que pour les électeur.trice.s qui sont contraint.e.s de choisir parmi des alternatives peu emballantes.
En 2015, l’élection fédérale devait déterminer qui allait déloger le gouvernement évangéliste et pro-pétrole qui avait bâillonné les scientifiques durant plus d’une décennie. Les alternatives en mesure de prendre le pouvoir : deux partis d’idéologie capitaliste libérale qui n’avaient pas le courage de s’attaquer au chantier de la transition écologique en transférant les emplois dépendant des sables bitumineux albertains vers des industries moins mortifères. Résultat ? Nous avons porté au pouvoir un gouvernement qui a acheté pour le prix de 164 $ par contribuable un pipeline à la pétrolière Kinder Morgan et qui défie les communautés autochtones dans le dossier du pipeline Trans Mountain.
En 2016, les primaires républicaines et démocrates devaient déterminer qui serait dans la course pour présider le pays de la première puissance mondiale. Résultat ? Les électeur.trice.s américain.e.s devaient voter entre le statu quo environnemental du néo-libéralisme ou un climato-sceptique conspirationniste qui promettait en plus de relancer le développement des industries fossiles. S’il n’y avait pas de bon choix à cette élection, il y en avait certainement un très mauvais, et c’est celui-ci que le système électoral américain a porté au pouvoir.
Puis, vint 2018, où nous avons tout bonnement porté au pouvoir, avec 75 % des sièges à l’Assemblée nationale, le seul parti politique dont le thème de l’environnement et de la lutte aux changements climatiques était totalement absent de la plateforme. En 2018 !
Depuis ce temps, sept provinces canadiennes se retrouvent sous contrôle conservateur et plusieurs de ces figures, y compris le Parti conservateur du Canada qui est actuellement favori aux élections fédérales, mènent campagne contre la taxe carbone et pour le développement de l’industrie pétrolière canadienne au détriment du climat, de la volonté politique des Premières Nations, de la Colombie-Britannique et du Québec. Que reste-t-il d’espoir pour toute une communauté de citoyen.ne.s inquiet.ète.s du sort du climat et pour les plus jeunes générations qui devront vivre avec les impacts concrets de ce manque de vision ?
Pendant ce temps, et nous l’avons détaillé dans un numéro précédent, les cris d’urgence et les appels à l’action s’accumulent, du dernier rapport du GIEC sur le climat à l’ONU qui somme le monde entier de se mettre en marche d’ici deux ans, puis avec le tout dernier rapport de l’ONU sur la biodiversité qui démontre à quel point nous avons un impact violent et imprévisible sur la biodiversité et la chaîne alimentaire qui nous maintient en vie. Il semble bien que le temps manque pour que les urnes portent au pouvoir des gouvernements avec la volonté d’agir concrètement avant l’atteinte des prochains seuils fatidiques de CO2 dans l’atmosphère.
Pourtant, le pouvoir de poser certains gestes critiques dans la lutte aux changements climatiques reste exclusif à ces gouvernements. Tout dernièrement, des statistiques sur la pollution industrielle au Québec démontraient que les émanations de GES provenant des industries québécoises étaient encore en hausse et que le Fonds vert avait été tellement mal géré que son impact était négligeable malgré l’investissement de centaines de millions de deniers publics. Si on ne peut plus espérer renverser drastiquement la tendance en changeant de gouvernement, comment pourrons-nous changer les gouvernements ?
Plusieurs groupes environnementalistes tentent de créer un mouvement en ce sens, le plus médiatisé d’entre tous jusqu’à maintenant étant la grève pour le climat de la jeune Greta Thunberg qui inspire désormais des milliers d’étudiant.e.s à travers le monde. Mais nous, quand sortirons-nous dans la rue et accepterons-nous de perturber le fonctionnement de notre société jusqu’à ce qu’elle tienne compte de la crise climatique ?
« Je veux que vous agissiez comme vous le feriez en situation de crise. Je veux que vous agissiez comme si votre maison était en feu. Parce qu’elle l’est. », a scandé Greta Thunberg, dans un vibrant appel à prendre conscience. Si l’humain a évolué pour reconnaître et combattre des menaces tangibles et concrètes comme un lion qui le pourchasse, l’accumulation à grande vitesse de ce gaz inodore et incolore dans notre atmosphère qui se prépare lentement à nous faire suffoquer comme un chien laissé dans une voiture en plein soleil n’est pas moins menaçante, bien au contraire, et il faut l’accepter malgré notre incapacité évolutive à la saisir complètement. Ces derniers mois, Québec Solidaire a donc voulu lui aussi inciter ses député.e.s et ses membres à mettre leur poids dans la balance en lançant Ultimatum 2020. Pour l’instant, ceci n’est qu’une pétition et un ultimatum lancé au gouvernement Legault de présenter, d’ici le 1er octobre 2020, un plan crédible et révisé par un.e expert.e indépendant.e permettant au Québec d’atteindre ses cibles de réduction des gaz à effet de serre parce que, à quoi sert-il de se fixer des cibles si on n’élabore aucun plan pour les atteindre ?
Que se passera-t-il si, sans grande surprise, le gouvernement ignore l’ultimatum lancé par la 2e opposition ? Et bien, le parti confirme avoir mis au point une stratégie de mobilisation citoyenne et d’obstruction parlementaire qui devrait incarner dans la société québécoise, à travers une gradation des moyens de pression, la crise écologique actuelle sous forme de crise sociale. En fait, que ce soit sous l’impulsion de QS, de Greta Thunberg, d’Équiterre et de n’importe qui d’autre, le message est qu’il faudra rendre concrète cette crise en la rendant aussi tangible qu’incontournable, en mettant toujours plus de pression sur les gouvernements pour les contraindre à agir. Il y a fort à parier que cette nécessité de mener nos gouvernements à l’évidence rapidement ne se manifestera pas qu’au Québec et deviendra bientôt une tendance internationale.
Cependant, pour réussir, une telle mobilisation a besoin de voir grandir à chaque jour le nombre de gens qui propagent ce message et qui s’impliquent à la mobilisation par toutes sortes d’initiatives existantes. Signer une pétition ne suffit pas, il faut se préparer la agir concrètement, et c’est pour cela que je vous interpelle ce mois-ci.