SLAM « Si vous me demandez… »

Texte Nadya, citoyenne

Si vous me demandez de vous parler de la pauvreté, je vous parlerai premièrement de ce que vous savez déjà. Que mon salaire n’est pas assez élevé ou que le premier du mois tarde à arriver. Que dès les sous déposés, ils sont déjà évaporés. Pour me nourrir. Pour me loger. Bien rarement pour m’amuser.

Je vous dirai à quel point il est difficile de demander. Que le temps m’a grugé l’espérance. Que j’ai l’impression de ne rien mériter. Que même sans un sou, j’ai peur de profiter.

Que jamais je n’aurais pensé franchir le seuil. Le seuil de la pauvreté. Passer par la grande porte des rêves échoués. Les deux pieds bien plantés dans le terreau de la pauvreté. Là où tout pousse moins bien, sauf les préjugés.

Que d’avoir un diplôme n’immuniserait pas de la misère monétaire. Que la ligne est bien mince pour s’y engouffrer. Qu’une perte d’emploi ou un problème de santé pourrait tout faire basculer.

Je vous dirai aussi les regards qui font mal, la honte d’être en société. Le sentiment d’impuissance, l’envie de toujours plus s’effacer. De ne pas s’affirmer. On les entend les gens dire qu’on ne fait que profiter, que si on voulait vraiment, on trouverait le moyen de travailler, de ne plus se faire vivre par la société. D’arrêter de paresser. De mettre de bons aliments dans nos paniers. Parfois même, qu’on ne devrait pas exister.

Si vous me regardez au fond des yeux et me demandez de vous parler de pauvreté, je vous dirai la solitude imposée, les moments trop fréquents à pleurer, à essayer d’espérer. Espérer mieux. Espérer plus. Espérer qu’un jour ce soit différent. Je vous dirai encore que j’ai mal à ma dignité, que je doute que je puisse être aimée. Et que je sais que si l’amour finit un jour par s’inviter, les règlements me le feront payer. Que je devrai me justifier. D’aimer. De rêver à deux. De coexister.

Mais je vous dirai aussi, si vous me le demandez, que je ne suis pas la pauvreté que je vis. Que j’ai envie de voir les choses changer, avancer, se transformer. Qu’on peut faire des miracles en étant écouté.e.s, considéré.e.s. Qu’avec du soutien, on peut se mettre en action. À la hauteur de nos moyens, de nos défis, de ce rythme qui n’est peut-être pas le tien. Avec vous, travailler. Oser. Encore une fois. En dépit des préjugés. Des difficultés.

Je vous dirai, enfin, qu’avec ou sans pauvreté, on est lié par la même humanité. Que rêver ensemble ouvre toujours les possibles. Et qu’au fond, tout le monde a le droit à sa chance. Et si je vous demandais maintenant de parler de la pauvreté…Que diriez-vous de moi, de nous…

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