par Geneviève Philippe
La superbe saison de slam que nous avons vécue cette année est due à l’implication de plusieurs personnes dans ce projet, au public et aux participants que je ne saurais trop remercier. J’aimerais aussi dire merci à La Rumeur du Loup de nous avoir suivis et de nous avoir lus durant toute l’année ! Pour finir cette saison, nous avons ici pour vous deux textes de la finale tenue le 8 mai dernier. Bon été, on se revoit en septembre ! – par Marco Voyer-Bélanger, coordonnateur de la Ligue de Slam de RdL
Un rêve, doux, si doux. Où suis-je ? Cela ne semble avoir aucune importance. Je suis là, juste là. J’existe, simplement, j’existe. Mais que vois-je au loin ? Des silhouettes. Des femmes rondes. Rondes de vie. Le ventre temple généreux. Qui sont-elles ? Je pense que je les connais, mais je n’en suis pas certaine. Peut-être les connaissez-vous ? Voyez comme elles marchent. Voyez comme elles marchent ensemble. Non, elles ne marchent pas. Elles ondulent en bougeant vers l’avant. D’une grâce océanique. Leurs pieds se déposant lentement sur le sol semblent masser la terre. Mais qu’est-ce que je vois sur leur visage ? Un sourire, l’insouciance, la grâce, l’intégrité. Et à leurs côtés, d’autres silhouettes apparaissent. Elles prennent forme dans une élégance absolue. Ce sont des hommes. Ils sont debout. Ce sont des hommes et ils se tiennent debout près d’elles. Fiers, radieux, aimants, ils sont là comme un troupeau de tendresse qui s’anime autour des femmes. Mais que font-ils ? Que tiennent-ils dans leur main ? La main de l’autre. Ils tiennent la main de l’autre. Tout semble si naturel. Mais que font-ils tous ? Je tends l’oreille un peu mieux. Ils rient. Ils chantent. Ils dansent dans les herbes hautes qui caressent leurs mollets, qui caressent leurs cuisses au gré des mouvements. Leur corps semble bombé de lumière comme s’ils ne faisaient qu’un avec le soleil. Mais où vont-ils tous ? Ils vont là-bas. Là-bas où la violence n’a aucun langage propre, où l’horreur n’a jamais soufflé mot. Là-bas où l’on a oublié d’inventer la guerre, la famine, la peur, la haine, la pollution, l’abus, la division. Là-bas où n’existe aucun désordre qui fait taire le coeur ou qui nous dissocie de l’essentiel. J’entends des cris et ces cris sont éblouissants. Mais que se passe-t-il ? Les femmes soudainement bougent et s’expriment autrement. Les hommes accompagnent chacun de leur mouvement avec une précision et une présence impeccable et de leur ventre majestueux, les jambes ouvertes, de par là où la femme est la plus douce, je vois sortir de petites boules de chair grouillantes d’allégresse. Ils naissent et ils naissent, les dieux sauvages, indomesticables, ceux qui articulent l’avenir, les architectes de demain, de prodigieux dompteurs de sagesse, des enfants joie. Des larmes roulent sur mes joues, car je suis témoin privilégiée d’un spectacle que je sais à peine nommer. Et je n’ai alors qu’une envie avant le réveil. J’aimerais revendiquer pour tous le droit de rêver et de garder encore un peu en soi cette part de naïveté qui rend ce que l’on appelle le réel plus habitable.