Rivière-du-Loup, des espaces verts à protéger

Texte | Jean-François Vallée

Dans les années 90, des promoteurs de Rivière-du-Loup ont pu raser la plus grande partie des arbres au sommet comme au bas du cap rocheux qui traverse la ville d’est en ouest pour faire place nette au développement d’immeubles à revenus, de tours à condos, d’hôtels ou de commerces. Derrière l’Hôtel Lévesque et la place Saint-Denis par exemple, il ne reste de la falaise que… sa roche, et quelques chicots poussant à flanc de cap.

La rue Gamelin, au nord du parc du Campus-et-de-la-Cité, en est un autre exemple particulièrement frappant : on a déboisé les alentours pour permettre à tou·te·s les locataires des grands immeubles de jouir d’une vue imprenable sur le fleuve.

Dommage, puisque ce faisant, on a réduit à néant leur rôle millénaire de brise-vent. Et aussi, la faune a besoin, tout comme nous, de corridors pour pouvoir se déplacer librement.

Soyons honnêtes : en contrebas, un court segment a survécu à la coupe, soit les abords du superbe bout de sentier aménagé d’est en ouest entre la rue Joly et la rue des Ormes, au nord du Centre d’hébergement Saint-Joseph et longeant le cap rocheux. Les élu·e·s d’alors ne sont malheureusement pas parvenu·e·s à s’assurer que ce sentier soit prolongé dans les deux sens le long de cette splendide faille naturelle.

Du côté du parc du Campus-et-de-la-Cité, dont on peut saluer le caractère majestueux, il faut garder en tête que de la pelouse et des oeuvres d’art très tendance en plastique et en inox ne constituent pas, pour la faune terrestre et les oiseaux, un lieu très accueillant. Une fois à maturité, les arbres l’embelliront, mais on aurait pu aussi en reboiser une petite partie en forêt mixte et y aménager un sentier naturel. Ce n’était pas l’espace qui manquait, pourtant !

Empruntons un autre point de vue : quand on pénètre dans Rivière-du-Loup par le haut de la côte Saint-Pierre, le panorama est splendide. À perte de vue, le fleuve s’étale, et devant nous les montagnes de Charlevoix nous contemplent. Je dis bien « panorama », parce que côté paysage à proximité, tout au bas de la pente, c’est une autre histoire. Quand on y regarde de plus près, la discontinuité de la forêt indigène est frappante, alors qu’elle croissait jadis sur l’étroite bande qui s’étendait d’est en ouest, coincée entre la rue Fraser et le boulevard de l’Hôtel-de-Ville; il n’en survit que les traits d’un pointillé.

La rareté confère de la valeur : Il importera alors d’autant plus de le préserver.

LA NOTION DE « PARC » À RIVIÈRE-DU-LOUP

La Ville de Rivière-du-Loup a rendu disponible une liste de sa vingtaine de parcs et d’espaces verts. Or, seulement trois, soit le parc de la Pointe, le parc des Chutes et le parc du Ruisseau, abritent des forêts urbaines où il fait bon se promener. Les autres sont davantage des espaces gazonnés que des parcs, parsemés de rares arbres dont les branches sont coupées à 15 pieds du sol, comme des pieds de brocolis. Ils servent de lieu d’accueil à des patinoires, jeux d’eau, et autres terrains de soccer, qui sont fort utiles ; là n’est pas la question.

Tout dépend de ce qu’on entend par « parc », qui peut aussi bien vouloir dire un « terrain où l’on trouve de la verdure et qui est destiné à la détente » ou « vaste terrain comportant de nombreuses installations servant à l’amusement, à la détente ou à l’éducation ». Bref, la verdure d’un parc est optionnelle, et n’est pas non plus synonyme de forêt, ou de petit boisé.

Il reste heureusement le parc du Ruisseau, soit une partie de la pointe boisée au sud-ouest des concessionnaires automobiles, coincée au point de jonction entre l’autoroute 20 et l’autoroute Claude-Béchard. Quand la Ville réalisera son ambitieux projet de nouvelle entrée ouest, entre la petite rue Fraser et l’Hôtel Universel, et que le périmètre d’urbanisation se sera étendu au sud-ouest, dans le prolongement des rues des Jonquilles et des Pivoines, le parc du Ruisseau, désormais enclavé, sera le dernier sanctuaire naturel majeur dans la partie ouest de la ville.

La rareté confère de la valeur : il importera alors d’autant plus de le préserver.

PROTÉGER LES FORÊTS URBAINES

Il faut protéger à tout prix les derniers segments de caps rocheux et les forêts urbaines pour nos enfants. À vous, cher·ère·s Louperivois·e·s, de tenir le fort et d’assister aux séances du conseil pour que ces témoins du passé géologique et naturel soient préservés pour les générations futures. Assurez-vous de défendre ces crêtes rocheuses comme autant de remparts, véritable ligne de front contre les vents violents de notre fleuve si capricieux.

La Ville projette aussi l’adoption d’une « politique de l’arbre » pour réduire l’impact des îlots de chaleur engendrés notamment par les immenses stationnements des grands commerces. Il faudra l’appuyer sans réserve. Comme le papier hygiénique au temps du coronavirus, les espaces non altérés par l’humain sont appelés à prendre de plus en plus de valeur à mesure qu’ils sont menacés de disparaître par des développeurs toujours en quête de profits à court terme. Pour Rivière-du-Loup, ces altérations à sa signature paysagère sont irréversibles.

Demandons-nous si la vue sur le fleuve de quelques propriétaires privé·e·s justifie de dénaturer les plus beaux secteurs de la ville. Surtout, cessons d’individualiser la jouissance du paysage, tout en collectivisant les pertes.

C’est la suite du monde qui nous en implore.

À propos de Marie-Amélie Dubé

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