Texte | Marie-Amélie Dubé
Catherine Dumont-Lévesque, originaire de Saint-Hélène-de-Kamouraska, sortait avant les Fêtes son livre Les Cahiers du petit cours d’histoire féministe. Nous l’avons rencontrée afin d’en savoir davantage sur son histoire avec l’histoire des femmes. Elle travaille actuellement en médiation au Musée des beaux-arts de Sherbrooke.
À quel moment l’histoire est-elle apparue dans ta vie, et à quel moment as-tu décidé d’en faire une profession?
Le Cégep de Rivière-du-Loup est vraiment l’environnement qui m’a donné le goût de la culture. Mais à ce moment-là, je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire. Ce sont vraiment mes goûts personnels qui ont guidé mon parcours universitaire. Je n’avais jamais constaté à quel point ça pourrait être difficile de faire carrière en histoire. Mais j’étais attirée par l’Histoire et je pense que j’avais envie d’accroître mes connaissances dans un domaine différent des autres.
Le Musée régional de Kamouraska, ç’a vraiment été un endroit merveilleux pour faire de l’histoire des femmes parce que la directrice, Anik Corminboeuf, me laissait une grande liberté d’action. J’avais souvent carte blanche pour reconstruire des visites et pour intégrer l’histoire des femmes. Ç’a été l’occasion d’expérimenter et de laisser aller ma créativité. J’ai découvert que la contribution des femmes était vraiment importante dans la région, et qu’il fallait en parler, en parler différemment que de mettre en valeur le dévouement des femmes au foyer.
Est-ce à partir de cette expérience que tu as davantage eu le goût de mettre en valeur les femmes, grandes oubliées de notre histoire collective?
J’avais un cours avec l’historienne Stéphanie Lanthier au baccalauréat en Histoire. Elle parlait beaucoup de l’absence des femmes, et j’ai réalisé que je n’avais jamais remarqué l’absence des femmes dans ma vie. Ç’a fait un gros déclic dans ma tête. J’étais gênée de ne m’être jamais questionnée sur ce fait !
Ensuite, je me suis mise à remarquer l’absence partout. Les femmes, c’est la moitié de l’humanité. Pourquoi est-ce que c’est traité comme une question particulière ? Pourquoi est-ce que c’est seulement un petit encadré dans la marge ? C’est vraiment à partir de son cours que j’ai mis des lunettes de féministe, et après, ç’a été impossible de les enlever ! Ma vision des choses a complètement changé !
À partir de ce constat-là, comment fait-on pour reconstruire le fil de l’histoire des femmes pour qui leurs histoires sont absentes ? Je pense qu’il faut réattribuer le caractère politique à ce que font les femmes. Parce que gérer les ressources alimentaires et gérer la famille a une valeur réelle. C’est certain que si les sources ne laissent pas entendre leur voix, c’est difficile de les entendre. Il faut aller chercher des sources alternatives en faisant de l’histoire orale.
Pourquoi et à quel moment est-ce devenu nécessaire pour toi, la vulgarisation par vidéo?
Tout ce que je savais, c’est que je voulais que le monde entier le sache pour que ça change leur vision. J’écrivais des articles au début, mais les gens ne prenaient pas le temps de les lire. Je me suis dit : « Je vais me filmer et raconter l’histoire avec un peu d’humour parce qu’il y a vraiment un million de jokes à faire avec l’Histoire. » Puis, la réponse a été positive. La maîtrise m’a permis de faire de la recherche et d’approfondir mes découvertes sur les femmes.
Actuellement, tu passes par des canaux de communication (Instagram et Youtube) accessibles à tout·e·s et plus inscrits dans des habitudes de consommation fast food. As-tu envie de vulgariser vers des publics autres ou plus nichés tels que les jeunes ou les réseaux scolaires, par exemple?
C’est ce que je visais avec le livre, en faisant de la vulgarisation scientifique, mais avec différents formats pour intéresser différents publics, selon l’appétit de chacun·e. Mon projet, c’est un projet d’éducation populaire. Il a aussi pour but de montrer que le mouvement féministe, c’est un mouvement militant, politique et intellectuel. C’est aussi une manière de contourner ce que les manuels scolaires contiennent. Parce que les femmes, les communautés autochtones, soit tout ce qui n’est pas relié aux hommes, sont relayées aux marges dans les manuels. Je me suis dit que moi, j’allais le faire ! Si on me laissait refaire les manuels d’Histoire, je me ferais vraiment beaucoup de fun !
Qui sont les vulgarisatrices ou féministes qui t’inspirent?
Virginie Despentes ! Je pense que tout le monde devrait lire au moins une fois King Kong Théorie dans sa vie. J’aime vraiment beaucoup son cynisme et sa remise en question de l’hétérosexualité en tant que système.Sinon, le podcast que j’écoute religieusement, c’est Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon. Et j’ai découvert un podcast sur l’histoire de l’art qui est vraiment, vraiment merveilleux : Vénus s’épilait-elle la chatte ? Sur 350 oeuvres au Musée des beaux-arts, il n’y en a que 20 % faites par des femmes. Notre manière de faire de l’art et de parler des arts a toujours été à la manière des hommes. Ce podcast vient expliquer pourquoi c’est comme ça.
Quelle femme de l’histoire québécoise t’inspire?
Micheline Dumont, pionnière de l’histoire des femmes. Elle a décidé de s’intéresser à l’histoire des femmes à un moment où ce n’était une préoccupation pour personne. Elle a remis en doute l’absence dans l’Histoire, les façons et méthodes pour écrire l’Histoire, à quel point le passé est « invisibilisant » pour les femmes. Ce que j’apprécie beaucoup de Micheline Dumont, c’est sa critique des mouvements nationalistes qui ont vraiment tassé les femmes quand les initiatives indépendantistes ont été mises en place. C’est à ce moment-là que les femmes ont décidé de faire leur propre mouvement et de créer Québécoises deboutte !