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Entrevulve avec Mel Goyer
par Antoine Calatayud | photo uvulva.ch
Ce nom est apparu comme un flash (à l’instar du mot « Festivulve ») et, sans me poser trop de questions, j’ai ouvert une page Facebook afin de rassembler les gens autour d’actualités « vulvement » pertinentes. Je voulais amener plus de conscience (ça me trouble de penser que l’école martèle que les garçons ont un pénis et les filles, un vagin). Je voulais que tout le monde sache qu’un vagin, ce n’est qu’un tube vide. Tout ce qui touche la vulve est ignoré, car ni les lèvres, ni le clitoris, ni le poil pubien ne servent à la reproduction… Vive le catholicisme qui continue de faire des ravages. Ce qu’on devrait enseigner dans les cours de sexualité, ce n’est pas la composition d’un ovule, mais plutôt l’importance de la communication, du respect, du plaisir mutuel et consensuel. Avec le VC, j’avais envie d’offrir une alternative aux jeunes filles qui cherchaient de l’info sur le sujet et qui tombent trop souvent sur de la pornographie. Je voulais leur dire : « Hey girl, tu vaux de l’or. Aime-toi et honore ta vulve. » Finalement, j’en ai appris beaucoup moi-même. Par exemple, savais-tu qu’un homme peut avoir une vulve et être menstrué ? Je trouve ça sain de parler ouvertement des trucs que certains aimeraient garder tabous. En créant cet espace virtuel, jamais je n’aurais pu deviner à quel point ça allait faire réagir. J’étais loin de me douter de tout ce que ce mouvement m’apporterait : encouragement, admiration, opportunités merveilleuses, collaborations généreuses, plus de savoir… mais aussi des insultes, du harcèlement, des défis à surmonter, de la censure de Facebook, des attaques personnelles et des tonnes de dick pics. LOL. Je fais de mon mieux et je répète que je ne suis pas une experte. Juste une fille qui a envie de parler de ce qu’elle a entre les jambes (et c’est beaucoup plus qu’un tube vide).
Est-ce une réflexion qui se veut purement féministe ? Si oui, comment accueille-t-elle les hommes et leurs questions ?
Pas pantoute ! Je veux inclure tout le monde. Même moi, je suis une féministe rebelle. Un peu vieux jeu parfois. Je suis pour l’égalité des jouissances, l’égalité financière et la répartition égale des responsabilités, mais j’apprécie quand un homme m’ouvre la porte ou qu’il paye le lunch (dans le fond, moi aussi j’aime gâter mon homme de temps en temps). Pour moi, ce n’est pas incohérent. Je préfère la notion d’équité plutôt que d’égalité. Les hommes et les femmes ne seront jamais biologiquement identiques alias égalitaires… mais ils peuvent se respecter équitablement par exemple. Je pense que tous les humains gagneraient à sortir des cases qui les définissent (et les limitent) telles que « féministes » ou « homosexuelles » ou « whatever ». De dire que les hommes sont comme ci, les femmes sont comme ça, je trouve ça dangereux. Au-delà du genre de la personne, j’accueille sa personnalité virtuelle (que j’imagine parfois différente dans le monde concret). J’accueille donc les hommes comme les autres : de mon mieux quand ils se montrent curieux. Ils m’énervent un peu quand ils veulent absolument que je « comprenne » un truc grâce à leurs explications. Je les revire carrément de bord quand ils veulent me montrer leur pénis (avoue que c’est weird comme comportement). Je dirais donc que mon accueil dépend de l’attitude de chacun. J’ai reviré des filles aussi. Le manque de classe publique n’a pas de sexe et ma patience est déjà limitée en partant. LOL.
Votre page Facebook a été récemment suspendue à cause de son nom, « vagin connaisseur ». Pensez-vous qu’en 2018, la société est enfin prête pour ce genre d’approche ?
Ma page a été suspendue à plusieurs reprises à cause des images que Facebook veut censurer. On peut montrer des gros seins en masse, mais éduquer les gens en leur montrant la diversité des corps, oublie ça ! À la suite de la sortie du Festivulve, ma page a été suspendue parce qu’il y a des gens qui l’ont signalée pour intimidation. Une histoire qui date de l’année passée a refait surface. Screenshots de moi qui pète sa coche solide (en privé) contre un/une internaute qui avait convaincu ses amis d’aller me traiter de transphobe sur toutes mes pages professionnelles (le projet du VC est bénévole, je gagne ma vie comme coach de PNL). Bref, ma limite était atteinte, cette personne allait trop loin et j’ai été méchante (que celui qui se prétend parfait me jette la première pierre). LOL. Par la suite, j’ai compris le malentendu (grâce à une courte explication d’une autre internaute), je me suis excusée, mais la personne a continué de me harceler. Encore aujourd’hui, un an plus tard, elle diffuse à qui veut bien les voir ces screenshots dont je ne suis pas fière. Comme si l’évolution n’était pas possible. Comme s’il fallait s’acharner sur les fautes du passé et me faire honte jusqu’à la fin des temps… Cette personne a convaincu d’autres gens de signaler ma page. Et cette dernière a été suspendue deux jours complets, le temps que Facebook enquête et en arrive à la conclusion que je n’intimide personne. Vive Internet et les gens derrière leur écran. Alors, je me suis moi-même posé la question à savoir si j’étais prête à me faire lapider sur la place publique pour vouloir honorer les vulves… Même si en tant qu’hétéro blanche j’en ai beaucoup à apprendre, il y a des limites à catégoriser les gens radicalement, sans les connaître. Les transphobes existent et je n’en suis pas. C’est ce que je trouve difficile à gérer. Et j’avoue que, des fois, je suis découragée de lire les commentaires débiles ou d’entendre la radio-poubelle rire du QI impressionnant des féministes et diminuer le Festivulve par la même occasion. Mais je préfère mettre l’accent sur l’objectif de ce projet et sur l’énergie positive de toutes les belles personnes qu’il rassemble.
En 2018, vous lancez le 1er festivulve. En quoi consistera-t-il ?
Encore une fois, je ne m’attendais pas à un événement de cette ampleur. Dans ma tête, ça allait être un truc underground avec quelques centaines de personnes, mais finalement, le public en a décidé autrement. Mais peu importe le nombre de personnes qui viendront, je veux qu’une ambiance festive règne dans cet endroit accessible à tous. Après la vague de #metoo qui a fait « débuzzer » tous les coeurs sensibles, j’aimerais que ce Festivulve génère de l’amour, de la joie et plus de conscience. Je le vois comme une grande célébration où tout le monde est bienvenu. Au menu ? Des conférences éducatives, des ateliers créatifs, des tables d’expositions « vulvement » inspirées, un espace réservé pour prendre des photos de sa vulve (en privé, bien sûr), des spectacles et projections en soirée. J’en veux pour tous les goûts. J’ai reçu plus de 100 candidatures et je continue de les recevoir jusqu’au 1er mars. Mes trois mots-clés pour la sélection finale sont la DIVERSITÉ, la QUALITÉ et l’INSPIRATION (Il faut que ça m’inspire. Si tu ne l’avais pas remarqué, je suis une fille qui écoute son feeling. Conseil : j’aime les trucs originaux.). Cinquante pour cent des profits de l’événement seront généreusement versés à un organisme soutenant une cause « vulvienne » votée par le public.
Avec tous les scandales de harcèlement et d’agressions sexuelles qui sont révélés ces temps-ci, souhaiteriez-vous qu’il y ait plus d’initiatives comme la vôtre afin de libérer une parole si souvent réduite au silence ?
Comment répondre non à cette question ? Mais ce que je souhaite vraiment, c’est le retour des cours d’éducation sexuelle complètement révolutionnés. Des intervenantes hip et branchées qui parlent des vrais enjeux en langage de jeune… la prévention, c’est un stratégie essentielle à mettre en place. Moi, j’étais curieuse et j’ai fait ma première fellation à 13 ans. C’mon. Et dès 16 ans, j’étais « pornwashée ». Quand j’y repense… ouf. Si, à 12 ans, au lieu de la prof préretraitée qui avait peur du mot « pénis », j’avais eu une intervenante allumée pour me dire « Hey girl, tu vaux de l’or et t’as pas besoin de faire des pipes pour qu’on t’aime », ça aurait probablement changé mon parcours…
P.S. Juste pour être claire, je suis profellation (LOL), mais l’égalité des jouissances, c’est super important et il faut en parler. Il faut parler de bien des affaires, alors… VIVE TOUTES LES INITIATIVES QUI PERMETTENT UNE RÉFLEXION, UN ÉCHANGE DE CONNAISSANCES, UNE COMMUNICATION FRANCHE, DIRECTE ET RESPECTUEUSE.