Prendre la route, des centres collégiaux de transfert technologique, un territoire fertile en développement

texte Marie-Amélie Dubé et Sara Dumais-April

Au Québec, plus de 1500 professionnel.le.s de la recherche appliquée travaillent dans 59 Centres collégiaux de transfert technologique (CCTT) ; une expertise déployée dans différentes sphères du monde du travail, pour faire évoluer la recherche et le développement au service des organismes et des entreprises d’ici. L’Est-du-Québec se taille une place prépondérante en innovation technologique et sociale puisque dix CCTT sont enracinés sur le territoire fertile du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, entre La Pocatière et Gaspé. Les richesses naturelles de notre région (eau, forêt, vent, agriculture, vie et produits aquatiques) créent des fondations solides pour ancrer les expertises de nos CCTT et par leur truchement, accélérer le développement des entreprises.

Les CCTT offrent un accompagnement en innovation dans un processus d’adaptation à un changement technologique, soit pour la conception ou l’amélioration de produit, l’adaptation à des solutions technologiques, le transfert des savoirs et des savoir-faire, pour de la formation, pour de la veille technologique, du soutien à des études de marché, pour l’organisation de colloques et de conférences[1]. L’offre de service des CCTT est protéiforme et sur mesure. Toujours rattachés à un Cégep, les CCTT permettent également aux étudiant.e.s de faire le pont entre les milieux scolaires et entrepreneuriaux, de voir rapidement l’application concrète des apprentissages et de déployer un savoir dans le cadre scolaire. Ce sont également des alliés des enseignant.e.s permettant d’impliquer des projets concrets dans le corpus disciplinaire tout en participant au développement d’expertises locales.

À La Pocatière, trois CCTT sont actifs dans le milieu. D’abord, Optech oeuvrant en optique photonique dont la spécialisation est basée sur les capteurs fibrés, en imagerie et illumination, en métrologie et en microsystème. L’équipe d’Optech travaille en recherche appliquée en contexte industriel et assiste les entreprises dans le développement de produits et de procédés novateurs. Optech a, par exemple, mis en place un laboratoire spécialisé en microassemblage de composantes optiques pour son partenaire Dental Wings. Cette collaboration a évité de sous-contracter à l’extérieur du Canada. Au quotidien, le CCTT fait face à une réalité importante pour les entrepreneur.se.s : la gestion du risque et des finances associées au processus de développement d’un nouveau produit ou d’un nouveau procédé. Optech joue un rôle d’accompagnement pour ces derniers. Partenaire du Cégep André-Laurendeau, du Cégep de La Pocatière et du John Abbott College, Optech implique les étudiant.e.s et les enseignant.e.s directement dans le cadre de leurs stages et de leurs projets de fin d’études. Ils ont également la chance d’assister à des séminaires et d’en apprendre plus sur les technologies et les partenaires avec qui le CCTT collabore. M. Maroun Massabki, directeur général adjoint et directeur du développement et de l’innovation explique à quel point cette implication permet de dresser un vaste portrait du marché du travail pour les étudiant.e.s.

Solutions Novika, un autre CCTT affilié au Cégep de La Pocatière, réalise des mandats de recherche appliquée, de développement et de transfert dans la conception de produits mécaniques, électriques, électroniques et électromécaniques, la conception de procédés et d’équipements de production, le développement de solutions logicielles, les essais avec acquisition de données et les procédés industriels laser. Solutions Novika suscite l’intérêt industriel avec l’automatisation avancée des procédés de production, l’accompagnement vers l’Industrie 4.0, le développement d’objets connectés ainsi que le soudage, le polissage et la texturation par laser. L’OBNL mise sur sa multidisciplinarité pour se démarquer. Grâce à son expertise, le CCTT est en mesure d’accompagner un projet de A à Z. Pour son partenaire Bombardier Transport, Solutions Novika a développé diverses techniques de soudage par laser pour l’assemblage de différentes composantes de véhicules ferroviaires ainsi qu’une technologie adaptative de soudage laser/GMAW d’assemblage en acier structural épais. Le CCTT a également accompagné Bombardier Transport pour transférer ces savoir-faire technologiques au personnel en les formant. Selon Lorraine Blais, viceprésidente et chef de section – procédés laser, la collaboration à long terme n’est pas à négliger : « Nous sommes là pour aider des entreprises à évoluer technologiquement, on ne voit pas les entreprises comme des clients, mais bien comme des partenaires ». Les entreprises qui s’impliquent à long terme avec Solutions Novika ont donc la possibilité de développer leurs produits et leurs technologies continuellement.

Le troisième CCTT de la ville de près de 4266 habitants se donne comme mission d’accroître la compétitivité des entreprises du domaine des bioressources et de contribuer au développement régional par l’innovation. Fondé en 2007, Biopterre-Centre de développement des bioproduits est affilié au Cégep de La Pocatière et à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) et axe ses recherches vers les biotechnologies et les produits horticoles, la biomasse, les technologies environnementales ainsi que les mycotechnologies, les produits forestiers non ligneux (PFNL) et les cultures innovantes. Le CCTT accompagne les entreprises et organismes dans l’innovation par la recherche appliquée et le développement technologique, le soutien technique, l’information et la formation.

En raison de ses collaborateurs, notamment Premier Tech, Biopterre oeuvre dans le développement des mycotechnologies, plus particulièrement avec les mycorhizes, un champignon qui améliore la croissance des plantes et des végétaux en permettant l’augmentation du système racinaire et l’irrigation des végétaux.

Aujourd’hui, Premier Tech est le chef de file mondial en mycorhizes. Soulignons également que Biopterre a une vision axée sur le développement régional et est très proche des entreprises avec lesquels il travaille. Marie-Pierre Dufresne, Directrice générale souligne que le CCTT se distingue dans son approche avec les entreprises. Le centre cherche à comprendre la réalité des entreprises qu’il accompagne pour que ses interventions aient un impact direct. En ce sens, le CCTT s’implique beaucoup dans la région, notamment en apportant un regard scientifique lors de participation à des tables de développement ou des comités de réflexion.

À Rivière-du-Loup, le Living lab en innovation ouverte (LLio) utilise des approches comme le Living Lab pour mettre l’usager au centre de l’action et impliquer tou.te.s les acteur.rice.s concerné.e.s. Il stimule l’adoption de pratiques d’innovation ouverte pour les organisations. Par exemple, si une municipalité veut développer un nouveau service aux citoyens, le LLio pourrait accompagner une cellule d’innovation locales avec des représentants de la ville en question ET avec des citoyen.ne.s, puisqu’il. elle.s sont les usager.ère.s ciblé.e.s dans le projet innovant du client. De cette démarche émergerait des solutions intégrées et modélisées par l’usager.ère. Ce CCTTPSN (en “pratiques sociales novatrices”) offre donc une expertise en innovation ouverte et collaborative, autant au niveau local, provincial, qu’international. Il pilote et accompagne des projets d’innovation par l’animation d’événements, en facilitant les démarches du processus d’innovation ou en offrant de la formation. Le centre effectue de la recherche en innovation ouverte, sur l’approche Living Lab, sur l’accroissement des capacités innovantes et sur les outils, leviers et méthodes d’innovation collaborative (coworking, Fab lab, hub d’innovation). De plus en plus, le CCTT a l’occasion d’impliquer des étudiant.e.s dans les projets et de leur faire vivre des activités de recherche et des interventions en innovation. C’est un moyen d’intégrer les si importantes compétences du 21e siècle. David Guimont, facilitateur et chercheur, mentionne d’ailleurs que cette année, le LLio a réussi pour sa première année en tant que CCTT à engager une douzaine d’étudiant.e.s dans le cadre de projets de recherche menés par le LLio.

Dans la ville voisine, à Rimouski, Innovation maritime est un centre de recherche appliqué à but non lucratif, affilié à l’Institut maritime du Québec. Sa mission est de contribuer au développement du secteur maritime et de stimuler l’excellence par le billet de l’innovation. Les champs d’expertise du CCTT sont le génie maritime, la navigation, les technologies environnementales à bord des navires, la sureté et sécurité maritime, le transport maritime et la plongée professionnelle. Avec son équipe d’experts, Innovation maritime offre des services de conception et prototypage, de développement logiciel, d’études et d’analyses ainsi que de tests et essais. Le CCTT compte plus de 350 projets à son actif. Ces projets ont des retombées tant régionales que nationales, puisque l’organisme travaille de pair avec des entreprises impliquées dans le secteur maritime partout au Québec. Innovation maritime réalise notamment des projets touchant les biocarburants, les émissions atmosphériques des navires, la propulsion hydride, les analyses de trafic de même que les outils logiciels visant à optimiser les chargements et les déplacements des navires. Sylvain Lafrance, directeur général d’Innovation maritime, souligne que les retombées pour les entreprises peuvent être d’ordre économique ou environnemental. Innovation maritime implique aussi, comme les autres CCTT, plusieurs étudiant.e.s dans ses projets afin de les sensibiliser au domaine de la recherche appliquée.

Plus à l’est encore, affilié avec le Cégep de Matane, se trouve le Centre de développement et de recherche en imagerie numérique, le CDRIN. Ce CCTT offre des services de recherche et développement, d’aide technique, de formations spécialisées aux entreprises et d’accompagnement à l’innovation.. Le CDRIN se positionne dans la valorisation des technologies de l’intelligence numérique au bénéfice des industries créatives et culturelles, ainsi que pour celui des domaines de l’éducation et de la santé. Par exemple, ils ont soutenu Soraïda Caron, chorégraphe, dans la réalisation-production de projections 3D, style hologramme, pour sa création en danse contemporaine Belles bêtes. Il entend valoriser ces technologies et ce savoir vers des secteurs clés pour le développement économique du Québec en collaboration avec des partenaires scientifiques, industriels, culturels et artistiques.

Comme les équipes du CDRIN sont décentralisées (Québec, Matane et Montréal), le CCTT fait face à quelques défis au quotidien, notamment en termes de mutualisation des équipes, d’accessibilité aux ressources spécialisées ainsi qu’au financement et à la mise en place d’une infrastructure technologique de pointe en région. Malgré ces défis, le CCTT est toujours à l’affût des dernières technologies. Yann Gonthier, chargé des communications, explique que c’est la raison pour laquelle le CDRIN est en processus de changement de nom. Il n’est plus question d’imagerie numérique, mais plutôt d’intelligence numérique. Le CCTT opérera de façon plus large dans son expertise.

À la pointe de l’Est-du-Québec se trouve le Cégep de la Gaspésie et des Îles, dont le campus de Gaspé et ses trois CCTT affiliés. D’abord avec Nergica, un centre de recherche appliquée qui stimule l’innovation en matière d’énergies renouvelables à travers des activités de recherche, d’aide technique, de transfert technologique et d’accompagnement aux entreprises et aux collectivités. Le CCTT se donne comme mission d’ouvrir de nouveaux horizons pour les énergies renouvelables, favorisant l’optimisation de la performance des centrales éoliennes et solaires ainsi que l’intégration des énergies renouvelables. Nergica se démarque par son site de recherche en en conditions réelles, qui s’avère être un laboratoire grandeur nature. Il y a donc de vraies éoliennes, de vrais panneaux solaires, une centrale photovoltaïque et un vrai microréseau relié à Hydro- Québec. Cybel Picard, coordonnatrice des communications et événements ajoute : « Opten est un ambitieux programme de recherche qui réunit des industriels et des chercheur.se.s canadien.ne.s autour d’un objectif commun : développer des solutions technologiques novatrices pour optimiser l’approvisionnement énergétique des sites hors réseaux à travers une meilleure intégration des énergies renouvelables et des technlogies de stockage dans les microréseaux ».

Toujours à Gaspé se situe le siège social de Merinov, le plus important centre intégré de recherche appliquée dans les domaines de la pêche, de l’aquaculture, de la transformation et de la valorisation des produits aquatiques au Canada. Le CCTT souhaite accroître la compétitivité des entreprises grâce à l’innovation technologique et à l’implantation d’approches durables et efficientes. Son expertise se trouve dans les secteurs de la biologie, de l’écologie, de la nutrition, des technologies de pêche et d’aquaculture et d’analyses technicoéconomiques. Merinov implique près de trente étudiant.e.s et enseignant.e.s dans ses projets à chaque année. Par exemple, des étudiant.e.s ont été initié.e.s à la recherche scientifique en participant à un projet sur la lutte aux biosalissures. Pour la première fois en septembre prochain, grâce à une collaboration entre Merinov, le CIRADD, Nergica et le Cégep, le projet recherche-études verra le jour. M. David Courtemanche, directeur général, explique que le projet consiste à intégrer la recherche dans le parcours de différent.e.s étudiant.e.s et, à terme, d’offrir un programme semblable au sport-études, mais en recherche-études à travers les campus du Cégep de la Gaspésie et des Îles.

À Carleton-sur-mer se trouve le CIRADD, un centre spécialisé en développement durable rattaché au Cégep de la Gaspésie et des Îles. Sa mission est de soutenir les organisations, les entreprises et les collectivités en offrant des activités innovantes et des services de recherche appliquée qui contribuent au développement durable. Le CIRRAD travaille sur des enjeux tels que l’occupation harmonieuse et responsable du territoire, la vitalité et le bien-être des collectivités ainsi que sur les processus d’adaptation aux changements sociaux et climatiques. En ce moment, le CIRADD travaille sur un projet avec de multiples partenaires pour développer un outil de suivi pour la capacité de support de la rivière Bonaventure. Corinne Pedneault, agente de développement, mentionne que chaque année, des étudiant.e.s sont impliqué.e.s dans divers projets de ce CCTT-PSN, notamment avec le module d’aide aux collectivités à travers lequel ils réalisent des recherches qui permettent à des entreprises et à des organismes de bénéficier gratuitement de ce service. Ces recherches sont présentées en fin d’année lors d’un colloque scientifique ouvert au public. Il s’agit d’un bon moyen d’échange entre la communauté, l’institution d’enseignement et le CIRADD.

Finalement, le dernier CCTT de l’Estdu- Québec est Serex. Affilié au Cégep de Rimouski et situé à Amqui, le centre se donne comme mission de développer des solutions et des pratiques pour soutenir l’innovation et le transfert technologique dans les entreprises liées aux secteurs de la transformation des produits forestiers afin de leur permettre de se positionner sur les marchés d’avenir. Ses principaux champs d’expertise se situent au niveau de la transformation du bois, de la chimie durable, de la biomasse énergie et de l’écoconstruction. Les clients du CCTT ont accès à une équipe de chercheur.se.s, d’ingénieur.e.s, de chimistes et de technicien.ne.s spécialisé.e.s dans les différents aspects de la transformation des produits forestiers. Serex a d’ailleurs reçu, en 2015, le défi de valoriser les coproduits de la fabrication de palettes de peuplier faux-tremble par le Groupe Damabois inc. Dix-huit mois plus tard, la bûche Damaflamme a fait son entrée sur le marché et est 10 % plus performante que sa plus proche concurrente. Au quotidien, les défis tournent énormément autour de l’innovation puisque « l’innovation, en tant que tel, est un défi en soi ». M. Patrick Dallain, directeur général, mentionne que de plus en plus, Serex travaille avec des entreprises qui ne sont pas présentement dans le domaine de l’exploitation du bois. Une des missions du centre est de montrer le potentiel de ce domaine aux entreprises et ainsi, de travailler avec ces dernières à long terme.

Les CCTT sont ouverts et accessibles. Contactez-les afin d’évaluer la possibilité de vous accompagner dans votre développement d’organisme ou d’entreprise. Vous pouvez également consulter le site de Synchronex, réseau qui rassemble tous les CCTT du Québec, et apprendre au sujet des diverses expertises des CCTT du Québec. Naturellement, les domaines d’activités des CCTT sont souvent orientés par le territoire et les ressources présentes selon les régions du Québec, mais sachez que chaque CCTT est une porte vers les autres CCTT du réseau. Il saura vous accompagner vers les expertises les plus pertinentes pour votre projet. Leur apport à la société québécoise comme catalyseurs de développement est reconnu.

Le Fabbulleux Mix 2019, qui se déroule des 13 au 15 septembre prochains, au Fab lab du Cégep de Rivière-du-Loup, est un exemple de solutions innovantes issues du CCTT de Rivière-du-Loup, le LLio, mettant en action plusieurs intervenant.e.s de la région pour permettre la cocréation d’expertises en matière de développement durable. Les représentant.e.s des CCTT de l’est seront également sur place lors de ce happening. Vous êtes invité.e.s à les rencontrer et à participer à l’événement !

Prenez la route des CCTT, direction Fabbulleux Mix 2019 !

[1]www.synchronex.ca

À propos de Marie-Amélie Dubé

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