PHOS Matane Photos-Art 2019 : Une 7e édition avec un grand nombre d’artistes invité.e.s

Texte : Michel Lagacé | Photo : PHOS

À l’ouest de Rimouski, on connaît peu le Festival PHOS de Matane. Un événement pourtant important en arts visuels numériques où la photo, la vidéo, le cinéma, la performance, le son et l’installation sont à l’honneur durant plusieurs jours en septembre.

PHOS a une programmation surprenante grâce à un commissariat, une équipe, les ressources numériques de leur studio et des artistes invité.e.s « prestigieux.ses » dont les productions sont présentes dans plusieurs sites du centre-ville ; les salles d’exposition du Complexe culturel Joseph Rouleau, le Quartier général dans une ancienne usine sur la rue principale et aussi au cégep, entre autres lieux. Bien d’autres activités : performances, tables rondes, films avec leurs réalisateur.rice.s invité.e.s, ateliers et activités festives à plusieurs endroits complètent cette mise en espace multidisciplinaire.

PHOS cherche à étendre certaines de ses activités performatives à des villes à l’ouest de Matane (ex : Rimouski cette année). La 7e édition, cette année, sous le commissariat de John Blouin, qui vient du milieu du cinéma, est éblouissante avec une programmation variée mettant en valeur la relation entre le numérique, l’argentique et le cinéma entre autres lectures.

Sans tomber dans une nomenclature « inévitable », je décrirai les installations et dispositifs de plusieurs de ces artistes invité.e.s, tout en appuyant sur mes coups de coeur lors de mon passage. Pour plus de détails, la programmation de l’édition 2019 est encore en ligne : www.espacephos.net

WINTER GARDEN installation du collectif MERE PHANTOMS (Maya Ersan et Jaimie Robson)

AU QUARTIER GÉNÉRAL

Dans la première salle, Trop tard photogrammes de Michael Flomen. De grands formats reproduisent en numérique son travail photographique sans caméra, fait de papiers photos couleur placés à l’extérieur où les éléments de la nature et les lueurs de la nuit interviennent aléatoirement en nous restituant « l’infiniment petit et l’infiniment plus grand » de cette nature. Une suite d’images colorées d’une impression de déliquescence en résulte.

Dans la deuxième salle, l’installation Winter Garden du collectif Mere Phantoms (Maya Ersan et Jaimie Robson) est impressionnante avec des moyens très simples, de la découpe en papier de kiosques de jardins (miniatures), avec leurs dentelles, sur des socles. Grâce à la lumière, ils deviennent un théâtre d’ombres interactif, car les gens sont appelés à faire varier ce dispositif avec des lampes de poche sur un écran transparent suspendu et sur les murs environnants. L’expérience de cette « tradition du théâtre d’ombres du début du cinéma qui les a inspirés » est magique.

Plus loin, l’installation en deux parties « Jeu, photos, vidéo » de Jacynthe Carrier de Québec est touchante par la liberté des enfants qui sont les acteurs de ce dispositif sur les images dans un cube blanc au centre de la salle autant que dans la vidéo plus loin qui retransmet leurs jeux dans un espace entouré de blocs de béton au fond d’une carrière. Leurs jeux improvisés, avec les matières : de la laine, des balles, du sable, et d’autres matières plus salissantes sont captés dans des scènes et un montage d’une très belle qualité. La saleté sur les corps des enfants est bien présente dans ces jeux et bien retransmise à l’intérieur du cube blanc où nous entrons pour regarder des photos tirées de la vidéo. Photos, des enfants en situation de jeu, retouchées à la peinture avec des couleurs transparentes salissant ces images dans une dynamique rappelant cette liberté et cet excès que transmet la vidéo. Des balles maculées de couleurs trainent au sol de ce cube rappelant l’insouciance, la liberté du jeu avec la matière.

HYDRO installation de Caroline Monnet et Ludovic Boney

L’installation Territoire d’humanité de Wartin Pantois, avec ses personnages découpés introduit dans des photos du territoire de la Matanie, complète ce parcours. Dans un autre espace, Undream, une installation de Sabrina Ratté, réintroduit le thème de l’architecture dans une projection réalisée en 3D. « Inspiré des photomontages de Superstudio, groupe architectural radical de la fin des années 1960 » l’artiste imagine une structure architecturale ouverte en verre avec diverses variations propres à cette technologie. Structure « futuriste » surplombant un photomontage de montagnes. À la fois, la froideur et le côté spectaculaire des effets du 3D sont évidents dans ce dispositif.

AU COMPLEXE CULTUREL JOSEPH-ROULEAU

En arrivant, l’intervention architecturale Silicium dans la verrière du complexe nous ouvre l’espace de ce lieu par des impressions numériques translucides de grands formats (en noir et blanc). « Un dessin d’une vue microscopique de silice » enveloppe l’ensemble de ce hall de verre. Juste à côté, La promenade des Capitaines reçoit cette année sous le titre Émergence, des photos de six photographes émergents du Cégep de Matane. Un conteneur, « La boîte bleue, cinéma mobile » présente, en collaboration avec Paraloeil, des courtsmétrages de six artistes.

L’une des salles présente Scratch 2-polyphonie de clignotements, installation vidéo de Pierre Hébert, artiste bien connu du cinéma d’animation (ONF). Il renoue avec la gravure sur pellicule dans cette installation, avec trois projections dans un rectangle continu, « technique qu’il avait abandonnée en 2001 au profit de la technologie numérique ». La bande sonore est de l’américain John Hollenbeck, percussionniste avec qui il a présenté en direct une performance de gravure sur pellicule dans cette même salle.

À Rimouski, après une première partie dans une pièce musicale du Français, compositeur et pianiste Frédéric Blondy, interprétée par le GGRIL sur la scène de la salle Telus, Pierre Hébert a présenté une autre performance en direct, mais cette fois en version numérique avec tablette graphique et extensions de programmation, accompagné, dans l’esprit de l’improvisation en direct, par les percussions de John Hollenbeck et le piano de Frédéric Blondy. Une performance à trois où l’intervention de Pierre Hébert procédait par un jeu de tracés qu’il pouvait colorer à sa guise, et dont le résultat était diffusé sur un grand écran. J’étais heureux d’assister à cette soirée haute en couleur et en musique improvisée, contemporaine, et de constater cette collaboration entre Tour de bras (GGRIL) et PHOS à Rimouski. Collaboration double avec le projet Utopies instrumentales présenté plus tôt au Quartier général à Matane.

« SCRATCH 2 » – polyphonie de clignotements, installation vidéo de Pierre Hébert

Je connais bien les installations et lustres de verres de Claudie Gagnon, et son intégration de l’art à l’architecture récente au Diamant à Québec, mais ici dans le cadre de PHOS, elle présentait ses vidéos de tableaux vivants inspirés de tableaux de l’histoire de l’art. Tableaux presque statiques réalisés avec maquillage, costumes récupérés habillant des personnages vivants. Contrefaçon incluait des images tirées de ces vidéos. Images rehaussées de poudre, du noir brillant leur donnant un lustre plus mortifère et caricatural. « Ces pastiches ludiques et poétiques soulignent la problématique de l’appropriation et de la citation en art », telle que décrite dans la présentation.

Au centre de l’espace connexe : Hydro, l’installation de Caroline Monnet et Ludovic Boney. Par des câblages électriques noirs imposants et des ampoules suspendues au-dessus d’un grand carré en miroir au sol, ces deux artistes, bien appréciés du milieu des arts visuels, créent un fort effet de vertige comme au pied d’un gouffre. « L’oeuvre s’inspire du combat mené par Matthew Coon Come, Grand Chef de la Nation crie d’Eeyou Istchee opposé au mégaprojet hydroélectrique de la Baie- James dans les années 1990 ». Des ampoules qui s’allument au rythme de la bande sonore : « extraits d’un discours, de code morse et de sons captés sur les transformateurs électriques ». Il y a dans cette installation inventive une adéquation presque parfaite avec ce qu’elle suggère.

Dans le dernier espace, Norman McLaren Project & Diagonale Blue Square, l’installation de Richard Kerr. Il détourne de la pellicule pour en tisser « littéralement » des oeuvres picturales dans des boîtes lumineuses. Ce qui boucle assez bien ces références au cinéma qui abondent dans cette 7e édition. Sans oublier la présence du cinéaste André Forcier avec son film Le vent du Wyoming au Cégep de Matane. D’autres invité.e.s comme le groupe français Laboratoire des hypothèses qui, avec leurs interventions ludiques, ouvrent cet événement à un plus large public.

À propos de Marie-Amélie Dubé

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