texte Sophie Desroches, professeure titulaire, École de nutrition, Université Laval
Une grande majorité de la population utilise les réseaux sociaux fréquemment. Que nous soyons des utilisateurs de Facebook, Instagram, Pinterest ou Twitter, ces plateformes font dorénavant partie de notre environnement médiatique. Au cours des dix dernières années, les réseaux sociaux ont modifié notre façon d’accéder à l’information, notamment dans le domaine de la santé et des saines habitudes de vie. Les gens vont y chercher des recettes, des programmes d’entraînement, et aussi des interventions ou des groupes de soutien pour la perte de poids. Dans le cadre de notre programmation de recherche sur l’utilisation des réseaux sociaux pour l’adoption de saines habitudes alimentaires, nous avons effectué une synthèse de la littérature scientifique portant sur l’utilisation des réseaux sociaux par les femmes adultes et les adolescentes et les effets sur le poids et l’image corporelle[1].
Nous avons tout d’abord constaté que jusqu’à maintenant, il y avait peu d’évidence scientifique de l’efficacité des interventions de perte de poids effectuées par l’entremise des réseaux sociaux et que d’autres études seront nécessaires pour mieux comprendre leur rôle dans ce contexte. Toutefois, les femmes utilisant les réseaux sociaux semblaient apprécier le soutien et l’interaction virtuelle avec des gens ayant entrepris une démarche de perte de poids comme elles.

Ensuite, nous avons rapporté que l’utilisation des réseaux sociaux par les femmes et les adolescentes pourrait avoir un effet neutre ou délétère sur l’image corporelle. En effet, les résultats de notre analyse provenant de diverses études suggèrent que selon différents aspects de notre personnalité, ou les raisons pour lesquelles nous utilisons les réseaux sociaux, leurs effets sur l’image corporelle pourraient être différents. À titre d’exemple, les femmes ayant tendance à comparer leur apparence physique aux autres pourraient être plus susceptibles de rapporter une plus grande préoccupation à l’égard de la minceur lorsqu’elles consultent des réseaux sociaux présentant des images où la minceur est valorisée. De plus, utiliser les réseaux sociaux principalement pour publier des photos de soi et les modifier serait davantage associé à une insatisfaction face à son image corporelle, contrairement à l’utilisation de ces plateformes pour consulter un fil d’actualité. Quant à la fréquence d’utilisation, une étude canadienne a rapporté que les adolescentes qui passaient plus de deux heures par jour à consulter les réseaux sociaux étaient plus à risque de présenter une insatisfaction à l’égard de leur poids, à se percevoir comme ayant un surplus de poids, et à souhaiter perdre du poids comparativement aux adolescentes utilisant moins fréquemment les réseaux sociaux.
L’étude de ces nouveaux outils de communication est relativement nouvelle, et plusieurs questions quant à l’effet de l’utilisation des réseaux sociaux dans un contexte de perte de poids demeurent sans réponse. Notamment, nous avons constaté qu’aucune étude n’avait visé à identifier le type d’intervention qui pourrait être effectuée par l’entremise de réseaux sociaux pour promouvoir à la fois une perte de poids et une satisfaction à l’égard de l’image corporelle. Est-ce qu’il est possible de reproduire, avec les mêmes résultats, des interventions efficaces traditionnelles (c’est-à-dire en personne) de perte de poids sur des plateformes de réseaux sociaux ? Est-ce que le fait que les réseaux sociaux aient recours à l’utilisation de photos de personnes, de repas préparés à la perfection pourrait entraîner des effets différents comparativement à une intervention où la personne rencontre un professionnel de la santé ?
Ce domaine de recherche est en pleine effervescence et la synthèse de la littérature que nous avons effectuée a permis d’identifier des lacunes dans les connaissances actuelles afin d’orienter les recherches futures. Puisque les réseaux sociaux ne disparaîtront pas dans un proche avenir, il sera important d’effectuer des études qui viseront à proposer des interventions de perte de poids sécuritaires et efficaces effectuées par l’entremise des réseaux sociaux.
[1] Référence de l’article original : Audrée-Anne Dumas and Sophie Desroches. « Women’s Use of Social Media : What Is the Evidence About Their Impact On Weight Management and Body Image ? », Current Obesity Reports, March 2019, 8(1).
Article très intéressant ! Si le lien entre image minceur et satisfaction corporelle vous intéresse, j’ai trouvé cet article (https://www.nutrimis.com/blog/limpact-des-images-minceur-sur-la-satisfaction-corporelle/) qui traite de ce sujet.