par Michel Lagacé
« On a su que c’était vraiment La Fin quand les feux ont cessé de se limiter au fond de nos gorges et que les fantômes ont franchi les frontières de la nuit. »
Cette phrase de l’auteure canadienne Liz Worth m’est revenue en tête (Avant que tout s’effondre, Édition XYS, 2015) en me levant le lendemain matin du carnage (environ 129 morts) survenu le vendredi soir, 13 novembre 2015 à Paris. La barbarie du groupe État islamique (EI), qui a revendiqué et planifié ces attentats, a pris une telle ampleur en attaquant tous ces lieux populaires fréquentés par les jeunes au concert rock dans le théâtre du Bataclan, par les familles et même le président au stade de France, les gens sur les terrasses et dans de petits restaurants de quartier de Paris (sept lieux d’attentats en tout).
« Que faire, que penser devant de telles absurdités ? »
On ne pouvait qu’être horrifié, sous le choc et solidaire des Parisiens. L’apprenant tard le soir du vendredi — « une nuit de cauchemar » pour les Parisiens —, cette horreur m’est rentrée dans le corps comme une balle, tel un boulet dans l’estomac provoquant un troublant vertige… Les fanatiques continuaient de détruire les valeurs humaines de la civilisation, à provoquer la Fin de la liberté pour soi et pour l’autre, l’une n’existant pas sans l’autre. La Fin du « vivre et laisser vivre ». Oui, car ces illuminés aux croyances qui attisent la violence — aucune attache aux véritables religions —, oui, ces terroristes à la fureur rougeoyante provoquent une guerre continue, imprévisible. Ils provoquent la peur partout dans le monde et surtout à Paris, une ville ouverte… devenue le symbole d’une liberté bafouée et continuellement mitraillée. Le jeudi soir, je venais tout juste de revoir un ami français (« monsieur Blot ») qui revenait d’un voyage d’un mois en France, où il avait exposé quelques unes de ses oeuvres réalisées ici dans notre région. Il me racontait qu’il avait remarqué que les Français commençaient tout juste à cicatriser leurs plaies. L’atmosphère était moins lourde qu’à son dernier voyage, malgré le chômage galopant et le désabusement de la majorité de ses compatriotes devant la classe politique inopérante et le peu de possibilités… que du pareil au même, où la droite et le racisme creusent ensemble leur chemin. J’imaginais le drame et l’inquiétude dans l’âme de cet ami qui devait penser avec « rage et tristesse » à sa mère à Paris et aussi à quelques-uns de ses amis ou connaissances dans la capitale française… Que faire, que penser devant de telles absurdités ? Les larmes coulent à Paris, les mots manquent, ils dérapent devant un tel manque d’humanité (une guerre contre les civils ?). Il nous faut pourtant continuer à lutter avec discernement contre ces terroristes. Il faut aussi dénoncer ces inadaptés de l’humanité, ces fantômes de la mort. Partout à travers le monde, malgré les déséquilibres constants, il faut continuer à vivre des plaisirs du quotidien, de nos rituels, de l’amour, de notre liberté, de la culture, de l’art, des rires des enfants, des rires de nos amis et aussi de leur tristesse… Ne pas se laisser abattre, continuer à respirer et, surtout, ne pas les laisser, ces terroristes de la violence, transformer notre existence — celles des Parisiens en particulier — en une nuit d’horreur continue, cette noirceur qui engendre les pires comportements. Il faut le dire, le faire entendre, il faut les éduquer et les maitriser avec lucidité, car « c’est assez ! ». En mémoire des victimes.