Parce que les falaises me donnent envie de sauter

Texte et photo | Marie-Chloé Duval, Artiste

Quand mes pieds sont au bord de la falaise, en moi monte une envie, celle de sauter.

Je sais que cela ne se partage pas, parce que les gens ne comprennent pas que c’est ma passion de vivre qui me donne cette envie viscérale. 

Celle d’aller voir.

Celle d’essayer et d’expérimenter. Puis aussi celle de me défier et de m’exposer.

Tu me parlais de ton excitation face à ton opération, celle qui allait permettre de retirer la tumeur qui s’était logée dans ton esprit.

À ce moment, je savais que toi aussi, quand tes pieds sont sur le bord de la falaise, tu as envie de sauter. C’est dans cette passion de vivre, celle de réellement vivre, dans cette anarchie qui nous anime, que la mort ne nous fige pas mais nous anime.

Nous avons beaucoup parlé, longuement, largement, banalement et sérieusement.

Je ne savais pas pourquoi tu m’avais écrit, je ne comprenais pas ce qui motivait ton désir de me revoir, pourquoi dans cette tournée des grands ducs tu passais par mon petit fief.

Je t’ai rejoins au café pour retrouver cet homme que j’avais connu il y a 8 ans. Cet homme qui m’a permis de faire un saut, non pas dans le vide mais tout comme. Ce saut de la criminologie à l’art. Tu sentais en moi ce qui s’animait depuis toujours en toi; ce besoin de vivre, ce désir de ne pas faire comme les autres font, ce besoin de créer et de vivre librement surtout.

 J’admirais ton désir de faire en dehors des règles. Ce désir, ces actions, encore aujourd’hui je les admire, seulement je les comprends davantage.

Alors, on s’est posé et on a parlé, d’un naturel déconcertant. Dans ma tête les idées se bousculaient.

J’avais envie de pleurer, de joie étrangement. Je comprenais que dans ce qui arrivait tu avais su te retrouver. La liberté qui t’habitait m’inspirait tellement que j’avais en moi trop d’émotion pour réagir.

Il nous faut parfois des moments pour nous rappeler qu’il n’y a à la vie qu’un seul sens.

Le reste n’est qu’accessoire.

Cette réalisation, ce moment je l’ai eu quand j’ai quitté une réalité qui ne me convenait plus.

Quand quelque chose de plus grand m’a fait comprendre que je n’avais pas besoin d’être celle qu’il fallait. Qu’être celle que je voulais suffisait, que je suffisais.

Toi tu l’as eu quand ton corps te l’a violement rappelé.

Il y a aujourd’hui quelque chose qui habite dans ton esprit avec toi, quelque chose d’étranger. Parfois ça prend quelque chose qui ne nous appartient pas pour réapprendre à s’appartenir.

Dans cette nouvelle, tu as réalisé que tu avais oublié.

Oublié de prendre le temps. Prendre le temps, sans rien, sans artifice et sans attente.

J’étais émue, j’avais envie de me rappeler de chaque mot.

J’étais émue, mais aussi confuse.

Je suis chanceuse, surtout parce que dans ma tête il y a des histoires, comme la tienne qui croise la mienne. Il y a des souvenirs qui se transforment, puis il y a des moments comme ces cafés qui me rappellent pourquoi je peins, pourquoi c’est correct d’avoir envie de sauter dans le vide tellement la vie me fait vibrer.

Nos cafés étaient rendus froids de toutes ces minutes, de tous ces échanges et de tous ces silences agréables. Tu m’as demandé si je trouvais étrange que tu sois aussi excité pour ton opération.

Non, j’ai naturellement répondu.

Je l’étais autant.

J’avais tout aussi hâte que toi de voir.

Après.

Quand ton rappel à la vie aura fait ton travail.

J’ai hâte de voir, de te voir et de me voir après tout ça, après ce moment tellement puissant qui vient teinter le reste de nos parcours, le reste de nos histoires.

À propos de Marie-Amélie Dubé

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