par Karine Raymond-Marcotte
J’ai eu la chance d’assister, le 8 juin dernier, à une soirée engagée et inspirante : La Soirée 25 X La Révolte !
Il faut d’abord mettre cette assemblée en contexte. Hugo Latulippe, auteur et cinéaste, et sa compagne Stéphanie Robert, peintre illustratrice et professeure de yoga, nous ont ouvert les portes de leur résidence pleine d’histoires qu’ils ont acquise en octobre dernier. Magnifique demeure de presque 200 ans, les hôtes du presbytère de Cacouna ont accueilli plus d’une quarantaine de personnes curieuses de partager un moment et peut-être un peu aussi pour voir ce monument cacounois. Une saine curiosité propre aux villages ! Installés dans la grande salle comme dans une salle de classe, nous avons pris place dans un univers de chaises dépareillées, comme nous le somme aussi humainement. Les charmantes créations de Stéphanie ornant les murs, l’atmosphère vaporeuse, le rire des gens, tout était en place pour passer une généreuse soirée. À ce moment précis, nous ne savions pas qu’un piège nous avait été tendu. Cette invitation était en fait un appât afin qu’Hugo et Stéphanie puissent enfin rencontrer leurs voisins ! L’idée de départ, dit-il, est venue d’une intuition, une envie de poursuivre la mission communautaire d’une maison construite pour accueillir des gens. C’est là que nous avons commencé à écouter Hugo nous raconter. Je ne vous exposerai pas aujourd’hui le curriculum d’Hugo Latulippe et cela, malgré un parcours fascinant depuis bientôt 25 ans. Je vous parlerai plutôt de ce projet auquel nous avons assisté, à la fois si sensible et révolté. Quand l’espoir prend naissance dans la rébellion. Il était donc une fois, la naissance de 25 X La Révolte, une exposition audiovisuelle créée pour le Musée de la civilisation de Québec et présentée en 2016-2017. Alors qu’il était en Suisse en même temps que notre mémorable printemps érable, Hugo a reçu un appel lui demandant de mettre en mots et en images ce qui se passait dans nos rues. Une magnifique proposition, soit celle de dresser le portrait de la nouvelle génération politique en refaisant une petite partie de l’histoire au travers 25 événements marquants, de l’occupation de la place Tiananmen par des étudiants chinois en 1989 à la troïka de la Grèce en 2014. Une exposition alliant l’histoire et l’art. 25 événements pour raconter une époque et surtout pour amorcer la discussion sur ce que nous allons devenir. Le processus pour en arriver à cette exposition a été extrêmement gratifiant. L’animation de plusieurs tables universitaires a permis de déterminer 25 moments forts qui s’inscrivaient dans une idée de mouvements sociaux. Hugo et son équipe ont ensuite relevé le défi de se rendre dans chaque lieu et de retrouver quelques humains qui ont participé à changer la face de notre monde. Des rencontres, des gens et des mobilisations qui consentent à élever nos consciences collectives.
« Si l’idée était de rassembler des gens, de les réseauter, le pari est gagné. »
L’art qui sert à exprimer des revendications.
La conversation s’est ensuite poursuivie avec un maître conteur assurément convaincu. Nous avons senti un attachement singulier envers les zapatistes au Mexique qui ont su se bâtir une société plus consensuelle et autonome. Il y a peut-être ici d’autres tableaux à venir dans cet appel au changement ? Des images ont été tournées là-bas par le duo il y a peu de temps. Et la soirée s’est accélérée, elle défilait : Rio de Janeiro, le Bangalore, l’Afrique du Sud, le Québec et sa Marche Du pain et des roses, la Palestine, l’Argentine, les Pays-Bas. Les sujets se multipliaient. Il y avait tant à dire. L’agriculture, le droit des femmes, le mariage homosexuel, l’économie, l’éducation. J’ai fini par arrêter de prendre des notes parce que je souhaitais vivre les échanges. Deux heures pour effleurer 25 révolutions. Des vidéos entrecoupées de citations, de discours et de partage. Notre groupe, des gens de tout acabit, s’est senti privilégié de regarder des extraits de l’exposition 25 X La Révolte. Incontestablement, elle devrait encore circuler publiquement. Je pense que nous aurions pu jaser des heures encore. Cela a été une rencontre profondément humaine, authentique, avec un homme qui semble laisser depuis longtemps couler dans ses veines une lucidité, une conscience douce malgré les résistances sur lesquelles il a oeuvré. Si l’idée était de rassembler des gens, de les réseauter, le pari est gagné. Deux êtres éclairés et rassembleurs, qui partagent une belle synergie, nous ont conviés au mouvement. Le début d’une autre impulsion dans notre village de Cacouna. Le soir même, je me sentais déjà plus connectée aux autres, plus consciente de leur présence dans mon univers. Et le dimanche suivant, je me suis déplacée pour en saluer quelques-uns. Le lien était créé. Hugo nous a invités à rester debout et implacables, à hausser le ton quand c’est nécessaire, à réapprendre à voler. J’adhère. Merci pour cette soirée, Hugo et Stéphanie, pour votre présence lumineuse et pour la suite des choses. Avec vos belles idées pour remettre le presbytère au profit de la population, vous pourrez compter sur des alliés. Je pense que vous ne devriez pas manquer leur prochaine invitation parce que : « Nous étions le mouvement, nous sommes le mouvement et nous serons encore le mouvement. Nous sommes partout à la fois. »