texte Lucie Pagé photo Shanti Naidoo-Pagé
En février 2016, en juin 2016 et en décembre 2016, je suis presque morte. La dernière fois, je n’ai pas dormi pendant 116 heures et j’avais maigri de 4,5 kg. J’ai commencé à avoir des accidents, à foncer dans les murs, tomber dans les escaliers. Je pleurais pour rien. Pour tout. J’ai compris, entre autres, comment l’insomnie pouvait être mortelle. Mon mari a dû m’amener d’urgence à l’hôpital. Si, par malheur, j’étais morte, on aurait inscrit « crise cardiaque » ou « accident vasculaire cérébral » ou simplement « accident » ou même « suicide » comme cause de décès, mais pas la vraie raison : ménopause. Je souffre de la forme la plus sévère de ménopause. J’ai des chaleurs aux vingt minutes qui sont parfois si puissantes que j’en vomis. Je perds deux litres d’eau par nuit. Je ne peux tout simplement pas fonctionner. Je prenais jadis des hormones, mais de l’activité pas catholique s’était développée sur mes ovaires. L’oncologue m’avait dit à l’époque : « Stop les hormones ! » La seule alternative était de me bourrer de médicaments : des antidépresseurs, deux sortes d’anxiolytiques, des somnifères. J’étais très rentable pour l’industrie pharmaceutique ! Mais je ne fonctionnais pas, jusqu’à ce que je trouve une plante — le cannabis — qui élimine TOUS mes symptômes et qui m’a redonné une vie tout à fait normale. Par contre, depuis, je subis les foudres de toute part, surtout de la profession médicale, même dans ma propre clinique de cannabis à Montréal où je suis une patiente légale. J’expliquais à l’infirmière de la clinique que je devais transformer le cannabis que j’obtenais de leur fournisseur légal en huile brute, car les autres produits ne fonctionnent pas bien pour moi. Le fumer ne sert à rien dans mon cas et les autres huiles qu’on offre sont trop diluées et coûtent très cher. Alors, je fais de l’huile brute. L’infirmière m’a répondu, presque en criant : « Vous n’avez pas le droit de guérir comme ça ! » Je suis partie de cette clinique en disant que je préfère guérir illégalement plutôt que de mourir légalement.
Quand j’aboutis à l’hôpital, c’est parce que je suis en Afrique du Sud où c’est toujours illégal et que le gars qui transforme mon huile est parti en vacances. Sinon, je prends quelques gouttes d’huile brute le soir et, au bout de 90 minutes, tout symptôme disparaît pour 24 heures. Je suis de bonne humeur. Je suis productive, fonctionnelle, sans parler de mon entourage qui revient aussi à la normale. Au Canada, par contre, nous n’utilisons le cannabis que pour traiter des symptômes — surtout la douleur, les nausées et les tremblements —, mais pas pour guérir des maladies. Ironiquement, en Afrique du Sud, malgré l’illégalité de la plante, on est beaucoup plus avancé quant à son utilisation. On y traite le Parkinson, le glaucome, la sclérose en plaques, l’anxiété, la dépression, l’arthrite, la maladie de Crohn, les troubles de déficit de l’attention, l’épilepsie. Beaucoup viennent dans ce pays pour soigner un cancer et une bonne moitié en guérit, certains après avoir eu un diagnostic de quelques semaines à vivre. D’ailleurs, ce devrait être notre droit, pas celui de l’industrie, de choisir entre la chimiothérapie et l’huile de cannabis, car la science a maintenant prouvé qu’effectivement, des composantes du cannabis provoquent l’apoptose des cellules cancéreuses. La Big Pharma le sait. La politique le sait. L’argent le sait. Si vous saviez la prospection qu’il y a à ce sujet en ce moment sur la planète. On entend des politiciens et autres crier « non » à cette plante sur les plateformes publiques, mais qui investissent de gros sous dans son industrie naissante. C’est d’une hypocrisie crasse ce qui se passe. Le cannabis fut une plante médicinale utilisée pendant des milliers d’années, jusqu’en 1937, quand on a décidé qu’elle n’était pas bonne pour l’économie. Cela n’avait rien à voir avec la science qui a prouvé sans aucun doute que le cannabis possède d’importantes valeurs thérapeutiques, tant palliatives que curatives. Je le sais, je lui dois ma vie, comme tant d’autres. J’ai le choix entre le risque du cancer, le risque de la mort par folie ou par accident, ou le risque de la prison. Lequel choisiriez-vous ?
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