Lettre à nous-même; Homo Sapiens

Texte | Charly . D
Photographie | Tony Charest et Charly . D

Dans la nature, aucun être vivant n’existe seulement pour lui-même, il fait partie d’un grand tout. Plusieurs jours encabanée au fond de la forêt des Appalaches, avec mon amoureux, je songe… Covid-19, étrange impression de déjà vue, étrange sensation que ça nous pendait au nez.

À l’aube d’un changement ?

À l’aube, Homo Sapiens…lève-toi et pose-toi les bonnes questions. Sur tes choix, nos choix, sur ton/notre mode de vie et de consommation, sur ta/notre vision du monde et sur ta/notre relation avec lui. Il fallait peut-être ça, pour que nous, Homo Sapiens, on se réveille de notre rêve consumériste au rythme effréné. Un rêve plein de promesses, qui avait ses vertus, mais qui nous épuisait, et nous tuait à présent quotidiennement, autant qu’il épuisait les ressources naturelles nécessaires à notre maintien en vie.

Cette quarantaine, j’en ai passé une partie dans une cabane au fond de la forêt Appalachienne, sans eau ni électricité, avec les plus précieux : mon partenaire de vie et la nature. Rien d’autre. Pour ralentir, réfléchir. La modernité a bon nombre de qualités qu’il faut conserver, certes. Il n’y a qu’à regarder ce que le confinement ouvre dans le ciel du monde entier, ôtant le voile de CO2 qui nous étouffe.

Sans revenir à l’âge de pierre, revenir simplement aux sources. Un retour au naturel, aux valeurs imbriquant naturalité, simplicité, durabilité, avec les prouesses et le génie d’Homo Sapiens. Sortir de l’éconosphère et habiter de nouveau dans la biosphère. Faire un pied de nez au Covid-19 pour lui montrer qu’on a saisi le message. Qu’on s’emmerde bien trop à courir après le temps, après l’argent, pis qu’on a plus ce temps pour nos enfants.

Homo Sapiens, cessons de courir, respirons !

L’air est plus pur depuis que les voitures ne roulent plus sur l’autoroute de la démence. C’est un acte instinctif qui ne nécessite aucun effort… respirer. En parlant d’instinct tiens, on l’a caché où le nôtre ? Homo Sapiens, fous-toi la paix ! Ressens-toi, dans toute ta magnificence et ta vivacité. Plonge tes pieds dans le courant… Celui du torrent de la montagne, mais plus celui de ton insidieux bagne. Resynchronisons-nous avec les éléments, vivant aux rythmes des saisons, en mangeant ce qui est à côté de chez nous, prenant juste le nécessaire, pas plus pas moins, en souriant à nos voisin.e.s tout en partageant son pain. Il te le rendra. La nature nous donne déjà tout ce dont nous avons besoin. Se redéfinir en tant qu’être humain.e.

Gandhi disait : « Notre pouvoir ne réside pas dans notre capacité à refaire le monde, mais dans notre habileté à nous recréer nous-même.» Est-ce que Covid-19 est là pour ça ? Pour qu’enfin nous nous redéfinissions en tant qu’humain.e.s ?

Comprendre…

Pourquoi en arriver là ? Je suis là, assise dans cette cabane à la douce chaleur du poêle à bois, même si je sens le souffle du vent hivernal se glisser entre les fentes du mur. Après avoir fait fondre de la neige pour nous abreuver et souper, après un raid nocturne en fatbike dans la forêt sauvage, je me questionne sévèrement. Ici, vivant bien simplement, je sens tous mes sens en éveil, comme si l’animal instinctif en moi, trop souvent terré, refaisait surface avec l’ardeur d’une jeune femme amoureuse pour la première fois. Je me sens Homo Sapiens en cet instant. Pis toi ? Pis vous ? Pis nous ?

Je m’allonge sur le sol neigeux, dehors, la face dans la voûte céleste étincelante parce qu’aucune pollution lumineuse ne me gâche la vue. Les yeux brûlant avec les feux de l’univers… C’est bon d’être en vie. Une montagne de compassion, pour ceux.celles qui vivent ça durement, s’élève dans mon petit cœur d’animal à deux pattes.

On est tout.e.s petit.e.s dans ce monde, on est à la fois tout.e, pis rien en même temps. On est capable de voler dans le ciel alors que la nature ne nous a pas pourvus d’ailes. On est capable de gravir l’Everest avec nos petits poumons chétifs et on a inventé internet, des milliards d’informations transitant sur un nuage fictif impalpable et invisible … On a réalisé des choses invraisemblables et incroyables et pourtant, au quotidien, et sur bien des domaines vitaux, on agit comme des con.ne.s sans cervelle. On agit comme des con.ne.s insouciant.e.s face à notre environnement, face à nos comparses et même face à nous-mêmes. Excuse-moi de nous injurier Homo Sapiens, mais avoue-le, on n’a pas toujours de quoi être fier.e de nous.

Alors, après le COVID-19 il se passera quoi ?

L’économie et la consommation repartiront de plus belle, dans une course frénétique à la croissance exponentielle, jusqu’à ce qu’un.une pote à Corona vienne nous remettre son poing en pleine face ? Alors que simplicité et nature apportent tant d’harmonie, de richesses incalculables non monnayables, car si précieuses. Impermanentes, mais du bonheur à l’état brut. La situation actuelle nous offre son lot de drames, mais à son instar, elle offre aussi l’opportunité de faire mieux, de se changer, de se rééquilibrer. Charles Darwin l’avait compris il y a longtemps. «Les espèces qui survivent ne sont pas les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements». Il faut sortir de notre mutisme, de nos carcans insidieux dans lequel on s’est emprisonné. Malgré les morts, malgré la douleur, les couleurs de l’arc-en-ciel sont toujours rayonnantes à mes yeux.

Corona ne fait que nous prévenir de RA-LENT-IR et passer plus de temps à vivre, et moins à survivre au rythme qu’on s’impose, pour passer plus de temps avec nos proches, à prendre soin de soi, à sentir et découvrir, à remettre les valeurs à la bonne place. Et c’est le bon moment pour apprendre des choses à nos enfants. Ces choses qu’on n’apprend pas le cul sur un banc à l’école. Apprendre à se définir, à connaitre la nature qui nous entoure et nous maintien en vie, se réapproprier la culture et les savoirs ancestraux, développer son esprit critique, ses habiletés manuelles, sortir du moule, l’autonomie, se nourrir en pleine nature, philosopher, vivre au présent et à être solidaire envers ses parents, sa famille, sa patrie au lieu d’être dans l’éternelle compétition. C’est le moment de créer une tribu bienveillante.

Homo Sapiens, notre nom témoigne de notre modernisme, soyons créatif.ve.s pour nous adapter aux changements. On est capable d’être bon.ne. À l’air de la facilité, cela parait fastidieux de bousculer ses habitudes. Mais plein de solutions sont déjà entre nos mains. On parcourt la planète depuis des millénaires et pourtant la sagesse ne semble toujours pas dans notre cheminement. Apprenons, il est temps ! Optons pour un bonheur paisible et durable, plutôt que pour des satisfactions instantanées, mais éphémères, qui s’évaporent aussi vite que nos poignées de dollars. Pourquoi avons-nous plus peur d’une menace pandémique moins meurtrière que celle du réchauffement climatique et de la pollution atmosphérique ? Nous sommes prêt.e.s à des mesures drastiques et sévères contre le Coronavirus, mais tellement légères face aux changements climatiques et la destruction des habitats naturels, qui sont tout autant menaçant.e.s pour la survie de notre espèce ?

Qui dit sagesse, dit sérénité. Et un homme.femme serein.e peut jouir de tous les plaisirs que la vie offre. Sans devoir être lisses et sans bavure, nous devons simplement sortir le meilleur de nous-mêmes.

Et commençons par vivre.

À propos de Marie-Amélie Dubé

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