Marcel, il me semble que je t’entends chanter… « Mais, dans ma tête, y’a un lion qui gronde. Je voudrais voir New York, New York… » Voici que la chanson s’est tue ! Cette façon que tu avais, à toi seul, de nous rendre « uniques », du moins à tes yeux, chaque fois ! J’ai de beaux souvenirs, de très beaux souvenirs rieurs avec toi. Parmi tous ces souvenirs qui me viennent, je revois ce moment, où invité à lire une page dans un livre choisi parmi plusieurs centaines de titres, tu avais mis la main sur « Coudre mais bien coudre ». Ce simple jeu, initié dans une soirée entre amis, consistait à lire une page, la même pour tous. Ce fut un moment inoubliable et tellement drôle que j’en ai eu mal au ventre de rire. On aurait cru entendre du Molière !
Et puis, une autre fois, en août, près du fleuve, guettant les étoiles filantes qui tombaient du ciel à profusion. Ce soir-là, nous étions investis de l’impression d’être loin de toute humanité. Quel bel espace nous accueillait, et quel immense cantique ce fut de jeter un regard confiant vers la voie céleste ! Ce don de soi exemplaire qui a été ta vie m’a toujours paru admirable. Tant de rencontres déterminantes vécues dans l’acceptation, tant de gestes quotidiens accomplis avec un savoirfaire hors du commun, afin de rendre agréable l’expérience de l’autre dans le domaine du service à la clientèle, comme un rempart contre ta propre adversité dans l’essentiel de la vie…
Nous ne savons pas ce qui nous arrive de l’autre côté de la vie, Marcel… Mais toi, tu en avais une idée assez précise. J’ai relu dernièrement des fichiers de clavardage avec toi, échanges anciens d’une dizaine d’années, dont un où nous discutions de la mort, à propos d’une connaissance commune décédée…
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ELISA DIT :
Encore une personne à Rivière-du-Loup qui avait tissé un lien avec toi. Vraiment, je n’en reviens pas… tout le monde est tellement porté vers toi.
MARCEL CARON DIT :
J’y peux rien… je les aime tant.
ELISA DIT :
Ça me donne une mesure tout de même de l’empathie que tu reçois.
MARCEL CARON DIT :
Aux gens, je donne à une certaine mesure qu’il m’est capable de donner.
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Et plus loin…
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ELISA DIT :
Tu dis des choses troublantes, Marcel… Je ne m’étais pas préparée pour ça… Oui, je crois que ta sagesse est grande, en tous cas. Je l’ai vue se manifester à plusieurs reprises… une sagesse modérée qu’on ne voit pas beaucoup dans ce monde revendicateur.
ELISA DIT :
Et railleur.
ELISA DIT :
Tu es en quelque sorte au-dessus de la mêlée…
MARCEL CARON DIT : Autant que notre corps se transforme tout au long de cette vie, nous évoluons et cheminons afin d’atteindre un niveau qui se veut d’amour… Moi, je suis à ma dernière vie et je le sais…
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Pour ma part, je me dis que le grand départ doit être fait de la quintessence dans le paisible, dans l’incommensurable, dans la sérénité. En esprit, je me joins à tous ceux qui te manifestent leur affection, ne serait-ce qu’en retour de tous ces « colleux » que tu as si chaleureusement et librement distribués. Quant à moi, je te serre sur mon coeur. Ce fut un privilège de t’avoir rencontré.
Élisabeth Dionne