Les stéréotypes : outil essentiel de guerre et de terrorisme

par Kim Cornelissen

 

Le problème des stéréotypes hommes-femmes n’est pas de se faire ouvrir la porte ou de vouloir être élégante. C’est plutôt le fait de se laisser mouler par des perceptions provenant des autres — société, famille, religion, conjoint/conjointe — afin de se conformer à ce qui est attendu de nous plutôt que de mettre en valeur qui l’on est véritablement. Si l’on s’interroge sur les stéréotypes dans bien des domaines, il existe un secteur où le fait même de le faire nous oblige à remettre en question l’existence de celui-ci. C’est le cas par exemple de l’armée et de la lutte au terrorisme.

 

Dans l’armée, les stéréotypes sont essentiels pour que les hommes acceptent d’obéir et de se sacrifier, ensemble, sans questionner les ordres, dans un monde de propagande où l’ennemi est un monstre que seule la violence peut vaincre. L’armée ne remet pas en question le recours à la violence ; c’est le fondement même de son existence. Pourtant, dans un conflit, la violence est généralement la pire des solutions. Et celle-ci n’est pas plus vertueuse parce qu’elle est américaine ou canadienne plutôt qu’iranienne ou japonaise. La violence s’engraisse de violence et perpétue les mythes des héros (hommes ou rares femmes soldates) et des victimes (femmes et enfants).

 

« Personne ne se demande pourquoi, en 2016, on précise encore le sexe des victimes…»

 

La violence contre les victimes vise justement à justifier la colère et le désir de vengeance chez les soldats, qui se trouvent alors un rôle honorable. Pour sortir de ce mortel cercle vicieux, il faut casser ces stéréotypes, pour diminuer, de chaque côté du conflit, cette éternelle justification de la violence comme outil de vengeance. Il faut travailler sur ses causes pour en réduire l’impact et non l’amplifier par de nouvelles agressions. Or, les stéréotypes sexistes guerriers sont systémiques et risquent peu d’être confrontés si les groupes de réflexion ne sont pas paritaires. Cette systémique implique que les gens ne s’interrogent pas sur certains biais. N’entend-on pas encore couramment aux nouvelles internationales : « il y a eu 200 morts, dont plusieurs femmes et des enfants ». Personne ne se demande pourquoi, en 2016, on précise encore le sexe des victimes… Pour sortir de cette lutte de pouvoir entre nous, les bons, et eux, les méchants, il faut renforcer la connaissance mutuelle de l’autre en partageant
les points communs et non en renforçant la domination et l’humiliation. Le fait de se découvrir des ressemblances avec chacun des opposants (sans charge d’agression) comme des plats préférés, la musique et les arts visuels, la géographie, des paysages, des photos des enfants, etc., en présence de femmes et d’hommes, ne peut être que positif. À cette étape de démythification, le partage de connaissances ne doit pas s’interroger directement sur le rôle des hommes et des femmes, mais la parité doit faire partie des groupes d’échanges, de facto. Pourquoi partager ce qui semble être trivial alors que l’horreur est quotidienne ? C’est le principe de la coopération et non de la confrontation : l’ennemi avec qui l’on partage des goûts et des souvenirs communs perd sa carapace de monstre barbare. La guerre se nourrit de propagande, de préjugés et de mythes ; la paix se nourrit d’échanges, de liens et de souvenirs communs. Et de la possibilité d’agir pour aider les sociétés dans lesquelles on vit, de rapprocher les solitudes. Tout en respectant des valeurs telles que l’égalité entre les femmes et les hommes parce que même au Québec, malgré les apparences, tout reste à faire.  On dira que je suis bien naïve de penser régler ainsi des problèmes de conflits nationaux. Pourtant, quand on sait les conditions horribles ayant mené au nazisme et à la Deuxième Guerre mondiale, ou à la guerre qui a lieu actuellement en Syrie, il me semble encore plus naïf de nier l’importance des stéréotypes dans l’aggravation des conflits. Même ceux qui, comme Justin Trudeau, veulent simplement prendre du temps pour réfléchir à la question plutôt que de répondre spontanément par des déclarations de guerre (comme l’a fait François Hollande), sont fortement critiqués…

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