par Carole Desjardins
C’est certain qu’à l’instant même où je m’apprête à écrire ces mots, je veux faire autre chose… Parce que rester là, assise, et entrer en contact avec mon silence me demande une certaine « discipline ». Mon cheval intérieur aimerait mieux bouger pour ne pas aller vers l’inconnu qui m’habite. Dans le connu, j’aurais vraiment l’impression de faire quelque chose… C’est moins intimidant… Je connais le chemin.
Les Soldates de la Paix sont l’exemple de l’invisible qui a surgi de l’obscurité intérieure pour s’installer dans la matière. Leur mission, quand elles s’offrent au regard de l’Autre, est d’amener l’attention vers l’intérieur, vers le centre. Se laisser toucher par la simplicité du geste intime. Elles représentent la force du féminin qui porte la lumière afin de diriger l’action juste. Pour accéder à cette énergie tranquille, ce féminin existant dans tous les êtres humains, les hommes comme les femmes, il faut s’arrêter et entrer dans le silence pour l’entendre. Les mots qui s’y dévoilent, ces rencontres uniques, où l’invisible se fait sentir, sont des moments précieux aussi indispensables que les mouvements de l’action. Nous ne pourrions nous délecter d’une délicieuse pomme à l’automne si les quatre saisons ne formaient pas le cycle de sa naissance. On connait bien les saisons d’énergie masculine : le printemps et l’été. On les aime, car c’est l’énergie en pleine effervescence. C’est le plein rayonnement du soleil. On existe à plein. On est dans l’action. C’est l’énergie du faire, du rationnel, de la production, du paraitre. Elles ont les qualités de la matière, de la structure et de la force physique. Les saisons féminines n’ont pas la brillance du soleil éclatant. Elles sont comme la lune. Plus discrètes. Elles veillent. Elles nous accompagnent vers l’intérieur. C’est un mouvement naturel. Notre corps commence à demander de la chaleur et à s’organiser pour rentrer dans le cocon de l’hiver. On aura besoin d’en prendre soin. On oublie souvent que, sans l’automne et l’hiver qui nous parlent d’intériorité, de patience et d’intuition, le jardin que nous avons semé, au printemps, ne prendrait pas la forme luxuriante qu’il va nous offrir à l’été. Si l’automne, moment de récompense et de gratitude, était inexistant, nous n’aurions pas l’énergie nécessaire pour subsister jusqu’au prochain. L’hiver, saison du silence, de l’attente et de l’immobilité, nous donne le repos pour refaire nos forces, pour permettre à la vie de poursuivre sa vie. C’est l’entièreté du cycle sacré de l’existence qui nous donne à vivre. Dans nos sociétés, la trop grande valorisation du « principe masculin » (faire) nous fait souffrir d’un déséquilibre qui fait mal à tout le monde ainsi qu’à la planète. Il conduit à un manque de sens profond qui nous mène, souvent, vers des conflits intérieurs et extérieurs. Faire de l’action sur de l’action ne fait qu’appauvrir le potentiel créateur de l’humain, qui lui, ne cherche qu’à s’élever vers une réalisation qui apporte la sérénité. Les quatre saisons sont essentielles au maintien de la vie. L’énergie féminine seule reste un rêve. Elle voyage dans la voûte éthérée. Le masculin seul ne fait que de la matière sans le sens. Il est indispensable que le masculin soit au service du féminin. Il met ainsi ses qualités au service de l’accomplissement de ce qu’il y a de meilleur en l’humain. Voilà pourquoi il est important de se solidariser à pratiquer à mettre en soi et dans notre environnement des moyens, des structures ( le masculin ) pour pratiquer ensemble l’écoute, l’intuition, l’accueil ( le féminin ) pour que la matière créée porte la conscience de l’impact de nos gestes. La Marche mondiale des femmes devient ainsi le masculin, la structure qui permet au féminin qui est éthéré de ne pas se perdre dans l’invisible, mais de prendre forme. Dire, marcher, paraître et servir la source en nous donne la direction. S’arrêter,
retourner au centre de soi et y revenir souvent apporte la sagesse à nos actes. Car les vents sont vigoureux et d’un souffle, ils nous font dévier de notre azimut; nous voilà sur une autre route. On a perdu le cap encore une fois. La vigilance est bon maître dans les tempêtes. Si nous sentons en notre cœur que ce que nous faisons comme action nourrit le meilleur de nous et apporte une paix intérieure, c’est que nous avons retrouvé notre azimut. Notre source intérieure est la boussole de la réalisation de ce que nous sommes. C’est unique à chacun et à chacune, et personne ne peut nous dire ce qui se passe dans le noble silence intérieur, le nôtre. C’est notre responsabilité et notre pouvoir de nous y connecter et de pratiquer ce passage dans l’obscurité vers l’inconnu en nous. Voir clairement les gestes à poser au bénéfice de l’ensemble de la collectivité est un acte de bienveillance. Que la Marche mondiale des femmes puisse avoir servi d’action à reconnaître ce que chaque être humain porte en son centre, l’énergie féminine, pour que la suite du monde puisse exister. À toutes et à tous, merci d’avoir marché vers le meilleur de nous-mêmes. www.lessoldatesdelapaix.ca