Le stress : pourquoi est-ce nécessaire au temps de la COVID-19 ?

Texte | Crystal Samson, doctorante en psychologie clinique, Andrea McCarthy, D.Psy., et Frédérique Beaudoin-Dion, D.Psy., psychologues
Photo de couverture | ulrike mai de pixabay.com

Le stress et les émotions désagréables sont souvent perçues comme étant indésirables et on tente de les éliminer ou de les réduire à tout prix. Pourtant, ces émotions sont importantes et font partie de l’expérience humaine; elles ont aidé notre espèce à survivre de différentes façons.

Les émotions sont un système d’information qui aident à la prise de décision. Elles nous permettent de connaître nos besoins et nos désirs, nous aident à diriger notre attention et à prendre action. Qu’elles soient déclenchées par nos pensées ou un événement extérieur, les émotions  ont toujours la même fonction: elles nous informent. Ce n’est pas parce que nous n’aimons pas le message qu’elle nous transmettent qu’il faut l’éliminer.

La peur, par exemple, est une réponse automatique qui nous rend prêts à combattre ou à fuir; le stress ou l’anxiété nous indique que nous devons faire attention à une menace possible et nous aident à nous préparer pour des événements négatifs. Prenons un exemple bien concret; si quelqu’un tentait de vous attaquer, vous auriez probablement le réflexe de vous sauver ou de combattre pour vous protéger.

Les années d’évolution humaines ont permis à un système (le système nerveux sympathique) de s’installer automatiquement lorsque nous sommes confrontés à un danger. Ce système prépare le corps à combattre ou à fuir de diverses manières. Cela explique certains symptômes physiques que l’on peut ressentir lorsqu’on vit du stress (inspiré du livre La peur d’avoir peur, de Marchand et Letarte, 2004) :

Palpitations cardiaques : augmentation du rythme cardiaque en préparation à l’action, envoie plus de sang aux muscles.

Oppression de la cage thoracique : contraction des muscles respiratoires pour une plus grande expansion des poumons et un dégagement optimal des voies respiratoires, fournit plus d’oxygène aux muscles.

Transpiration : favorise le rétablissement d’une température corporelle adéquate.

Jambes lourdes, molles ou tremblements : dilatation des vaisseaux sanguins des jambes pour favoriser la fuite. Le sang s’accumulent dans les muscles pour une utilisation immédiate.

Pieds ou mains froides/moites et engourdissements : diminution de l’apport sanguin aux extrémités; favorise l’économie d’énergie et diminue le risque de perte de sang mortelle en cas de blessure grave.

Vision embrouillée : dilatation des pupilles afin d’augmenter la vision périphérique

D’autres symptômes, comme les étourdissements, l’impression d’irréalité et de désorientation, la sécheresse de la bouche ou de la gorge et les problèmes gastriques sont d’autres effets secondaires qui découlent de l’activation du système sympathique et de la désactivation du système parasympathique (système qui permet entre autre de conserver l’énergie et d’autres fonctions utiles lorsque nous ne sommes pas face à l’urgence, par exemple qui remet à plus tard le processus de digestion).

Nous pouvons également ressentir de l’hypervigilance, qui  nous pousse à remarquer les indices de danger et à réagir rapidement en cas de danger. Si l’anxiété est très intense ou chronique, certaines personnes vont éprouver des problèmes de mémoire, auront de la difficulté à avoir les idées claires, vont accrocher sur des détails et auront de la difficulté à considérer la situation dans son ensemble.

D’autres émotions ou sentiments peuvent également accompagné l’anxiété, tel que la colère, la culpabilité, la tristesse, l’apathie. Certaines personnes se sentent responsables de situations sur lesquelles elles n’ont pas de contrôle, ressentent de la méfiance envers les autres ou se sentent paralysées.

Si certains symptômes peuvent nous préparer à réagit de manière appropriée dans certaines situations, notre corps ne fait toutefois pas la différence entre un événement menaçant notre sécurité physique ou psychologique, et peut réagir de la même manière par anticipation d’un danger (face à nos pensées anxieuses par exemple). C’est pourquoi nous pouvons également ressentir ces symptômes avant un examen important par exemple.

Dans ce cas, certains symptômes, dans une intensité raisonnable, pourraient tout de même nous aider à bien performer. Notre cerveau produira des neurotrophines, qui en renforçant les connexions entre les neurones, nous aidera à nous concentrer et augmentera notre productivité. La réponse du corps au stress pourrait également améliorer la mémoire et les facultés d’apprentissage. Sans stress, nous pourrions surestimer nos connaissances de la matière ou sous-estimer la difficulté de l’examen et ne pas étudier. Trop de stress, au contraire, pourrait faire en sorte que nos pensées déferlent dans notre tête et que nous n’arrivons pas à nous souvenir de ce que nous lisons.

Le graphique ci-dessous est inspiré de la courbe de l’impact stress de Yerkes et Dodson.

Dans la situation actuelle de la pandémie liée à la COVID-19, le stress, dans une intensité modérée, peut nous aider de plusieurs manières.

1)  Il nous permet de se mobiliser pour assurer notre sécurité et celle d’autrui (distanciation sociale, isolement volontaire, utilisation des mesures d’hygiène recommandées, se tenir informés, prévoir de manière raisonnable).

2) Le stress modéré permet le développement de la résilience. Quand nous faisons face à différents stresseurs, nous avons la possibilité de développer des stratégies d’adaptation variées pour y faire face. Ces apprentissages peuvent nous aider à surmonter des futurs obstacles de façon plus rapide et efficace.

3) Le stress modéré peut améliorer le système immunitaire au court-terme afin de combattre les infections (alors qu’un stress chronique aura l’effet contraire).

Certaines personnes ont toutefois tendance à minimiser les risques de la situation actuelle. Cela pourrait en partie s’expliquer par le désir de ne pas ressentir de stress. Lorsque nous reconnaissons qu’une situation comprend des risques, il faut accepter de ressentir un certain stress. Or, comme nous venons d’en discuter, le stress est normal et s’il est vécu de manière modérée, peut aider de différentes manières, tout comme les autres émotions désagréables.

Il faut alors tenter de trouver une balance entre le déni et l’anxiété envahissante, afin de rester dans notre fenêtre de tolérance des émotions, tout en s’adaptant efficacement. Comment peut-on favoriser ce processus émotionnel optimal ?

1- Aller à la rencontre de ses émotions :  laisser entrer l’anxiété sans la repousser, l’inviter à discuter avec nous comme si c’était une autre personne qu’on invite à prendre un café. On peut laisser l’émotion prendre sa place et écouter ce qu’elle veut nous dire. Prendre un moment de silence et prendre connaissance des sensations corporelles que nous vivons (pleine conscience). Ceci dit, on pourrait mettre une limite au temps qu’on demeure en contact avec notre anxiété à un temps précis (ex. une heure par jour). De plus, si celle-ci devient trop intense ou envahissante, on peut alors se changer les idées en trouvant une activité agréable et distrayante (ex: écouter un film sur Netflix, boire une boisson chaude, prendre un bain, marcher, dessiner, etc.) afin d’attendre que le pire de l’émotion soit passé et revenir dans notre fenêtre de tolérance des émotions.

2 – Parfois, il est important de mettre notre anxiété de côté pour pouvoir réussir à compléter certaines tâches ou se reposer. Comment peut-ont faire? Il y a l’idée de visualiser une petite boîte et de mettre nos inquiétudes et nos incertitudes dans celle-ci. Nous pouvons mettre la boite de côté pour un certain temps pour pouvoir la revisiter à un moment plus propice et permettant un bon accueil de son contenu. Attention, l’idée n’est pas de mettre la boîte de côté de façon permanente. Dans ce cas, ce serait nuisible. Ce serait alors comme si nous agissons sans avoir toute l’information nécessaire pour prendre une bonne décision; ce qui peut nous amener à s’engager dans des comportements dangereux pour nous-même et pour autrui.

3 –  Réfléchir à des solutions concrètes et réalisables qui sont sous notre contrôle pour aider à gérer cette anxiété. Cette étape nous permet de passer à l’action au lieu de rester paralysé par notre émotion. Vous pouvez faire une liste des choses qui sont sous votre contrôle et celles qui ne le sont pas; beaucoup de gens trouvent cela aidant. Par exemple, il y a beaucoup d’incertitude et nous n’avons pas le contrôle sur le futur, il s’agit donc de faire à une journée ou une semaine à la fois.

4 – Établir une routine saine peut nous aider grandement à se stabiliser dans les situations anxiogènes (identifier comment favoriser le sommeil, heure de lever et de coucher constantes, repas, activités agréables, activités productives, faire les courses, aller marcher, etc.). Il faut accepter que s’adapter prend beaucoup d’énergie, donc diminuer nos attentes et établir les priorités. De plus, le sport est un anxiolytique et antidépresseur naturel, il permet d’évacuer le trop plein de stress et améliorer l’humeur. Rester en contact virtuel avec des proches ou encore participer à des forums de discussion ou dire salut de loin à nos voisins peut être aussi très aidant. Au besoin, consulter un professionnel de la santé peut être nécessaire pour maintenir une santé mentale satisfaisante dans cette situation anxiogène pour tous.

5 –  Il est important de s’informer de la situation globale réelle et de l’évolution de la COVID-19 en accédant à l’information la plus précise et scientifiquement soutenue. Nous sommes bombardés d’informations sensationnalistes par différents médias et celles-ci peuvent très souvent augmenter notre niveau d’anxiété et de peur face à la situation réelle. Vous pouvez continuer à regarder les nouvelles pour rester informé, mais en vous donnant un temps d’exposition maximum par jour aux nouvelles (ex. 30 ou 60 minutes). Vous êtes encouragé à chercher de l’information en lisant sur différents sites reconnus, comme l’OMS (https://www.who.int/fr) ou le lien pour votre système de santé gouvernemental pour avoir un portrait plus clair de la situation (gouvernement du Québec, du Canada ou de votre pays).

Références

     Aschbacher, K., O’Donovan, A., Wolkowitz, O. M., Dhabhar, F. S., Su, Y., & Epel, E. (2013). Good stress, bad stress and oxidative stress: insights from anticipatory cortisol reactivity. Psychoneuroendocrinology, 38(9), 1698-1708.

     Cunnick, J. E., Kojic, L. D., & Hughes, R. A. (1994). Stress-induced changes in immune function are associated with increased production of an interleukin-1-like factor in young domestic fowl. Brain, behavior, and immunity, 8(2), 123-136.

     Kirby, E. D., Muroy, S. E., Sun, W. G., Covarrubias, D., Leong, M. J., Barchas, L. A., & Kaufer, D. (2013). Acute stress enhances adult rat hippocampal neurogenesis and activation of newborn neurons via secreted astrocytic FGF2. Elife, 2, e00362.

     LARIVEY, M. Tiré du Magazine électronique La lettre du psy, Vol. 2 No. 7, juillet 1998. [En ligne] www.redpsy.com/infopsy/genremo.html (Page consultée le 22 mars 2020).

     Marchand, A. et Letarte, A. (2004). La peur d’avoir peur (p.95-108) Montréal, Stanké.

À propos de Marie-Amélie Dubé

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