texte et photo Marie Pierre Daigle | collaboration Samuel Harper et Nadine Boulianne
Quand on imagine une artisane ou un artisan en métiers d’art, on s’imagine souvent l’artiste travaillant de ses mains dans un atelier qui n’a pas changé depuis le Moyen Âge. Pourtant, au fil du temps, les outils utilisés par les artisanes et artisans n’ont cessé d’évoluer. Ce sont d’abord les progrès mécaniques qui ont diversifié les façons de travailler les matières. La machine à tricoter est venue remplacer les broches et l’ébéniste s’est équipé de banc de scie et de sableuse à ruban.
C’est maintenant le virage numérique qui vient bonifier le travail créatif. Les progrès techniques ne remplacent pas l’expérience, l’apprentissage ou le talent. Tout comme une caméra digitale ne fait pas de nous des photographes professionnels, l’utilisation des technologies numériques ne remplace pas le savoir-faire nécessaire à la création en métier d’art. Par exemple, un métier à tisser est composé de cadres qui soulèvent et baissent des fils. Ces cadres sont actionnés par des pédales et c’est dans l’ouverture entre les fils que l’on passe la navette qui déploie le fil de trame. Un métier possède toujours deux pédales de plus que le nombre de cadres. Donc, un métier traditionnel à 4 cadres comporte 6 pédales. Avec un métier traditionnel, il est très rare de voir plus de 8 cadres (10 pédales), car le travail de mémorisation de la séquence et l’action du pédalage deviennent très difficiles. Nous n’avons tout de même que deux pieds ! En utilisant un métier assisté par ordinateur, qui ne comporte que deux pédales, c’est l’ordinateur qui envoie au métier l’information des cadres à sélectionner. Ceci permet d’avoir des métiers à 16 cadres et plus, donnant à l’artisan la possibilité de créer des tissages beaucoup plus complexes. L’artisan crée la structure du tissage, prévoit le pédalage, passe la navette et exerce une frappe répétée sur le battant. Cette partie-là ne change pas. Mais les possibilités, comme le tissage en 3D et la reproduction d’images, sont par contre décuplées. Un joaillier peut opter pour l’utilisation d’une imprimante 3D pour la confection de certaines pièces. L’impression en métal n’étant pas encore accessible, ce sont des éléments de matières plastiques qui peuvent êtreconçus, imprimés et incorporés aux bijoux. La combinaison de matériaux donne souvent d’intéressants résultats.
Une artiste photographe peut transférer des images par la gravure laser sur une pièce de cuir. Le traitement de l’image demande des connaissances précises ainsi qu’une maîtrise de l’équipement quant à la profondeur de la brûlure dans la matière. L’effet sur la surface de la matière ouvre un éventail de possibilités. Un ébéniste peut faire de la découpe numérique pour segmenter une pièce de bois massif afin de réaliser des traits précis pour la fabrication d’un objet. Une fois que l’artisan est satisfait de son prototype, le temps de production peut être réduit et permet alors une certaine souplesse entourant les coûts. Les artisanes et artisans sont en mesure de conceptualiser et de créer des objets uniques grâce à leurs savoir-faire spécifiques. L’industrie, pour être rentable, doit créer des objets pour la consommation de masse. L’apport des technologies numériques n’enlève rien au caractère unique des créations artisanales ; elles permettent de créer des pièces complexes et originales. Les premiers laboratoires de fabrication numérique (Fab Lab) sont nés au début des années 1990. C’est un lieu ouvert au public où il est mis à sa disposition toutes sortes d’outils, notamment des machines-outils pilotées par ordinateurs pour la conception et la réalisation d’objets. La caractéristique principale des Fab Labs est leur « ouverture ». Ils s’adressent aux personnes entrepreneures, designeures, artistes, bricoleuses, étudiantes ou hackers en tout genre. Ils regroupent différentes populations et tranches d’âge et métiers différents. Ces espaces de rencontre et de création collaborative permettent, entre autres, de fabriquer des objets uniques : objets décoratifs, objets de remplacement, prothèses, orthèses, outils…, mais aussi de transformer ou réparer des objets de la vie courante. Aujourd’hui, plusieurs Fab Labs offrent leurs espaces en échange de frais d’adhésion abordables pour démocratiser cet accès.
Fabbulle – Fab Lab de Rivière-du-Loup,
333, rue St-Pierre.
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