texte Marie-Amélie Dubé photos Catherine Roy
Depuis quelques années, le Musée du Bas-Saint-Laurent a connu une effervescence palpable, telle une sorte d’embellissement positif et lumineux, rendant attractif ce lieu de culture québécoise et régionale. On n’a qu’à observer les différentes améliorations apportées au branding de la place, avec son nouveau logo aérien tout en fraîcheur, dont, par sa riche contribution, Mambo Mambo, boîte de design de Québec, a fait opérer la magie. Le site web se refait également une beauté, l’exposition permanente Intersection : c’est maintenant du passé, et une nouvelle expo est en incubation, dont la mise bas est prévue à l’automne. Un agrandissement fait aussi partie des projets de l’établissement afin de pouvoir développer les collections, mission qui actuellement est freinée par l’exiguïté des lieux. La programmation 2019-2020 sera dévoilée le 20 juin et annonce 4 expositions qui sauront absolument conquérir les fidèles et les infidèles ! Bref, l’institution est porteuse de ce renouveau artistique qui contaminera la région cet été. Voici ce que Mélanie Girard, directrice générale du Musée et Oriane A. Van Coppenolle, conservatrice, avaient à exprimer à ce sujet.
Rumeur du Loup : D’où vient cette volonté de rafraîchir l’image du musée et d’insuffler un vent de nouveauté aux activités du musée ? Est-ce que votre mandat est encore patrimonial et historique ? Car un vent de contemporanéité semble envelopper une grande portion de vos actions.
Mélanie Girard, directrice du Musée du Bas-Saint-Laurent : C’est un souhait, avec l’équipe du musée et du conseil d’administration que nous soyons en phase avec notre époque. Le patrimoine et l’histoire ont toujours fait partie de notre mandat de diffusion et de médiation. On essaie vraiment d’actualiser ce volet et de le rendre attrayant. Il n’est pas antinomique avec la portion art contemporain. Le musée a toujours eu deux volets dans son mandat : art moderne et contemporain et histoire régionale. Ce qu’on essaie de plus en plus c’est d’arrêter de les traiter comme des champs distincts de part et d’autre. Il y a des allers-retours et des mélanges qui peuvent se faire pour combiner les deux, comme par exemple, de traiter l’histoire et le patrimoine avec un regard très actuel. C’est vers cette voie qu’on se dirige. Donc notre mandat n’a pas changé, mais on l’envisage et le traite différemment qu’auparavant.
Oriane A.-Van Coppenolle, conservatrice :
En création on se rend compte que les frontières entre les genres sont moins tranchées et se décloisonnent. Il y a de plus en plus de métissage entre les artistes, tant dans les collaborations entre les disciplines artistiques que dans les médiums utilisés en création. Le Musée tourne son regard vers les autres et se veut ouvert à la diversité et à la nouveauté.

R.L. : Est-ce que cette mouvance est opérée à cause d’une demande de la population ou des citoyens qui fréquentent votre institution ? Ou est-ce que c’est le résultat d’un sondage de satisfaction du milieu ?
M.G. : Il y a une grande part d’instinct dans nos choix. Un sondage de satisfaction des visiteurs l’été dernier a été réalisé avec la collaboration de la Société des musées du Québec qui nous avait offert l’usage gratuit d’une plateforme d’évaluation, nous a donné de bons sons de cloche par rapport à nos choix. De plus, on essaie d’être à l’écoute de ce qui se passe dans la communauté et d’être présents dans le milieu. Ce n’est pas juste avec la fréquentation qu’on peut évaluer la portée que nous avons. Même auprès des non publics, c’est important qu’il y ait un musée à Rivière-du-Loup. Il y a une conscience de cette importance d’avoir une institution muséale régionale.
R.L. : Les non-publics ? Peux-tu m’expliquer davantage ?
M.G. : Les non-publics ce sont les gens qui ne viennent pas au musée pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons ; sans jugement pour ces raisons, d’ailleurs. Les gens sont très occupés et il y a une offre foisonnante. C’est devenu, avec le temps, une préoccupation de la communauté muséale d’aller chercher cette portion de la population, qui pourrait être intéressée par ce qu’on offre. On se questionne de plus en plus sur ce qui explique l’absence de fréquentation des non-publics. Est-ce le lieu ? Notre offre ou comment on la présente ? On est très sensible à cela, naturellement. C’est pourquoi au musée on essaie, tranquillement, de proposer une offre qui sort du cadre habituel. Ce fût le cas en novembre 2018, lors du spectacle de Klô Pelgag, en collaboration avec Sparages et le Rainbow Submarine, où il y a eu vraiment beaucoup de personnes qui se sont déplacées au spectacle, mais qui ne viennent pas au musée habituellement. C’est donc une manière d’attirer les non-publics pour créer un premier contact avec cette clientèle et chercher à développer un lien pérenne avec eux.elles. C’est à partir d’expériences de la sorte qu’on a décidé d’entrer dans cette vague et de prendre conscience qu’il faut décloisonner les espaces et d’arrêter de faire ce qu’on a toujours fait. Essayons d’aller ailleurs !
O.V.C. : C’est également ce qu’on a expérimenté lors de la soirée de slam
thématique avec l’exposition La fabuleuse trajectoire de Madame Elsie de Catherine Arsenault, ou encore avec le Festival Vues dans la tête de… en organisant une soirée de courts métrages liés à l’exposition Le bal de la cité d’Alice Boutten et Sandrine Vachon. Développer ce genre d’activités événementielles spontanées, en lien avec une exposition, permet de faire converger différents publics avec différents intérêts vers le musée, alors qu’ils n’y seraient pas venus autrement.
R.L : Y a-t-il une volonté de poursuivre ce genre d’initiatives ou de collaborations avec les organismes de la région ?
O.V.C : Nous avons définitivement un désir de poursuivre dans ce sens les collaborations, mais c’est souvent le manque de temps, de ressources humaines et financières qui nous qui nous freinent, malheureusement.

R.L. : Qu’est-ce que vous nous avez concocté comme expos pour l’année à venir ?
O.V.C : On reçoit cet été une exposition rétrospective de la carrière de Borduas, La révolution Borduas : espaces et liberté, produite par le Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul. Ensuite, cet automne, nous présenterons une exposition sur Robert Roussil, sculpteur émérite québécois, exposition itinérante réalisée par le Musée du Bas-Saint-Laurent. D’ailleurs, l’exposition sera à la Maison Hamel- Bruneau (Québec) cet été et à Montréal au printemps 2020. En hiver, Mathieu Gotti, sculpteur engagé dont les oeuvres commentent l’actualité environnementale, notamment et finalement, nous terminerons la programmation avec Émilie Rondeau, une artiste régionale bas-laurentienne, qui nous proposera une installation alliant art et agriculture.
R.L. : Parmi les autres projets à venir, celui de l’agrandissement risque de bien vous occuper aussi, n’est-ce pas ?
O.V.C : Oui, effectivement, on est à l’étape de valider nos besoins et de monter le projet avec les architectes, pour déposer le tout ensuite au ministère. Le musée manque d’espace, comme beaucoup de musées qui ont été créés au même moment au Québec, notamment en ce qui a trait aux réserves. Elles débordent. Une de nos salles d’exposition a été convertie en réserve, entre la salle Premier Tech et la salle Prelco. Actuellement, on ne peut plus acquérir d’oeuvres pour continuer de développer notre collection. Pour faire une image simple, on n’a plus de nouveau sang qui circule dans notre collection, ça manque d’oxygène. C’est essentiel au développement d’un musée de pouvoir garnir sa collection. Il faut pouvoir se renouveler.
On veut aussi des espaces éducatifs pour accueillir les groupes scolaires, les ateliers familles et autres projets de médiation culturelle. Actuellement, on a déjà des activités pédagogiques et éducatives, mais elles se déroulent dans notre auditorium qui n’est pas du tout adapté aux besoins de ces projets. C’est dommage parce qu’on se développe une belle expertise maintenant avec des clientèles diverses, notamment en santé mentale et en déficience intellectuelle. On vient d’obtenir une subvention pour développer davantage nos activités de médiation avec ces clientèles, projets que nous allons élaborer de concert avec Dominique Pelletier-Lesage, médiatrice culturelle. C’est une superbe nouvelle, mais nous sommes contraints à tenir nos activités dans l’auditorium.
R.L : Et maintenant que l’exposition permanente, Intersection, est démontée et maintenant une trace du passée, qu’est-ce qui s’en vient ?
O.V.C : L’exposition permanente doit être liée à l’histoire régionale. Elle est prévue pour l’automne. Elle est conçue à partir de nos fonds photographiques, qui contiennent près de 250 000 archives photographiques de la région du Bas-Saint-Laurent. C’est une collection extrêmement riche en histoires. Nous racontons l’histoire du KRTB à partir de l’oeil de nos photographes professionnel.le.s et amateur.rice.s. Nous sommes actuellement entrain de collaborer avec la firme muséographique, Bergeron Gagnon de Québec, qui fait la recherche, le design et le scénario.
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Lire les pages 8,9 et 10 pour en savoir davantage sur l’exposition La révolution Borduas : espaces et liberté et l’exposition permanente à venir.