texte Max Bélisle | Préposé au délire
Avant même l’écriture de ce texte, il a fallu que je vérifie c’était quoi c’t’histoire-là de mobilisation citoyenne parce que dans ma tête, ça voulait strictement rien dire ! Je croyais que c’était… ben, c’est ça là… des citoyens qui se mobilisent pour une cause commune. Après vérification, imaginez-vous donc que c’était ça ! Pas de prérequis pour le type de cause, pas d’idées de granols, pas de « so-so-so », rien de ça ! Du monde qui se met ensemble pour un objectif commun. Les carrés rouges, les gilets jaunes, les « libârtés », la Meute, c’en est ! Le pouvoir du nombre. Aussitôt, je me dis : si le pouvoir du nombre est si évident que ça, comment ça se fait qu’on a encore besoin de se mobiliser parce qu’il y a un paquet de dossiers pas réglés ? Il me semble que ça devrait être plus efficace que ça, non ? Ça serait-tu qu’en groupe, on n’est pas seulement plus puissants, on est plus caves aussi ? Je lance l’idée. Plus on est de fous, plus on rit ! L’adage des partys serait-il transférable à la capacité d’un peuple à bouger pour lui-même ? À première vue, il semble loufoque que les conneries qui se passent sur les plaines à la Saint-Jean puissent arriver dans un tête-à-tête. On ose à peine jouer un peu avec sa nourriture dans un tête-à-tête, imagine vomir sur des inconnus. Dans le même ordre d’idée, un souper entre amis où l’on refait le monde autour de… la substance légale de ton choix débouche rarement sur des vitrines de commerces brisées. On va mettre quelque chose au clair, si un repas dérape pis c’est le poivre de cayenne de la police qui rougit tes yeux, t’as un fuck de convives.
Là où je veux en venir, c’est que la mobilisation citoyenne a le défaut de sa qualité ! Le nombre donne du levier à chaque action, sauf que… Il se trouve qu’en grand nombre, on ne fait pas la paix dans le monde, on défait des chars parce qu’une équipe de hockey… gagne. Tout seul, on est capable d’aller se chercher des diplômes ; en gang, disons que ce qui se passe sur les campus universitaires n’a pas eu la manchette bien glorieuse ces dernières années. Seuls, les racistes se cachent ; réconfortés par un groupe, ils sortent dans les rues. Je continue ? Avant toute chose, c’est important de le souligner, on ne peut pas se priver du nombre ! Ça serait pratique : on prend les idées du plus bright pis on fly avec ça. Pourquoi faire compliqué ? L’affaire, c’est que ceux qui ont essayé la méthode, c’est des dictatures, et avec des résultats plutôt « pouiches ».
« Oui, mais Max, comment on fait d’abord pour utiliser notre levier pour changer le monde si, quand on est nombreux, on est stupides ? On est câlicement dans dèche, non ? » Revenons à ce que c’est la mobilisation citoyenne. Des gens qui se mettent ensemble (ce bout-là, on l’a) pour une cause commune. AH ! ? Loin de moi l’idée de juger les causes, de les classer dans un fichier Excel de la plus hot à la plus not. J’ai pour mon dire, pis mon dire torche, que les gens sont les protagonistes de leur vie ; c’est eux les bons, et personne ne va se mobiliser volontairement contre leurs valeurs. Faudrait être contraireux pas mal. Ceci dit, on en connaît tous un : il vote stratégique généralement ! Donc, si toute cause est bonne à celui qui l’appuie, pourquoi ça chie une fois qu’on est plusieurs à l’appuyer ? Qu’est-ce qu’il faut appliquer comme modification à un message pour que la mobilisation citoyenne amène une évolution malgré la stupidité ? Hypothèse : Faut que ça soit tellement simple et précis que lorsque le QI baissera au niveau du mollusque, le message sera quand même porté haut, fort et clair ! Pas de « fuck la hausse des droits de scolarité ! Ah, pis by the way, la corruption, c’est pas cool ! ». Pas de « le gaz est trop cher ! Ah, pis oui, j’oubliais, le capitalisme, c’pus c’que c’était, hein ? ! ». Pas de « Respecte mon putain de consentement ! Ah, pis en même temps, le cash, la parité, la charge mentale ! ».
Je suis pas habile en travaux manuels, mais allons-y d’une image ! Un clou va pénétrer le bois parce qu’il est fucking pointu et qu’on tape dessus dans le bon angle et de la bonne force. Le néolibéralisme, la corruption, c’est pas moins des plaies. Mais se mobiliser pour ça, ça revient à essayer de clouer deux bouts de bois, mais avec genre un bulldozer au lieu d’un clou. Ça mène du train, mais ça marche pas. L’équité salariale, la parité, la charge mentale sont peut-être liés, mais ça revient à taper sur huit clous, mais pas assez pour en planter un pour vrai. Ç’a beau faire partie de la même maison, y’a rien qui tient. Plate de même. Tough en viarge, j’en conviens. C’est difficile de découper sa cause en petits morceaux digestes à la stupidité du groupe. Certains dossiers sont beaucoup plus complexes qu’on le voudrait, et la tentation de vouloir prendre sa bouchée trop grosse en matchant plusieurs causes cousines, ou bien en profitant de la ferveur populaire pour élargir l’argument de base est bien présente. Mettons que je vous donne un exemple d’un dossier à peu près réglé, vous allez avoir espoir ? Qui discrimine les gauchers en 2019 ? Mon grand-père a
connu les coups de règles avec pour résultat une calligraphie atroce des deux mains ! Ça s’est arrangé en frappant le clou (fesser du monde parce qu’ils sont gauchers, c’est cave en crisse) avec le bon angle (prouver scientifiquement qu’ils sont pas possédés du démon). OK, OK… un exemple avec de la mobilisation citoyenne, tiens ! Qui veut retirer le droit de vote aux femmes ? Le clou était extrêmement pointu : ne pas donner le droit aux femmes de voter aux élections, ç’a pas de foutue raison d’être. La rue puis le retour en arrière tiennent de l’absurde. C’est exactement le résultat souhaité. La démarche scientifique m’amènerait à tester mon hypothèse, alors voilà.
Mobilisons-nous : faire caca dans l’eau potable en 2019 tient de l’anachronisme. Go.