Le flot de jazz de Kerouac au BSL

Texte_Christian Lewis, professeur de musique
Photo_Christian Lewis et Sylvain Bergeron

L’an prochain, Jack Kerouac aurait eu 100 ans. Ce célèbre écrivain de la Beat Generation a publié notamment On the Road en 1957, livre qui ne cesse de faire rêver les épris·e·s de voyage.

Saviez-vous que cet auteur a des racines dans la région du KRTB ? Il est né à Lowell au Massachusetts où plusieurs Québécois·es ont émigré il y a plus d’un siècle pour y trouver du travail. Son père, Léo-Alcide Kerouac, est originaire de Saint-Hubert-de-Rivière-du-Loup. Gaétane Soucy relate que Kerouac était « habillé un peu comme un guenillou » lors de sa visite près de la maison paternelle. Ce clochard céleste, symbole de la contre-culture, a dû faire sensation au village à l’époque.

Dans Le Devoir, Gabriel Anctil résume le pèlerinage de cet auteur au bout de sa route, à la recherche de ses origines et de sa culture diluée dans le melting pot américain. Grâce au témoignage de Joseph Chaput, nous y apprenons que cette tournée bien arrosée des bars en 1967 a fait escale à Rivière-du-Loup.

Ce qu’on sait moins, c’est que Kerouac a eu une activité musicale. On pourrait le qualifier de pionnier du spoken word, ancêtre du rap et du hip-hop. C’est toutefois sur des improvisations de jazz que Kerouac donnait libre cours à son flot de mots.

En réaction aux grands orchestres qui faisaient swinguer la planète dans un pur esprit de divertissement, un nouveau mouvement musical émerge dans les années 1940 : le bop. Le jazz prend alors une tendance plus artistique que commerciale. La virtuosité frénétique des petits ensembles inspire les poètes. Parker, Davis, Gillespie et Monk jouent la trame sonore des rêves de la Beat Generation. Ces clans artistiques partagent l’esprit du risque, de l’innovation créatrice, de la recherche de liberté et malheureusement aussi, le goût des drogues dures.

Kerouac fréquente les after-hours de Greenwich Village, berceau du bop, inspiré par Lester Young qu’il qualifiait de « saint grave et mélancolique ».

Puis, Kerouac se produit au Village Vanguard à New York. Comme la lecture des extraits de On the Road n’est pas concluante, il s’essaie à l’improvisation littéraire, avec l’appui du tromboniste J. J. Johnson. Il triomphe.

Un des disques auxquels il participe verra sa sortie retardée à cause des propos jugés immoraux. Kerouac s’associe à d’illustres collaborateurs dont Charlie Parker et Zoot Sims. Plus tard, sa poésie lue sans accompagnement sera publiée sur Verve, label mythique du jazz.

Tel un phénix qui renaît sous différentes formes depuis plus d’un siècle, le jazz se renouvelle constamment. Il a toujours évolué entre deux chaises, soit entre la vitalité des musiques populaires et la profondeur des musiques plus savantes. Des racines du blues avec Bessie Smith au jazz hop de Kendrick Lamar, plusieurs courants ont vu le jour, offrant une diversité sans pareil. Encore aujourd’hui, dans les départements de musique des collèges et universités, on enseigne le jazz et l’improvisation aux futur·e·s musicien·ne·s du XXIe siècle.

Pour découvrir les multiples facettes du jazz, je vous invite à consulter les vidéos que j’ai réalisées sur son histoire en inscrivant « Guide Jazz Lewis » sur YouTube.

Au Québec, les artistes populaires de tout temps ont intégré du jazz dans leurs chansons, de Charlebois (accompagné du Quatuor de jazz libre) à OGB, en passant par Octobre, Offenbach, Sylvain Lelièvre, Diane Tell, Boule Noire, Ariane Moffatt… Que dire des fabuleux musicien·ne·s de jazz d’ici qui ont parcouru le Québec et le monde : Oscar Peterson, Oliver Jones, Paul Bley, Michel Donato, UZEB, François Bourassa, Lorraine Desmarais, Karen Young, Ranee Lee…

Cette musique a été diffusée via la radio partout au pays. Radio-Canada a toujours eu dans sa programmation une émission de jazz, dont celle mythique de Gilles Archambault : Jazz Soliloque. Je me rappellerai toujours un séjour à l’ïle aux Lièvres où, à l’heure de l’apéro, Archambault proposait sur les ondes ses trouvailles issues de sa propre collection de disques. J’ai eu la chance de l’interviewer pour la Phonothèque. Quelques extraits sont disponibles ici :
www.phonotheque.org/Entrevues/Invites/Archambault.html

De Kerouac à Archambault, je ferme la boucle avec ces deux écrivains passionnés de jazz et liés à notre patrimoine littéraire. Nous partageons avec la communauté afro-américaine ce sentiment précaire vécu par les communautés minoritaires. Cela nous permet de mieux apprécier cette musique.

À propos de Marie-Amélie Dubé

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