par Marie-Amélie Dubé, en collaboration avec Yvan L’Heureux, photos de Zoé Salt
Déjà 8 ans. Suicide… Malgré la présence des amis et de la famille. Malgré l’amour, l’écoute, la présence la veille au soir, l’accolade, le « je t’aime ». Passage à l’acte. Abandon ou libération ? Courage ou lâcheté ? Des mots si restrictifs. Une question qui ne se résume pas par des réponses courtes ni par un choix multiple à l’examen de la vie, mais qui nécessite un long développement, une analyse en profondeur et de l’acceptation.
Parfois, le voyage au travers du deuil mène à la découverte de territoires inconnus. Parce que le moment où vous avez envie de tout abandonner précède souvent celui où un miracle se produit. Mais avant, la bouteille doit être bue jusqu’au fond. Le besoin de s’isoler, de se retirer, de faire le point, de prendre le temps de digérer. Au temps de vie : réfléchir, consulter, échanger avec des amis, descendre dans l’immensité du vide en essayant de comprendre et puis : rebondir. Mais comment ? Cette histoire, c’est celle de mon ami Yvan L’Heureux. C’est ici, en mes mots, que je tenterai d’exprimer comment le deuil, la perte, le vide et l’impermanence des êtres dans nos vies peuvent devenir de réels vecteurs de dépassement de soi ou peuvent, une fois métabolisés, allumer la lumière qui éclairera à nouveau les sourires du quotidien. Fortement inspiré par la spiritualité orientale, Yvan est acuponcteur de métier, professeur de kung-fu, qi gong et taïchi à temps partiel, papa dévoué et discipliné, amis de tous et motivateur extraordinaire… Je le soupçonne d’être en contact avec Chronos pour obtenir plus de 24 h dans une journée. À la suite du départ de son frère, une maxime s’est rapidement imposée dans sa vie. Un élève rencontre son maitre et lui demande : « Maître, je suis très découragé, que dois-je faire ? », et le maître répondit : « Encourage les autres. » Cette image allait changer à tout jamais sa philosophie d’action. À partir de ce jour, le deuil devint un moteur de motivation propulseur de changements. « C’est à ce moment que j’ai décidé d’ouvrir l’École du Qi pour amener les jeunes et moins jeunes à se valoriser, à s’impliquer et à se dépasser par la pratique des arts martiaux. Ils deviennent ainsi des êtres inspirés et inspirants pour leur communauté, des agents contaminants positifs pour eux-mêmes, puis pour leur entourage. Inspirer les autres, ce n’est pas des “J’aime” sur Facebook, c’est partir au centre de soi dans une quête profonde des valeurs et de l’essentiel qui nous animent.
« Un élève rencontre son maître et lui demande : “Maître, je suis très découragé, qu e dois-je faire ?» et le maitre répondit : “Encourage les autres. ” »
Découvrir par l’épreuve physique, mentale, émotive et spirituelle qu’au-delà, juste un peu plus loin, il y a un inébranlable lieu où se trouvent la joie, le bonheur et la paix. C’est, chemin faisant, aider l’autre pour qu’il devienne une lumière autonome, capable d’augmenter sa luminosité. Ce qui manque parfois, c’est l’éclat de motivation, la réponse au “pourquoi” qui valorise et sous-tend chaque action. » L’idée que, par ses actes, il allait peut-être réussir à sauver une seule personne fut assez forte pour Yvan. Il se mit à multiplier les implications, avec des bénévoles et amis, pour sortir de la détresse les gens qui en avaient besoin. Ce fut le cas avec la création de la Fondation Soleil Levant et plusieurs activités de financement pour diverses causes : Défi Gratte-Ciel Scott, Défi Everest, Macadam et courses d’ultra et, au final, la TransPyrenea. Ces activités allient le dépassement de soi et un financement dont les retombées directes sont senties dans des milieux qui en ont besoin. Ce don de soi peut parfois passer pour une fuite ; pour une dévotion à outrance.
Difficile d’en juger réellement de l’extérieur. Derrière toute « légende », il y a d’abord des humains. Yvan le sait et réalise aujourd’hui qu’il a perdu beaucoup autour de lui à cause de ses implications externes, mais il sait aussi que c’est la voie du coeur qui l’a poussé à agir ainsi. Car, dans la souffrance, son ouverture à la paix est magnifiée. Bien que la vie soit faite de gains et de pertes, il faut transposer le tout en occasion de croissance plutôt que de destruction. « Je n’ai jamais connu de personne forte au passé facile » (Atticus). Le défi herculéen réalisé par Yvan à l’été 2016 en est une manifestation des plus singulière. 900 km d’autonomie totale en 15 jours, un dénivelé total de plus de 120 000 m, rationnement en eau et en nourriture, pluie, vent, grêle, malaise, fièvre et fracassement du corps étaient au menu.
Mais au-delà des statistiques, au-delà de la performance, de l’exploit, Yvan a décidé que ce serait le chemin à emprunter pour purger la souffrance et pour réaliser la quête intérieure nécessaire. Le dépassement physique est le moyen qu’il a choisi pour passer au travers d’une récente perte et pour nourrir son passage vers l’acceptation. À chacun son défi, selon sa mesure. « L’ascension de la montagne doit égaler la descente. » Il s’agit de sa perception, mais il en demeure tout de même que dans sa quête, en plus de s’aider lui-même, il a inspiré plusieurs personnes, qui elles aussi, à leur tour, en inspirent aujourd’hui. C’est une chaine sans fin, une roue qui tourne et un récit parmi tant d’autres…
Superbe texte qui décrit bien la dualité qui nous anime souvent, le paradoxe de la souffrance en tant que fardeau et instrument de libération. Yvan choisit d’agir dans sa communauté pour aller au delà de sa souffrance, comme il a avancé au delà des sommets pyrrénéens l’été dernier. C’est courageux et admirable.