Texte Michel Lagacé
Tout le monde est de la croisière, le bateau tangue. Tout le monde veut être heureux à tout prix, vos portefeuilles flambent. Tout le monde veut aller vite, votre auto clignote pour vous avertir que les feux sont au rouge, ce n’est pas grave, les autres vous les ignorez, il n’y a que vous, vos désirs et votre bonheur. La planète bof ! Les inégalités bof ! Vous continuez à vouloir tout ce qu’ont les autres en les imitant et en voyageant dans les endroits les plus achalandés (villes ou parcs) peu importe les habitants ou la nature qui y vivaient tranquilles avant votre arrivée en trop grand nombre. Ce n’est pas grave ! Ils.elles font plus d’argent car, pour vous, le bonheur c’est le profit.
Comme vous n’arrivez pas à vous conquérir vous-même, vous comblez cette insatisfaction dans la recherche d’un bonheur factice. À l’aide de vos bulldozers, vous détruisez tous les patrimoines qui entravent votre progrès moderne. Vous n’avez jamais eu le courage de devenir vous-même par vous-même. Vos pensées écologiques de surface ne remettent jamais en cause les fondements du monde tel qu’il est ni vos habitudes de consommation.
Vous me direz qu’on n’arrête pas le progrès, c’est exact, mais il peut prendre une tout autre direction. Il n’y a pas de vrai danger à remettre en cause l’hypercapitalisme avec ses inégalités dans lequel nous sommes enlisé.e.s, ce n’est qu’une approche idéologique soutenue par certain.e.s et rien n’est inéluctable.
Vous vous sentez dépossédé.e.s du monde et vous n’avez probablement rien compris, car vous ne savez plus lire les signes ni voir plus loin que votre nez, incapables de voir que votre corps piétine cette terre climatiquement et économiquement malade de vos progrès industriels (l’énergie fossile, le plastique, vos VUS, etc.). Vous ne réfléchissez plus, votre ignorance ou votre indifférence en est probablement la seule cause.
Vous êtes le voisin, l’ami.e, la soeur ou le frère gonflable, ou l’autre qui ne pense qu’à sa performance ou à son mantra. Vous ne comprenez pas que vous n’avez pas besoin d’être un héros ou une héroïne, mais vous devez quand même comprendre que les géants des divertissements, les pétrolières, les voyagistes de groupes et l’industrie de l’alimentation de masse nous mentent, nous empoisonnent, s’enrichissent à nos dépens. Le cancer, l’obésité, vous savez d’où ça vient ? D’eux et de nous au bout de la corde qu’ils.elles tirent au-dessus d’un gouffre. Le véritable enjeu, ce n’est pas d’arriver tout en haut, d’atteindre le sommet de l’autre côté de ce gouffre, c’est le fait de bien le traverser qui est important pour l’instant.
Que faire ? Premièrement, arêtez d’avoir peur, car quand les gens ont peur et ne prennent pas leurs responsabilités pour affronter leurs peurs, ils.elles blâment quelqu’un d’autre. On retrouve dans cette catégorie le plus souvent des hommes, des Occidentaux, des « climatosceptiques », souvent nanti.e.s qui sont à la tête d’entreprises industrielles qui craignent la chute des systèmes propres à ce type de progrès, car ils.elles en sont les principaux bénéficiaires et responsables. Ou encore, des hommes et des femmes emprisonnées (avec ornières) dans des valeurs qu’ils.elles n’ont jamais remises en question.
« Rentrons dans une nouvelle ère, quittons cet entre-deux au-dessus du gouffre. »
Remettez en doute vos propres opinions, ça vous aidera à y voir clair, bien davantage que ces faux bonheurs qu’on nous vend un peu partout pour nous faire taire et nous donner l’illusion que nous sommes heureux.ses, mais seulement à condition de faire partie du progrès qu’ils.elles nous proposent. C’est ce progrès qu’il faut faire bifurquer en le rendant plus responsable.
Oui, comme le souligne Régis Debray : « Je crois que nous avons aujourd’hui besoin d’insérer l’amour que nous avons des nous-mêmes, l’amour que chacun a de soi, dans une sorte de solidarité, de fraternité. J’allais même dire de transcendance, qui est celle d’une cause, d’un but qui nous soit commun. »
L’engagement et des actions conséquentes sont les seuls véritables espaces de bonheur qui s’ouvrent sur l’espoir et font disparaître l’angoisse créée par les changements climatiques, un remède au sentiment d’impuissance.
Ce n’est pas l’apocalypse, c’est juste la fin du progrès : c’est la fin de ce capitaliste tel qu’on le connaît, devenu rétrograde, qu’il faut changer avant qu’il soit trop tard, avant qu’il explose de toute façon dans un chaos incontrôlable.

Les signes de ce chaos incontrôlable sont clairs : les inégalités toujours plus grandes, les effets de la pollution déjà visibles et les changements climatiques nous en indiquent déjà l’ampleur. La montée du niveau de la mer (ex. : il n’y a plus aucune nappe souterraine d’eau douce en Tunisie), les étendues de plastique qui recouvrent les mers, la température qui grimpe ou diminue de façon drastique, la fonte des glaciers dans l’Arctique, les tempêtes, les grands feux, les inondations, les tremblements de terre plus fréquents et extrêmes ; ce qui engendrera le déplacement de bien des populations sur la terre, des famines à cause de la disparition des biodiversités, des pertes et des variations monétaires considérables pour tous et toutes. Impossible de dresser la liste des impacts, il y en a trop ! Il serait plus juste de parler d’effet domino avec des conséquences en cascade.
Quelques têtes tomberont comme dans la Révolution française, celles d’en haut probablement, mais aussi celles des personnes ignorantes de ce qu’il faut faire dès maintenant. Mais elles ne tomberont pas si bas, elles ont des coussins gonflables… qu’elles devront cependant actionner au bon moment pour éviter le pire.
On a les moyens d’y réfléchir et de demander à ceux et celles qui nous gouvernent de passer à cette réflexion vraie et d’agir en conséquence avec courage. Tous.tes ensemble, en même temps, ce serait nettement plus facile de se préparer, de couper ces chaînes d’esclaves qui nous emprisonnent aux multinationales du pétrole, aux technologies et à la consommation abusive.
Révolutionnons ce début de siècle en déconstruisant l’idéologie et les conséquences du progrès moderne qui n’est rien d’autre qu’un faux bonheur qui détruit notre habitat. Rentrons dans une nouvelle ère, quittons cet entre-deux au-dessus du gouffre. Nommons, pour le moment, ce nouveau monde à venir :
L’ère écologique, un changement plein d’espoir, gage d’une approche plus holistique dans laquelle, il y a la possibilité de vivre des bonheurs plus simples, plus responsables, et plus vrais.
Contrairement à ce qu’on croit, c’est possible, comme il a été possible de quitter les trains au charbon, il est possible de quitter l’automobile à essence, d’aller plus directement vers l’électrification, le solaire et le transport en commun dans les villes. Il est possible d’éliminer le plastique de nos vies. Ce n’est qu’une question de changements d’habitudes, de petites actions qui s’acquièrent assez vite. C’est un autre bonheur de faire ces gestes dans la bonne direction. Le progrès modernisme du néolibéralisme est un piège dans lequel il a été facile de tomber. Maintenant, il faut en sortir (l’économie suivra…). D’ailleurs, a-t-on nécessairement besoin d’être heureux.es de cette façon ?