texte Silvie Côté
Il y a quatre ans, j’ai eu l’appel de la liberté. Pas l’appel du travailleur autonome libre de gérer son travail à sa guise, mais celui du travailleur autonome qui évolue en région. Travailler à mon compte devant le fleuve, dans une ville qui compte ses citoyens par milliers et non pas par millions m’a envoyé un chant doux, constant et attirant. Soudainement, j’avais moins peur de me lancer. Je voyais le chemin devant plus accueillant et avec moins d’embûches. Ma perception était que j’aurais moins de concurrence, et que ma vision « d’avant-garde » trouverait plus facilement une place. Au lieu d’être soixante-quinze à bûcher pour avoir une part de marché, nous serions que quatre ou peut-être cinq… Les attaques devraient alors être moins fortes, et la victoire un peu plus simple. Cette vision de mon développement professionnel m’a aidée et encouragée, c’est certain, à me lancer. Mais était-elle assez près de la réalité pour me donner les armes qu’il me fallait ? J’ai réalisé rapidement que mon choix pour Rivière-du-Loup était probablement le meilleur que j’avais fait. J’évoluais dans une région dynamique et habitée par des gens qui bougent, créent et réalisent des projets à la pelle. J’étais portée par ce vent de développement. Tellement d’aide et d’outils étaient à ma disposition pour avancer. J’avais soudainement des connaissances qui vivaient les mêmes choses que moi et un groupe de personnes qui me challengeaient et réfléchissaient avec moi. Je me suis sentie en confiance, car je comprenais que ceux qui me guidaient voyaient le chemin à prendre avant même que j’y arrive. Toutes les semaines, je me disais que si j’avais été dans ma grande ville natale, je n’aurais même pas su à quelle porte frapper. J’avais déjà vécu ce même développement dans le passé et je m’étais sentie très seule et sans soutien, je dirais même apeurée devant tant de monde que je ne connaissais pas et qui ne prenait pas le temps de m’écouter et m’encourager. Ça contraste avec la vendeuse du magasin où j’ai acheté mon poisson qui voulait tout connaître de mon projet ! Et bizarrement, j’avais envie de lui en parler. Quand on sent la sincérité d’écoute, on n’a pas de gêne ou de réticence à se raconter.
La meilleure image que je peux vous donner du travailleur autonome en région, c’est celle du jeu de dominos. On touche une personne, et elle en rejoint une autre qui en touche une autre, etc. Je crois que c’est plus facile d’atteindre plusieurs personnes quand celles-ci sont plus près les unes des autres, et c’est tellement moins décourageant. Je dirais que ma plus grande difficulté a été de changer certaines habitudes urbaines. En ville, on n’appelle pas ; on écrit et on attend que les personnes nous répondent. Que j’en ai mis du temps à prendre le téléphone quand je voulais présenter mon projet ! Et pourtant, c’est tellement plus rapide ! On a rapidement l’heure juste, et rares sont les fois où l’on n’a pas une réponse positive. Car en région, les gens sont ouverts et curieux. Quatre ans plus tard, je garde encore ma perception positive et je n’ai aucune envie de faire le même développement en ville. Je suis une travailleuse autonome rurale comblée et je vois le fleuve à chaque fois que je regarde devant. Si ce n’est pas ça, voir loin…