par Sam Harper | @acetum, Image par Hugh D’Andrade de l’Electronic Frontier Foundation (EFF)
Quiconque a passé du temps sur Internet ces derniers mois a certainement croisé le terme de « neutralité du Net ». Le débat fait rage chez nos voisins du sud depuis que Ajit Pai, le président de la FCC (l’équivalent du CRTC), a dévoilé le projet de l’abolir. La FCC a finalement voté, au mois de décembre 2017, en faveur de l’abandon de ce principe fondateur de l’Internet.
La neutralité du net
Le principe de neutralité du Net stipule que les fournisseurs d’accès Internet, comme Bell ou Vidéotron, doivent traiter toute l’information qui circule sur leurs réseaux de façon égale, sans discrimination. Cela veut dire que ces compagnies ne peuvent ralentir ou bloquer l’accès à certains sites Web et applications ou accélérer le trafic vers d’autres. Imaginons un instant que cette neutralité n’existe pas. Votre accès à Internet de base comprend maintenant uniquement Facebook. Les courriels, c’est gratuit avec un contrat d’un an. Vous utilisez Twitter ou Snapchat ? Il y a, pour un supplément, le forfait « médias sociaux + ». Pour les amateurs et amatrices de films et séries télé, un forfait est disponible. Malheureusement, comme Netflix est un concurrent de HBO, qui a une entente avec votre fournisseur, ce site est bloqué. Votre beau-frère à un blogue? À moins de payer pour le forfait illimité, il ne sera pas accessible à moins que quelqu’un ne partage ses articles sur Facebook.
Qu’en est-il ici?
En juillet 2005, alors que ses employés étaient en grève, la compagnie Telus a bloqué l’accès de ses abonnés à un site de nouvelles géré par et pour les travailleuses et travailleurs du syndicat. En censurant l’accès à ce serveur, Telus bloquait également l’accès à 766 autres sites qui y étaient hébergés. Ce blocage n’a duré que quelques jours, mais il soulève de sérieuses questions sur le pouvoir de censure que détiennent ces compagnies. Rogers et Bell ont avoué ralentir le trafic de leurs abonnés qui téléchargeaient du contenu en peer-to-peer. Bell a également été critiquée pour sa pratique de ralentir le trafic qui était destiné aux clients des fournisseurs d’accès Internet qui utilisent son infrastructure. En décembre, un article publié par Canadaland dévoilait que Bell tente de créer un organisme dont l’objectif serait de créer une liste noire de sites contenant du matériel piraté, afin de les bloquer. Un tel système, géré arbitrairement par des corporations, créerait un dangereux précédent en matière de censure. Le CRTC permet depuis 2011 aux fournisseurs d’accès de moduler leurs frais selon la vitesse et le volume d’utilisation, mais pas selon le contenu. C’est pour cela qu’il y a des forfaits « haute vitesse » et « extrême vitesse ». En avril 2017, le CRTC a réaffirmé son engagement en faveur de la neutralité du Net. C’est un sujet à suivre, car advenant des changements aux États-Unis, la pression pour que nous emboîtions le pas risque de s’accentuer.
En route vers un réseau public national?
Malgré le vote du FCC américain, le combat pour la survie du Net tel qu’on le connaît n’est pas terminé. Déjà, des projets de lois menaçant de couper les subventions aux compagnies ne respectant pas la neutralité ont été déposés dans certains États. Plusieurs contestations juridiques sont attendues et le Congrès a encore le pouvoir de se prononcer. Un effet secondaire de ce débat a été d’ouvrir la discussion sur la nécessité de nationaliser l’accès à Internet. De plus en plus, cet accès devient nécessaire pour une participation citoyenne active. Pensons au virage numérique des journaux, aux rendez-vous médicaux en ligne, aux services gouvernementaux, pour ne citer que quelques exemples. Un service aussi essentiel se doit d’être réellement libre, accessible et abordable. Cette idée fait du chemin ici aussi. Durant la campagne à la direction du Parti québécois, Martine Ouellet avait promis qu’elle demanderait des engagements en termes d’accessibilité et de coût aux fournisseurs d’accès, sans quoi elle nationaliserait ces services. Québec solidaire a également discuté de la question lors de son dernier congrès, bien qu’une proposition officielle ne soit pas encore adoptée. Pour l’instant, le Net demeure neutre au Québec. C’est à nous de demeurer vigilants pour qu’il le demeure.