texte Sam Harper
Au mois d’août dernier, le prolifique et peu recommandable conspirationniste Alex Jones, fondateur d’InfoWars, s’est retrouvé banni des principales plateformes en ligne. Spotify a parti le bal en retirant ses podcasts. Peu après, YouTube, Facebook et Apple ont emboîté le pas. L’effet en chaîne s’est poursuivi avec MailChimp, Vimeo, Pinterest et LinkedIn. Environ un mois plus tard, Twitter fermait son compte. C’est difficile d’être triste pour un être aussi ignoble qu’Alex Jones. Ses délires ont des conséquences. Notons par exemple qu’il a propagé la théorie selon laquelle le massacre de Sandy Hook en 2012, où un tireur a abattu 20 enfants et 6 adultes dans une école primaire, était une mise en scène. Les parents des victimes ont reçu des menaces de la part d’auditeurs d’InfoWars. Il a aussi propagé la théorie farfelue du pizzagate, selon laquelle un réseau de pédophiles impliquant de hauts dirigeants du Parti démocrate sévissait dans le sous-sol d’une pizzeria. Un homme armé est d’ailleurs entré dans ce restaurant pour « mener une enquête ».
800 PAGES ET COMPTES SUPPRIMÉS
Le 11 octobre, la compagnie Facebook a purgé 800 pages de sa plateforme pour « activités inauthentiques ». Facebook classe dans les activités inauthentiques le fait de gérer une page derrière un pseudonyme ou des réseaux de pages tentant d’attirer les usagers en relayant le même contenu et les faire cliquer sur de la publicité. Dans un communiqué, Facebook cite, entre autres raisons, que certaines pages existent pour, comble de l’horreur, « mousser les débats politiques ». Il ne fait aucun doute que dans les pages retirées figuraient des éléments au comportement douteux. Mais plusieurs pages qui se sont retrouvées effacées sans préavis sont des médias indépendants comme Reverb Press, The Anti-Media, The Free Thought Project et Counter Current News. Rachel Blevins, une journaliste et correspondante pour RT (Russia Today) a eu sa page professionnelle effacée sans préavis. Les personnes derrière ces pages se défendent d’avoir agi de façon inadéquate. Cette purge rappelle les agissements de Facebook dans les derniers mois. La page anglaise de teleSUR, une chaîne de télévision basée au Venezuela, a été enlevée deux fois de Facebook et n’a été restituée qu’après une campagne de protestation de la part de plusieurs personnalités et médias indépendants. À ce moment, d’autres pages, comme Venezuela Analysis et Haiti Analysis, avaient subi le même sort. Au mois de décembre dernier, le journal en ligne The Intercept nous apprenait que Facebook suspendait les comptes d’activistes palestiniens à la demande de l’État d’Israël. Facebook fait face à une pression grandissante. Il est accusé d’avoir été utilisé par les services secrets russes pour influencer l’issue de l’élection américaine et de ne pas faire assez pour arrêter la propagation de fausses nouvelles. Devant cette pression, il semble que la réponse trouvée par Facebook soit de censurer d’abord, sans poser de questions plus tard. Nombreux ont été ceux et celles qui ont applaudi la décision des géants du Web de bannir Alex Jones. Mais à l’heure ou de plus en plus d’entre nous obtenons nos informations sur Facebook, il est inquiétant de voir des voix alternatives et indépendantes effacées du jour au lendemain.