Texte | Virginie St-Onge, ancienne télétravailleuse
Oeuvre | Xavier Barriault
Cette chaise grise où mes fesses sont collées 7h/ jour, 5 jours/ semaine au milieu de la cuisine dans mon bureau mental. Cette chaise prison où je me sens bétonnée à longueur de journées, de semaines, de mois.
Le corps dans le béton, l’esprit dans le jardin. De l’autre bord de la fenêtre où le raclage des feuilles m’attend. Samedi. Où les enfants s’amusent et profitent de l’air, moins pesant. Ils demandent « Viens nous balancer ». « Je finis mon rapport et j’arrive ». Mais je n’arrive jamais, toujours plus engloutie par la chaise béton.
À l’heure des repas, toutes les autres chaises de la cuisine deviennent aussi du béton. Ou peut-être des chaises électriques? Les enfants ne s’y assoient pas, ils ont compris le danger. Ils mangent debout en dansant, courent dans leur chambre chercher un Lego, vont faire un colleux au chat. Ils sont hyperactifs et heureux : la chaise béton ne les a pas encore avalés. Heureusement.
Deux ans de télétravail – ou était-ce deux mois? – à engloutir ma santé mentale dans cette prison de 4 pattes et un dossier. Un jour, je vais te massacrer pour de bon chaise béton. À coup de masse, de rapports ou bien de curriculum vitae.
