par Marie Ayotte, illustration de Grac Singhe
Couteau sous la gorge, odeur de sueur et de vidanges plein le nez, mains pis face pis pénis que j’aurais jamais désiré avoir sur moi de plein gré — ben, j’ai quand même fucking joui.
Mon corps m’a trahie. L’estie. Ou il a plutôt agi biologiquement comme il a été conçu : pour répondre aux stimulations. Ce qui est crissement agréable ben d’autres soirs quand ce sont des mains, pis une face, pis un pénis que je veux sur moi. Mais cette fois-là… Mais cette fois-là, c’était pas agréable. C’est humiliant, on va se le dire. J’me suis sentie humiliée, et messed-up, et sale. Et tout simplement horrible. C’était pas un fantasme devenu réalité. C’était pas bon. C’était pas hot. Mais un objet phallique sur les parois d’un vagin, ça peut donner ça pareil. Pour des gens, c’est probablement le synonyme que je suis une salope. Une fille facile. On se mentira pas, je l’entends ben souvent, anyway. Être à l’aise avec sa sexualité donne cette réaction crissement idiote, parfois, semble-t-il. Et là, ça fait quatre ans de ça. Quatre ans que je frotte toujours un peu plus fort dans la douche, comme pour me laver un peu plus profond. Et ç’a pris du temps, mais j’ai fucking fini d’avoir honte pour ça. Fini d’avoir honte d’être humaine et de réagir comme telle.
J’ai eu un orgasme quand je me suis fait violer. Pis faut dire ce genre de choses, pour pas finir par croire que ça arrive jamais. Qu’on est freak si ça nous arrive. Qu’on mérite les remords, la prison de silences. De se dégouter. J’te dirai pas cette fucking bullshit que je suis donc plus forte depuis. Que j’ai donc appris de cette expérience. J’aurais été une aussi bonne personne sans. Une personne aussi forte, une personne qui se tient debout pareil sans le viol, sans l’orgasme, sans tout ce cauchemar — mais ça m’a pas brisée non plus. J’ai tenté par tous les moyens de pas laisser ça me briser non plus. Laisse pas ça te briser non plus si ça t’arrive, OK ? Ça va aller.