Gilets jaunes

texte Pierre Jobin | Blogue citoyen du Bas-Saint-Laurent

À la suite d’une visite à Paris, les manifestations de Gilets jaunes m’ont inspiré deux réflexions. La première est la raison qui semble avoir conduit au déclenchement de cette révolte populaire : l’imposition d’une taxe sur l’essence dont le motif était de diminue la consommation de carburant. J’ai lu sur Facebook cette affirmation : « Alors que l’élite se soucie de la fin du monde, le peuple doit se soucier de boucler la fin du mois. » À elle seule, probablement que cette simple taxe n’aurait pas suffi à mettre le feu aux poudres. Mais elle survient après des années de stagnation des salaires, de coupures dans les retraites, d’injustices fiscales et d’augmentation du coût de la vie. Pour beaucoup de personnes, la hantise, ce n’est pas un réchauffement climatique dans un avenir plus ou moins rapproché, mais de réussir à boucler le budget à la fin du mois. Comme le soulignait à juste titre Ruba Ghazal dans son premier discours à l’Assemblée nationale : « Il faut arrêter de mettre le poids de la transition écologique sur le dos des gens, des personnes, des individus. La transition économique et énergétique, ce n’est pas un choix individuel, mais un choix politique. »

Le chauffeur de taxi qui nous ramenait à l’aéroport Charles-de-Gaulle et qui appuyait manifestement les Gilets jaunes m’a demandé si je connaissais le salaire mensuel du PDG de Renault. Car c’est bien là l’un des éléments de la révolte. La disproportion de revenu entre ces grands patrons et les travailleuses et les travailleurs est indécente. Alors que l’on demande aux citoyennes et aux citoyens de se serrer la ceinture, les élites économiques de ce monde, avec la complicité de nos gouvernements, s’en mettent plein les poches. Or, la situation au Québec est semblable : « En 2017, le PDG moyen a gagné 5 M$. En comparaison, le salaire moyen au Québec a été de 45 993 $ en 2017, selon les données de Statistique Canada. La rémunération des PDG qui occupaient la même fonction l’an dernier a bondi de 12,32 % en un an. Le salaire moyen au Québec, pour sa part, a progressé à un rythme de 3,02 % en 2017. »
(www.lesaffaires.com/bourse/nouvelleseconomiques/combien-de-fois-ces-pdg-font-ils-votre-salaire-/603063.) Dès les tous premiers jours de janvier, les PDG ont déjà gagné le salaire annuel du travailleur moyen
(www.ledevoir.com/economie/516651/canada-les-p-d-g-ont-deja-empoche-le-salaire-annuel-du-travailleur-moyen).

Les Gilets jaunes en France sont probablement l’expression d’un ras-le-bol généralisé devant les exactions des grands patrons et la complicité des politiciens. Ma deuxième réflexion concerne les manifestations de violence. Les médias aiment nous montrer des images de violence entourant ces manifestations sans bien sûr nous montrer qu’une partie de cette violence provient de la répression policière. En ayant réservé un appartement sur l’avenue de la Grande-Armée, qui est le prolongement de l’avenue des Champs Élysées, j’ai eu l’occasion de voir plusieurs vitrines brisées. Nous sommes prompts à dénoncer la violence des manifestants ou d’une petite partie d’entre eux. Don Helder Camara tenait des propos fort pertinents à propos de la violence : « Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première.La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres. Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. »

Avant de nous faire trop rapidement les apôtres de la non-violence, nous devrions peut-être nous interroger sur la cause de cette violence, sur les sources de cette exaspération des manifestants. Gandhi, l’apôtre moderne par excellence de la non-violence, disait ceci : « Là où il n’y a le choix qu’entre la lâcheté et la violence, je conseillerai la violence. » Certes, il faut situer cette phrase dans son contexte. Gandhi rappelait simplement que faute d’avoir le courage de combattre l’injustice par la nonviolence, il valait encore mieux avoir recours à la violence. Bref, dénoncer la violence de certains manifestants tout en refusant de voir l’injustice qui provoque cette révolte est une forme d’hypocrisie qu’il faut dénoncer. Comme il faut également faire la distinction entre la violence dirigée contre les personnes et la violence dirigée contre les symboles de l’État et du capitalisme.

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Un commentaire

  1. La violence est certes toujours condamnable, mais ce qu’il faut savoir également c’est que les forces de l’ordre avaient reçu l’ordre de ne pas intervenir lorsque les casseurs se sont manifestés dans les premiers temps. L’objectif : que le mouvement de revendication des gilets jaunes tourne à l’émeute et qu’ainsi il soit discrédité. Et oui, voici bien encore une fois la preuve une fois de plus du cynisme du Gouvernement français actuel… https://blogs.mediapart.fr/lancetre/blog/200416/selon-deux-syndicats-la-police-lordre-de-ne-pas-intervenir-contre-les-casseurs

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