Par Laura Martin, coordonatrice de Vues dans la tête | images Julie Lambert | Retouches photos Marc Biron
Il y a quinze ans, Julie Lambert était végétarienne et Montréalaise. Les chances que vous la croisiez sous une épinette, avec une carabine à l’épaule et une veste de camo sur le dos, étaient aussi minces que celles que vous tombiez sur un ruminant au panache plus large que votre pick-up à votre première journée dans le bois. La native de Québec a dû ravaler ses préjugés lors d’un voyage chez des amis en Gaspésie. « Sans le savoir, je suis arrivée en pleine saison de la chasse. Mes amis avaient des étoiles dans les yeux. J’ai vu tout leur amour du sport et de la faune. J’ai mangé de leur viande et j’ai vécu une apothéose. » Croiriez-vous que cette citadine parle maintenant à un chevreuil empaillé dans son salon, celui-là même qu’elle a tiré dans le bedon et qui s’est retrouvé haché menu dans une batch de sauce à spaghetti ?
La néophyte a appris à caller le cervidé et à se parfumer à l’urine en tournant Un film de chasse de filles, pour lequel elle a suivi quatre Québécoises en pleine traque d’une perdrix ou d’un Bambi. « La chasse me faisait peur. Je voulais comprendre cette passion et cet univers en pleine transformation », raconte la documentariste, invitée par Francis Leclerc au festival Vues dans la tête de… Après avoir eu du plomb dans l’aile, la pratique de la chasse vit des années de vaches grasses, notamment grâce à la jeune génération et aux femmes qui s’y convertissent. Au cours des trois dernières années, la part d’oestrogènes dans les cours de maniement a grimpé de 11 % à 19 %.
Aidée par la mode de l’alimentation locale et biologique, cette féminisation s’observe maintenant en boutique, avec des manteaux cintrés et des carabines plus légères, tout comme dans le public des soirées à thématique « bière et bucks ». Le film de Julie Lambert ne ressemble pas aux films de superhéros de l’Homme Panache et des Chassomaniak, qui bombent le torse avec leurs poilus trophées. Plus inspirée du cinéma-vérité de Pierre Perrault, Julie Lambert s’intéressait d’abord aux motivations des humaines derrière les canons. « Mon fil conducteur était l’émotion. Dans des scènes plus contemplatives, on voit des chasseuses manquer leur coup, attendre dans leur cache. On me voit aussi pleurer. Des hommes m’ont confié qu’ils pleuraient eux aussi, mais qu’ils se cachaient derrière les arbres », raconte la résidente de Québec. Faute de temps, Julie Lambert n’a pas sorti son fusil de son étui depuis quelques automnes. La réalisatrice, qui prépare un documentaire sur le vélideltisme au féminin, jure qu’elle remettra ses bottes un jour. « Pas pour tuer un animal, mais pour le dépaysement. Mais je suis chanceuse, des amis proches remplissent mon congélateur chaque année ! »
Elles chassent, ici!
ANNE-MARIE DIONNE
Saint-Antonin
Chasse depuis 8 ans
« Chasser est synonyme de vacances, d’aventures et d’évasion. C’est un mode de vie qui me permet de décrocher de mon quotidien et de côtoyer d’autres amoureux de la nature. Marcher dans la forêt, entendre un craquement ou la respiration d’un orignal, trouver des pistes, sentir le stress m’envahir et vivre des moments intenses, avec et contre la nature, sont autant de raisons qui me font aimer ce sport ! »
MÉLANIE SIMARD
Notre-Dame-Du-Portage
Chasse depuis 17 ans
« J’aime me retrouver en nature et relever des défis. Tout peut arriver ! Il n’y a pas une année pareille. Je le fais aussi pour nourrir ma famille. Mes trois enfants et mon conjoint adorent la viande de bois. Évidemment, mes pâtés chinois, mes hamburgers et ma sauce à spaghetti en regorgent ! »
ÉDITH CASTONGUAY
Saint-Arsène
Chasse avec son conjoint et ses deux fils
« J’aime l’odeur de la forêt, la plénitude des longues marches aux aguets dans la beauté automnale. Je n’ai jamais ressenti une émotion plus intense que celle qui m’envahit quand LA bête se présente. Mon coeur se débat si fort que j’ai peur que l’orignal l’entende. »