Du sirop qui nous coule dans les veines

par Francine Caron, enseignante-responsable pour le Centre de formation professionnelle en production acéricole | photo Catherine Roy

 

Acériculture : Acer est le nom latin de l’érable. C’est la culture des érables et, par extension, la transformation de ses produits (sirop d’érable et dérivés). Francine Caron : Femme de terre et de passion qui a vite compris que passer un printemps sans se rendre en forêt pour entailler, gérer la production et voir se transformer ce délicieux produit est impensable. Mars : Mois de l’année qui souligne la place des femmes et qui annonce le réveil de la nature, l’arrivée des beaux jours et le printemps.

 

Qui dit printemps, dit première récolte de Dame Nature : l’eau d’érable. Pour arriver à récolter cette eau, les érables ont dû travailler chaque saison de l’année. Du début du printemps au milieu de l’été, à partir de la photosynthèse, la petite usine de transformation contenue dans les feuilles a produit la sève nourricière et purifié l’air que l’on respire pour permettre aux érables de fleurir, se reproduire, respirer, transpirer, grandir et grossir. Après cette grande période d’activité, les érables emmagasinent une partie de l’amidon dans leurs racines afin de résister à l’hiver. Durant l’hiver, les érables se reposent, ils dorment. Les grands froids de la fin décembre, de janvier commencent à transformer cet amidon en sucre qui sera récolté. C’est aussi cette même sève qui permet aux fibres du bois de résister aux rigueurs de l’hiver. Le printemps venu, c’est le dégel. Les températures qui oscillent entre -7 °C et 7 °C apportent l’abondance dans les sucreries. Par des températures plus froides, les érables retombent en dormance et par temps plus chaud, ils se défendent contre les attaques bactériennes. Nul besoin d’ajouter que pendant ce temps, les acériculteurs sont aussi actifs. Aménager la forêt, entretenir les installations, les bâtiments et la machinerie, gérer les ressources matérielles et humaines, négocier, installer, entailler, courir les fuites, récolter, concentrer, bouillir, calibrer, mettre en barils ou en contenants, nettoyer, transformer, désentailler et vendre sont autant de tâches qu’ils doivent réaliser durant une année. À la suite de la fermeture des moulins dans les villages, l’acériculture est devenue la nouvelle alternative pour réussir à récolter la forêt de façon durable. D’une récolte qui était un revenu d’appoint pour les agriculteurs, l’acériculture est passée au premier rang des revenus de bien des familles du Bas-Saint-Laurent et particulièrement du Témiscouata. La récolte de l’eau à la chaudière a fait place à plusieurs endroits à la tubulure 5/16 et depuis quelques années, pour les érablières de plus petites tailles, à la tubulure 3/16. Les évaporateurs chargés au bois de 4 pieds ont laissé la place dans plusieurs cabanes aux évaporateurs à l’huile, aux évaporateurs à bois haute performance, aux évaporateurs aux granules de bois, et depuis une dizaine d’années, on a vu apparaître les évaporateurs électriques.

« Les températures qui oscillent entre -7 °C et 7 °C apportent l’abondance dans les sucreries. »

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Toutes ces avancées ont certes pour but les économies d’énergie, mais elles se veulent aussi des solutions dans la lutte contre l’émission des gaz à effet de serre. L’action d’enlever la glace ferme sur les chaudières a été déplantée par le concentrateur d’eau d’érable et depuis quelques années par des concentrateurs à Haut Brix. La complexité des machines, la grosseur des instruments et les technologies font en sorte qu’il est bien d’être formé et de savoir pourquoi on fait les choses. La taille des entreprises acéricoles est impressionnante. La quantité de travail est colossale sur une courte période de temps. Les retards sont très peu acceptés et les tâches doivent être bien exécutées, car l’eau sucrée qui est passée ne revient pas. C’est de la forêt qu’arrivent les revenus. « Vite » et « bien » ne font pas bon ménage. La vitesse a donc laissé la place au travail bien fait. Afin de former de la main-d’oeuvre qualifiée (hommes ou femmes) et répondre aux besoins des entreprises, le Conseil des commissaires de la Commission scolaire du Fleuve-et-des-Lacs, soutenu par différents acteurs économiques de la région, a pris la décision, au début des années 2000, d’implanter une école d’acériculture sur les terres de la commission scolaire. Cette dernière est située en face de l’École secondaire du Transcontinental à Pohénégamook. Cette formation professionnelle d’une durée de 1005 heures est reconnue par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Plusieurs chemins peuvent être empruntés pour l’obtention de son diplôme d’études professionnelles en production acéricole. La première avenue est celle du groupe en présence à l’école. Les étudiants y sont présents environ 50 % du temps et l’autre 50 % de l’année scolaire se vit en entreprise. La deuxième possibilité est la formation à distance. Les gens de partout peuvent s’inscrire. Ils ont droit au soutien de l’enseignante en tout temps et doivent aussi travailler en entreprise. La troisième façon d’y arriver est le volet reconnaissance des acquis et des compétences. Ce que les gens savent déjà n’a pas à être réappris. Donc, ils s’inscrivent, passent une entrevue à la suite de laquelle un verdict est rendu sur les compétences à faire ou à reconnaître. Ils ont aussi droit au soutien de l’enseignant. Ces gens travaillent souvent en acériculture et veulent reprendre la ferme, devenir propriétaires d’une érablière en production ou rêvent de monter leur propre projet. L’acériculture était et est encore aujourd’hui une histoire de famille. Hommes, femmes et enfants mettent la main à la pâte durant cette période de l’année. Malheureusement, on réalise avec le temps que le transfert de ces entreprises aux avoirs assez imposants aux descendants est parfois plus difficile que de vendre l’entreprise à un parfait inconnu. L’acériculture est à la fois un petit monde et un bien grand monde. Qui est passionné d’acériculture en cette période de l’année sent monter en lui ou en elle cette énergie qui annonce une grande période de fébrilité et de fertilité. Je vis au rythme des érables, je travaille en acériculture en produisant et en formant les gens. J’y ai du plaisir, j’y suis donc à ma place.

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