texte et photo Maurice Gagnon
Imaginez la mine dédaigneuse de vos grandsparents devant un plat de sushis… Le homard qui, aujourd’hui, ravit le palais des fins gastronomes a jadis été perçu comme un déchet dans les filets des pêcheurs. Bref, nos goûts évoluent et les gens sont de plus en plus nombreux à expérimenter de nouveaux aliments. Au fait… les insectes dans tout ça ? Introduire la farine de grillons dans les habitudes alimentaires des Québécois. C’est le défi que se sont donné les propriétaires d’Entomo DSP, Maxime Dionne, de Saint-Pascal, et Antoine St-Pierre, de Saint-Philippe-de-Néri. Depuis deux ans, ils élèvent des grillons dans les locaux d’une ancienne tannerie à Saint-Pascal pour en tirer une farine riche en protéines. Après avoir obtenu son baccalauréat en administration au HEC Montréal, Maxime a étudié en entrepreneuriat à l’Université Laval. Antoine est bachelier en chimie. Deux formations qui se complètent puisque la recherche a été une étape importante dans la mise en place de l’entreprise ; l’entomophagie étant protégée par le secret industriel.
RECHERCHE ET PRODUCTION
Pour la première phase de leur projet, les promoteurs ont choisi de mener de front l’expérimentation et la production. La ferme compte 20 enclos réunissant chacun environ un million de grillons à différentes étapes de leur croissance. Elle produit annuellement plus de deux tonnes de poudre qu’elle écoule auprès de transformateurs, de restaurateurs et du public sous la forme de sachets. « Le marché évolue plus rapidement que l’offre », soutient Maxime Dionne. D’après lui, c’est par les transformateurs et les restaurateurs que l’on pourra implanter la consommation de produits à base d’insectes dans notre alimentation.
Au plan nutritif, la farine de grillons est une source complète de protéines en plus d’être riche en fer, en vitamine B-12, en calcium et en magnésium, soulignent les promoteurs. Elle s’intègre très bien aux smoothies et peut enrichir d’autres produits cuisinés tels que les muffins ou la viande hachée, et ce, sans que la saveur en soit transformée. Autre avantage : l’empreinte écologique que laisse la production de grillons est nettement inférieure à celle de la viande animale, disentils. Antoine St-Pierre note qu’il faudra treize fois moins de nourriture pour produire un kilogramme de poudre de grillons que pour un kilogramme de steak. Cela nécessitera 100 fois moins d’eau et dégagera 100 fois moins de gaz à effet de serre, dit-il.
CRÉER UN MODÈLE
Entomo DSP vise une exploitation à grande échelle avec des normes de qualité et de salubrité supérieures à ce qui est demandé. « Notre but est de créer un modèle de ferme efficace en sol québécois », lance Maxime Dionne. Pour Maxime et Antoine, l’élevage d’insectes se situe au même rang que les autres types de productions agricoles et exige autant de travail. Il faut nourrir les insectes avec la bonne recette de moulée, arroser les pondoirs, nettoyer les enclos, etc. Une fois abattus, les grillons seront transformés en poudre et empaquetés. « On ne compte pas nos heures de travail, mais ce n’est pas un fardeau de venir ici », ajoute Antoine St-Pierre. La prochaine étape sera de construire une ferme en zone agricole alimentée à partir d’énergies vertes. L’automatisation permettra de remplacer certaines tâches faites pour le moment de façon manuelle. Une part importante des activités de la nouvelle ferme sera consacrée à la recherche. Les promoteurs prévoient aussi intégrer d’autres insectes à la production.
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