texte Marie-Amélie Dubé | illustration Rachel Berthiaume | photo Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul
Du 8 juin au 6 octobre, le Musée du Bas-Saint-Laurent présente La révolution Borduas : espaces et liberté, une exposition réalisée et mise en circulation par le Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul à l’été 2018, qui a ensuite circulé au Musée des beaux-arts de Sherbrooke du 24 novembre au 24 mars dernier. Ce projet d’exposition est le résultat de deux ans de travail coordonné par la commissaire Anne Beauchemin, doctorante en histoire de l’art, accompagnée de son équipe.
PAUL-ÉMILE BORDUAS, LES AUTOMATISTES ET LE REFUS GLOBAL
Paul-Émile Borduas (1905-1960), est une figure québécoise importante ayant initié un mouvement libérateur ; les Automatistes[1], qui a bousculé les valeurs traditionnelles de l’époque, rejetant la conformité dans l’art et l’immobilisme de la société québécoise des années 40. Il est l’instigateur du Refus Global ; manifeste puissant, signé en 1948 par 16 acteurs.trices du milieu de l’art québécois, provenant de domaines allant de la danse, au design, aux arts visuels, à la littérature. Il est responsable de l’entrée des artistes sur la place publique et de cette affirmation du milieu des arts à provoquer le changement social, politique et artistique. Son insistance à créer le changement lui fait même perdre son poste de professeur à l’École du meuble. La fin des années 40 est marquée par la période de la Grande noirceur, de l’époque de Duplessis, et du contrôle de la société québécoise par l’Église. Certains iront même jusqu’à avancer que le Refus Global a agi comme déclencheur de la Révolution tranquille qui a eu lieu 10 ans après la sortie du manifeste.

EXTRAIT DU REFUS GLOBAL
« Un petit peuple serré de près aux soutanes restées les seules dépositaires de la foi, du savoir, de la vérité et de la richesse nationale. Tenu à l’écart de l’évolution universelle de la pensée pleine de risques et de dangers, éduqué sans mauvaise volonté, mais sans contrôle, dans le faux jugement des grands faits de l’histoire quand l’ignorance complète est impraticable. »
« Par delà le christianisme nous touchons la brûlante fraternité humaine dont il est devenu la porte fermée. Le règne de la peur multiforme est terminé. »
« Rompre définitivement avec toutes les habitudes de la société, se désolidariser de son esprit utilitaire. Refus d’être sciemment au-dessous de nos possibilités psychiques. Refus de fermer les yeux sur les vices, les duperies perpétrées sous le couvert du savoir, du service rendu, de la reconnaissance due. Refus d’un cantonnement dans la seule bourgade plastique, place fortifiée mais trop facile d’évitement. Refus de se taire – faites de nous ce qu’il vous plaira mais vous devez nous entendre – refus de la gloire, des honneurs (le premier consenti) ; stigmates de la nuisance, de l’inconscience, de la servilité. Refus de servir, d’être utilisables pour de telles fins. Refus de toute INTENTION, arme néfaste de la RAISON. À bas toutes deux, au second rang ! »
« Place à la magie ! Place aux mystères objectifs ! Place à l’amour ! »
LA RÉVOLUTION BORDUAS : ESPACES ET LIBERTÉ
L’exposition de Borduas nous propose donc un regard sur sa carrière, de 1920 jusqu’à la fin des années 50 et réunit plus d’une soixantaine d’oeuvres picturales et photographiques. Une portion de l’exposition nous permettra d’observer la période entre 1920 et 1940, où les divers langages, entre dessin et peinture, guident les expérimentations de l’artiste vers sa découverte de l’abstraction. Entre sa formation à Saint-Hilaire en arts religieux, ses études à l’École des Beaux-Arts avec Ozias Leduc et sa pratique d’enseignant à l’École du meuble, sa pensée et sa pratique ont évolué, bien évidemment.
L’exposition laisse une place prépondérante à la photographie. Par exemple, nous retrouvons des photographies de son voyage en Gaspésie où de nombreux paysages donnent à penser qu’une étude des profondeurs et des contrastes l’accompagnait en 1938 .

L’apport de sa pratique d’enseigement avec des enfants, en 1942, fût également une prémisse le mettant en contact avec l’inconscient. Cette façon naïve de dessiner qu’on les enfants. Ce geste spontané, voire impulsif et mû par on ne sait trop quoi. Il s’intéresse donc au monde psychique et souhaite le faire intervenir par sa peinture, sur la toile. C’est par des techniques au fusain et à la gouache, laissant aller ses impulsions, qu’il expérimente cette nouvelle approche picturale et qu’apparaissent de nouvelles formes et figures fantastiques.
Puis arrive le Refus Global, en 1948, et ses retombées difficiles au niveau familial et financier. Borduas se voit contraint à l’exil vers New-York et ensuite vers Paris. Un moment où il sera dédié complètement à la peinture. Confronté à de nouveaux environnements, sa perception de l’espace évolue et c’est à ce moment que ses tableaux connaissent une importante mutation, fortement poétiques et dénués de tout sens figuratif.
Ses oeuvres ont été exposées dans de nombreuses institutions et il reste un modèle de résilience et de résistance, ayant inspiré plusieurs artistes d’ailleurs et d’ici sur sa route et la valeur de ses gestes a été porteuse pour l’ensemble de la société québécoise.
BORDUAS ET LES AUTOMATISTES
En parallèle de cette exposition, le hall d’entrée du Musée du Bas-Saint-Laurent accueillera, dès le 20 juin, des oeuvres de certains autres signataires du Refus global provenant de sa collection dont, Jean-Paul Riopelle, Marcel Barbeau, Marcelle Ferron, Fernand Leduc, Pierre Gauvreau, Jean-Paul Mousseau et Françoise Sullivan afin de souligner l’impact de ce groupe d’artistes dans le milieu de l’art québécois.
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Sources : Panneaux didactiques, exposition La révolution Borduas : espaces et liberté, MACBSP