Critiques cinéphiles

Texte | Mélissa Litrico
Image d’en-tête | mohamed_hassan, pixabay.com

L’âge de miel – Critique de La fameuse invasion des ours en Sicile

Le long-métrage La fameuse invasion des ours en Sicile, de l’auteur et illustrateur Lorenzo Mattotti, a été mis en nomination lors de la 45e cérémonie des Césars, en France, dans la catégorie du meilleur film d’animation. L’artiste italien, demeurant présentement en France, a su séduire l’auditoire avec son long métrage animé en deux dimensions. Adaptant le conte de Dino Buzzati La fameuse invasion de la Sicile par les ours, le réalisateur mêle musique et poésie pour attirer avec élégance le spectateur.

Le récit est divisé en deux parties. La première est narrée par un vieux baladin, Gedeone, et une fillette, Almérina. Ils racontent joyeusement les péripéties des ours avec les humains. Puis, un ancien ours relate la seconde partie, plus triste et sombre. Ce fantastique conte, aux images féériques, entraîne le cinéphile dans un univers aux clichés italiens, où les ours et l’homme cohabitent pour le meilleur et pour le pire.

L’histoire raconte la vie d’un ourson arraché des bras de son père, qui bravera tempêtes pour le retrouver et le sauver des griffes d’un duc dictateur et narcissique.

La musique est l’une des pièces maîtresses de cette œuvre. Elle accompagne les moments les plus difficiles de l’histoire, comme les combats, les décès et les passages dominés par la peur. Les morceaux instrumentaux demeurent d’un ton joyeux et viennent adoucir avec élégance ces moments qui pourraient effrayer les enfants. Réalisées par René Aubry, ces pièces sans paroles viennent pourtant chercher les spectateurs et les font danser et ressentir un arc-en-ciel d’émotions plus fortes les unes que les autres.

Même lorsque les mélodies sont plus calmes, comme Almerina et Tonio ou Le rêve de Léonce, des émotions viennent chercher l’auditoire et lui font ressentir l’action. C’est une musique réfléchie et admirable qui a parfaitement été choisie par les créateurs du film.

Tout comme pour la musique, Mattotti use de la douceur pour mêler morale et conte pour enfants. Dans le récit, les ours rencontrent des fantômes et l’un d’entre eux est un vieil ami. Ce vieil ami va parler avec le roi des ours, Léonce, et va lui répondre avec délicatesse et sagesse : « Les défunts ne se mêlent pas des affaires des vivants », lorsque Léonce va lui demander où se trouve son fils. La mort est alors allégée, expliquant qu’elle fait partie du cycle de la vie et que lorsqu’on perd un proche, il n’est pas possible de recevoir de réponse, car la mort et la vie ne se côtoient pas.

L’illustrateur va d’ailleurs alléger la guerre en représentant le magicien qui lance un sort pour transformer ses ennemis en ballon baudruche, au lieu de les tuer. Le tout fait rire les enfants comme les adultes et permet de ne pas effrayer qui que ce soit. Chaque instant de l’histoire se trouve très réfléchi et adouci, rendant l’histoire, pourtant triste, bien plus joyeuse et entraînante.

En conclusion, cette œuvre fantasmagorique arrive à toucher par les images et la musique. Sans avoir à parler, le film nous a entraînés dans un univers aux couleurs et aux sons magiques. L’histoire, aux paroles poétiques et lourdes de sens, laisse quiconque en haleine, se demandant qui est le vieil ours et quel est le secret partagé avec Almérina.

1984 et la troisième guerre mondiale – Critique du court-métrage La jetée

La jetée, court-métrage de vingt-huit minutes, réalisé par Chris Marker, est sorti en 1962. Ce chef-d’œuvre expérimental nous entraîne après la troisième guerre mondiale dans un Paris anéanti, où des chercheurs tentent de créer un couloir temporel entre le passé et le futur. Le protagoniste et cobaye retrouve dans le passé une femme qui partageait ses souvenirs et il les revit avant de partir dans le futur où son désir de la retrouver se trouve grandissant.

Le film expérimental est un photo-roman en noir et blanc, ou plus exactement un film uniquement composé de photos qui se succèdent, sauf un plan. Les séquences d’images sont parfois si rapprochées qu’elles donnent l’impression d’être un ralenti cinématographique. Le récit unique en son genre est narré par Jean Négrogi et transporte le cinéphile dans un univers futuriste où les émotions demeurent rares. Ce court-métrage nous plonge dans un inconfort palpable par ce manque d’émotion et cet effet avant-gardiste qui rappelle le roman 1984.

Cet art de science-fiction et de dystopie est également composé de la musique de Trevor Duncan. La bande sonore de cet autodidacte est impressionnante, faisant ressentir le désir naissant du cobaye de rester dans le passé.

La jetée est bien plus qu’un film de science-fiction, il s’agit également une œuvre poétique qui entraîne le spectateur dans un univers au thème d’impression de déjà-vu et dans un cauchemar psychanalytique.

Classée dans les 1001 films à visionner avant de mourir, La jetée est un court-métrage qui donne froid dans le dos. Son hommage au Vertigo d’Alfred Hitchcock et son photo-roman nous laissent sans voix et donnent envie de le réécouter.

À propos de Marie-Amélie Dubé

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