Constituons le Québec : Un jeu qui peut devenir sérieux

par Roméo Bouchard

 

Un jeune metteur en scène, professeur de création théâtrale à l’UQAM, Christian Lapointe, et son groupe Carte Blanche, ont pris deux ans pour mettre au point un projet « théâtral » d’atelier constituant national, citoyen, non partisan et libre de toute allégeance, dans lequel tous les citoyens du Québec seront invités à devenir acteurs et dont l’objectif sera de faire écrire un premier projet de constitution du Québec par le peuple québécois, en utilisant le réseau des théâtres au Québec. Les partis politiques se refusant toujours à convoquer une assemblée constituante jouissant de la légitimité et des moyens requis, l’équipe de Christian Lapointe a opté pour une démarche purement citoyenne, à envergure et coûts réduits, qui, si elle suscite une participation enthousiaste de la population, placera les politiciens devant l’obligation morale de tenir compte de la volonté du peuple québécois. Au pire, l’exercice constituera la répétition générale d’une assemblée constituante similaire officiellement convoquée et soutenue par l’Assemblée nationale. Au mieux, il ouvrira une voie de sortie à l’ornière où s’enfoncent toujours plus profondément le projet national et notre démocratie. Quoi qu’il arrive, le « jeu » deviendra forcément sérieux. Le projet est juste et bien ficelé. Pour le concevoir, Christian Lapointe a fait appel à l’expertise de l’Institut du Nouveau Monde qui, sur la base d’une solide étude des processus constituants dans le monde, a tracé les contours et les étapes de l’assemblée constituante citoyenne envisagée. Dans un premier temps, 42 constituants consentants et représentatifs du territoire et des grandes strates de la population seront tirés au sort, par une agence de sondage. Puis, en août 2018, une co-présidence et un conseil d’experts-conseils seront nommés. Ensuite, les constituants commenceront leur travail par la formation de comités thématiques avant de mener, au cours de l’automne, une vaste consultation populaire par l’intermédiaire des différentes équipes de théâtres participants distribués sur le territoire du Québec. Le projet de constitution devrait aboutir au cours de l’hiver et faire l’objet, avant d’être présenté à l’Assemblée nationale, d’une très vaste pétition à caractère référendaire.

« […] il n’a pas de permission à demander à personne »

Certes, les moyens financiers et matériels dont dispose une initiative citoyenne sont limités et obligent à simplifier le plus possible le processus constituant tout en lui assurant sa pleine légitimité. Un budget de 300 000 $ est prévu : 130 000 $ a déjà été amassé ; on fera appel au sociofinancement pour le 170 000 $ restant. Ceux qui réfléchissent à la constituante depuis quelques années — et ils sont nombreux — auront sans doute plein d’interrogations, qui ont souvent paralysé les débats, sur la stratégie citoyenne, le mode de tirage au sort, la consultation des citoyens, le nombre de constituants, la durée du processus. Le responsable du projet estime que, puisqu’il s’agit d’une initiative citoyenne et d’un jeu « faire comme si » au départ, il n’a pas de permission à demander à personne. Il nous offre un véhicule qui a été soigneusement pensé et vise juste pour l’essentiel : libre à nous d’y embarquer, sachant que plus la participation sera considérable, plus le jeu risque de devenir sérieux et d’exercer une pression déterminante sur les politiciens et les partis politiques. Les groupes politiques qui préconisent la constituante, y compris ceux qui, comme OUI Québec et Québec solidaire, ont opté pour une constituante partisane indépendantiste, auront à choisir d’appuyer le projet et d’y participer ou non. L’exercice n’est pas sans risques mais il nous offre à tous une occasion unique d’inventer l’histoire du Québec de demain… et l’histoire tout court. Car la crise de la démocratie est généralisée et seul un recours à la souveraineté du peuple peut permettre de la résoudre. Et nous sommes nombreux à penser que l’issue de la crise écologique elle-même dépend de cette restauration du contrôle des décisions par le peuple.

juillet13

 

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