par Busque
Un nouveau programme qui répond bien aux défis des communautés autochtones. Une entrevue avec Pierre Lesage, responsable des programmes de l’École des métiers du cinéma et de la vidéo.
Busque : Au printemps 2014, si ma mémoire est bonne, l’École des métiers du cinéma et de la vidéo, alors qu’elle fêtait ses 4 ans d’existence, nous annonçait, avec une certaine fierté, qu’elle travaillait sur l’élaboration d’un nouveau programme, son quatrième : Concevoir et produire des vidéos en lien avec son milieu. Depuis, on nous dit que ce programme a été soumis au ministère de l’Éducation, qu’il a été accepté et même déjà offert. Pouvez-vous nous présenter ce nouveau programme ?
Pierre Lesage : Voici rapidement comment ce nouveau programme a vu le jour. Nous avons tout simplement répondu à une invitation qui nous a été lancée par deux organismes qui travaillent avec les communautés autochtones du Québec et qui y jouent un rôle majeur. Le Centre de la formation et de la main-d’oeuvre huron-wendat (CDFM) et le Wapikoni mobile. Le CDFM, fondé par Julie Vincent, est une institution wendat qui offre depuis 22 ans à Wendake des programmes de formation diversifiés à une clientèle adulte provenant de plusieurs communautés autochtones du Québec. Le Wapikoni mobile, créé par Manon Barbeau il y a maintenant un peu plus de 10 ans, se définit comme un studio ambulant de création vidéo qui parcourt le Québec et qui invite les jeunes autochtones à réaliser de courts films personnels, en leur offrant un soutien logistique, technique et professionnel. Parmi ces jeunes, plusieurs ont pu réaliser au fil des ans des films qui manifestent un réel talent en cinéma. Le programme que nous allions lancer grâce à l’appui du CDFM visait à professionnaliser les connaissances en cinéma de ces jeunes et à officialiser leurs compétences par un diplôme du ministère de l’Éducation. Pour l’École des métiers du cinéma et de la vidéo, ce projet était inspirant et s’inscrivait naturellement dans sa mission : doter les régions d’artisans et de professionnels en cinéma. Ainsi, rapidement, nous nous sommes attelés à bâtir un nouveau programme qui répondrait à la fois aux attentes du Wapikoni mobile et aux demandes de formation en vidéo adressées au CDFM par des communautés autochtones. Une fois nos objectifs clairement établis, nous avons défini les cours et précisé le cadre qui allait assurer le bon déroulement du programme, la réussite des élèves et faciliter leur insertion dans un milieu professionnel ou semi-professionnel, idéalement en milieu autochtone.
« Parce que ce programme vise également, mais indirectement, à combler la sous-représentation des autochtones dans l’espace médiatique et à donner la parole aux petites communautés. »
B. : Pourquoi idéalement en milieu autochtone ?
P.L. : Parce qu’il existe une réelle demande en production vidéo en milieu autochtone et qu’il y a un manque de main-d’oeuvre qualifiée comme dans toutes les régions éloignées. Parce que ce programme vise également, mais indirectement, à combler la sous-représentation des autochtones dans l’espace médiatique et à donner la parole aux petites communautés.
B. : Et comment s’est déroulée cette formation ?
P.L. : Elle s’est déroulée en trois volets. Dans un premier temps, les cours de base (caméra, scénarisation, etc.) ont été donnés au CDFM même. Par la suite, les étudiants sont allés dans leur communauté réaliser de courtes vidéos pour des clients réels qu’ils avaient identifiés. De retour au CDFM, les étudiants ont pu profiter de l’appui d’un monteur pour finaliser leurs vidéos et les remettre à leur client. Le succès du projet repose en grande partie sur la qualité de la participation des étudiants, le professionnalisme des formateurs et l’esprit de collaboration et de confiance qui s’est instauré, au point de départ, entre le CDFM, le Wapikoni mobile et l’École. Pour vous donner un aperçu plus « terrain » de ce que fut cette formation, je me permets de vous livrer les commentaires de Françoise Pilote, une professeure du programme qui agit aussi comme formatrice au sein du Wapikoni mobile. « Le groupe était hétéroclite, dynamique, émouvant. Tous les étudiants, sans exception, m’ont surpris par leur persévérance, leur implication et leur talent. Ce fut un réel plaisir d’entrer en contact avec eux, d’apprendre à les connaitre. Qu’est-ce qui me reste de tout ça ? Mon expérience d’enseignement à Wendake fut avant tout une expérience humaine où nous sommes allés à la rencontre des uns et des autres. Grâce à l’art et au cinéma, les participants sont allés à la rencontre d’eux-mêmes et de leur communauté. Quelle magnifique expérience ! Ai-je le gout de recommencer ? Déjà impliquée avec le Wapikoni depuis 8 ans, je recommencerais à tout moment mon expérience à Wendake. »