texte Geneviève Malenfant-Robichaud
En cette époque de zéro déchet, de quartier de mini-maisons et de guerre contre les pailles, la décroissance semble avoir le vent dans les voiles. Après tout, la réduction constitue le premier R du mantra RRRV, un sigle qu’il faut suivre dans l’ordre pour en maximiser l’impact : réduire, réutiliser, recycler et valoriser. Le recyclage, c’est bien pratique, mais rien n’est plus écologique que l’objet qui ne sera jamais fabriqué !
L’INDIVIDUALISME AU SERVICE DE LA PLANÈTE
L’avantage de la décroissance à échelle individuelle est de pouvoir visualiser facilement les progrès. Je peux faire une liste des choses que je fais déjà, m’inspirer des autres pour réfléchir à ce que je voudrais introduire comme changement et en faire un défi. C’est un processus plutôt simple et motivant. Ça donne l’impression de faire sa part. Chaque action a beau n’être qu’un flocon de neige, la branche finit bien par plier dans la tempête, non ? Car notre empreinte écologique personnelle de Nord-Américain est loin d’être négligeable. Nous achetons, jetons et recyclons une quantité incroyable de matières. Sans compter l’énergie électrique et pétrolière nécessaire à notre fonctionnement quotidien. J’ai beau me considérer comme une personne assez responsable, il faudrait tout de même l’équivalent en ressources de deux planètes pour permettre à tout le monde de vivre comme je le fais ! Faire notre part pour diminuer notre consommation est un devoir. Nous ne pouvons pas continuer d’exiger que l’ensemble de la planète se serre la ceinture sans apprendre à gérer nos propres appétits.
L’ANGLE MORT DE L’ÉCOLO
L’une des raisons pour lesquelles il est si difficile de diminuer notre empreinte écologique est l’effet rebond. Le total des dépenses ne diminue pas, car à mesure que nous mettons des mesures d’économie en place, nous dépensons plus ailleurs. Comme si nous nous disions inconsciemment : « Si je réduis bien ici, j’ai le droit de justifier mon manque d’effort ailleurs. » Par exemple, dans mon cas, l’empreinte de mon logement est disproportionnée par rapport à celle de mon alimentation, de mes achats et de mes déplacements. J’ai beau savoir qu’occuper un grand espace pour moi seule est un luxe, visualiser l’impact de ce choix après le test de Global Footprint Network m’a tout de même fait mal à l’égo…
LE DILEMME DES ADEPTES
Le plus gros dilemme reste cependant de balancer les actions individuelles et les actions globales. Car c’est bien beau de se mobiliser pour faire disparaître les pailles, il reste que le problème de fond, c’est l’industrie de la consommation rapide ! Une démarche de décroissance peut-elle réellement s’arrêter à l’individuel ? Peut-on réellement s’en réclamer tout en continuant à vivre dans un système capitaliste ? Est-ce que même vivre en autarcie suffit ? Est-ce utile d’évaluer mes choix de consommation si la vie moderne continue d’être basée sur la nécessité de faire croître l’économie ? Si nous pouvons tous améliorer notre propre comportement, il y a des éléments qui échappent à notre pouvoir individuel. Il faut reconnaître qu’il est bien plus facile d’apprendre à réparer un objet électronique que de lutter contre l’obsolescence programmée… Lutter contre notre désir d’avoir tout immédiatement est déjà en soi un acte de résistance constant ! Mais il faut se rappeler que ces éléments n’échappent pas pour autant à notre contrôle collectif. Des lois comme celle votée en France contre l’obsolescence programmée n’ont pas résolu magiquement le problème, mais elles envoient un signal clair. Il est contre-productif d’opposer les changements à apporter dans notre vie personnelle à ceux de l’industrie et de la société. Nous nous devons de changer les deux.
DÉCROÎTRE POUR ACCROÎTRE NOTRE IMPLICATION
La tâche à accomplir peut sembler immense. Et elle l’est très certainement, car sa réalisation implique un changement de paradigme majeur. Il y aura des pertes, des doutes et des sacrifices, mais ce changement est inévitable. Il est évident que notre surutilisation des ressources et de l’énergie nous mènera bientôt à une impasse. Plus vite nous réagirons, plus nous aurons de marge de manoeuvre pour conserver certains éléments de notre mode de vie actuel. Une démarche de décroissance permet une réflexion sur notre rapport aux objets, mais aussi sur nos priorités de vie. Elle implique de se questionner sur notre utilisation de l’argent et du temps libre. Elle implique aussi de redéfinir nos relations humaines. Par exemple, deux personnes qui achètent un outil au Canadian Tire n’interagissent pas de la même manière que si elles utilisent toutes deux un service communautaire de prêt d’outils ! Il faut commencer à gérer les ressources dans le but de répondre aux besoins humains plutôt que pour augmenter les profits des compagnies et de leurs actionnaires. Il faut reconnaître qu’il y a une limite physique à nos désirs. Toute technologie n’est pas essentielle à la vie ou même à notre confort moderne. Peut-être serait-il intelligent de commencer à faire le tri.
POUR CONTINUER LA RÉFLEXION
Le dossier sur la décroissance de Rad :
www.rad.ca/dossier/decroissance
Une entrevue avec l’association Adrastia :
comptoir.org