Co-éco : 25 ans investis dans le développement durable de nos communautés

Entrevue | Marie-Amélie Dubé

Co-éco fête ses 25 ans d’engagement dans le développement durable de la région, particulièrement des MRC de Kamouraska, de Rivière-du-Loup et des Basques. La Rumeur du Loup a rencontré en mars dernier son président, monsieur Sylvain Hudon, également maire de la ville de La Pocatière, madame Solange Morneau, directrice générale, et François Lapointe, chargé de communication et de sensibilisation. L’enthousiasme, la passion et la fierté du travail accompli en 25 ans étaient palpables.

MAD : Co-éco fête ses 25 ans. Quelles étaient les motivations de départ pour faire naître cet organisme ?

S.H. : La population a été la première à manifester un besoin. Et je tiens à souligner le travail exceptionnel des membres d’origine du conseil d’administration, dont monsieur André Théberge, qui est décédé récemment. C’était quelqu’un capable de transmettre sa passion aux autres. Le Québec est l’un des grands générateurs de déchets dans le monde. Monsieur Théberge était la personne parfaite pour prendre cette mission-là en main et convaincre les gens de La Pocatière et du Kamouraska de promouvoir l’intégration du développement durable dans l’ensemble des sphères d’activités de la collectivité.

S.M. : On se souvient aussi, dans les années 90, comment on parlait beaucoup de recyclage, et à quel point on pouvait faire des choses avec en particulier le plastique, comme celui des plats de margarine ou de crème glacée. Mais à cette époque, c’était le gouvernement qui en parlait. Ce dont on peut être fier.ère, c’est ce que Co-éco a commencé dans notre région du Kamouraska. Monsieur Théberge était avec quelques professeurs de cégep, avec l’ITA et les conseillers municipaux également, si je me souviens bien. Il voyait la préoccupation, il voyait les taxes municipales qui augmentaient et voulait aller plus loin que ça. Pardonnez-moi l’expression, mais il fallait vraiment un « front de boeuf » pour aller de l’avant avec un tel projet.

Tout ce qui est écocentre au Québec a commencé ici au Kamouraska. C’est vraiment de l’innovation qui a débuté dans le milieu des années 90 et dont il faut être fier de parler. Et dans ce temps-là, avec le recyclage, on vivait les mêmes difficultés qu’on vit aujourd’hui avec les matières organiques. Alors au départ, on parlait simplement de sensibiliser les citoyens au recyclage. Et aujourd’hui, nous avons trois écocentres au Kamouraska.

S.H. : Oui, dont le premier à La Pocatière, que nous allons justement refaire avant la fin de 2020 selon de toutes nouvelles normes. Aujourd’hui, on vit dans un monde de production de déchets importante, et il faut pouvoir donner les outils aux gens et les sensibiliser efficacement. Au tout début, je me souvenais quand j’allais à Montréal et j’étais fier de dire que nous recyclions dans le Kamouraska. Les gens me regardaient et disaient : « Ah oui ? Comment ça ? » Aujourd’hui, tout le Québec recycle, mais il y a vraiment une fierté de dire que ça a commencé ici et que nous sommes parmi les pionniers.

Sylvain Hudon, président, et Solange Morneau, directrice
Photo | Marie-Amélie Dubé

MISSIONS DE CO-ÉCO

INFORMATION ET SENSIBILISATION
Faire de l’éducation, de la formation et de l’animation relative à l’environnement auprès de la population afin que celle-ci acquière les valeurs, les connaissances, les compétences et le sens de l’engagement qui lui permettent d’agir individuellement et collectivement, à améliorer la qualité de vie et à conserver l’environnement de notre collectivité.

SERVICE-CONSEIL EN DÉVELOPPEMENT DURABLE
Promouvoir l’intégration du développement durable dans l’ensemble des sphères d’activités de la collectivité. Promouvoir une vision systémique qui permet de prendre conscience des interdépendances qui existent entre les aspects économiques, écologiques, sociaux, culturaux et politiques de notre monde et de notre planète.

GESTION DE PROJETS
Développer et réaliser tout projet visant l’amélioration de la qualité de la vie et la conservation de l’environnement.

MAD : Donc, au début, le premier écocentre servait à la gestion du recyclage, le fameux bac bleu. Le bac brun pour les matières organiques n’existait pas encore.

S.M. : En effet. Même qu’au tout départ, l’écocentre de La Pocatière était un service qu’on offrait aux gens qui faisaient de la rénovation, en particulier pour ramasser les restants de peinture qui autrement se retrouvaient à la poubelle. Donc, monsieur Théberge et son équipe pensaient tout d’abord à contrôler les déchets, car il n’y avait aucun contrôle ni réglementation. Qu’est-ce qu’on pouvait faire avec le bois sec ? Des copeaux. Qu’est-ce qu’on pouvait faire avec le bardeau d’asphalte ? Le recycler et le revendre pour faire d’autres bardeaux. Donc, ce sont toutes des initiatives que nous avons prises et qui ont permis l’ouverture de centres de tri.

MAD : C’était vraiment très visionnaire.

S.M. : Oh oui, absolument ; Le Kamouraska et le Bas-Saint-Laurent sont des régions très innovatrices.

MAD : Et si on parle du changement d’habitude, de la sensibilisation. Comment est-ce que ça s’est implanté au fil du temps ? Au départ, est-ce que c’était seulement des bénévoles, ou y avait-il des ressources ?

S.H. : Oui, il y avait des bénévoles et des employé·e·s. Et je me suis toujours dit qu’il ne faut jamais perdre une génération, et ne jamais prendre une génération pour acquise. Dès le départ, il.elle.s ont commencé à faire des activités de sensibilisations dans les écoles, et c’est un point excellent qu’il faut continuer. Parce que si le parent ou le grand-parent ne le fait pas, au moins l’enfant l’apprend. Ensuite, il peut inviter sa famille aux activités, ce qui crée ce lien intergénérationnel qui permet à l’information de se transmettre. Encore aujourd’hui, on continue de faire de la sensibilisation dans les écoles et on ne doit pas arrêter. Parce que c’est peut-être justement ce.tte petit.e enfant qui plus tard fera : « Oh, un papier par terre, je vais le mettre dans le bac bleu. »

S.M. : Les toutes premières actions de Co-éco ont été de faire de la sensibilisation. Et c’est ensuite que les gouvernements précédents ont donné des obligations aux municipalités. Co-éco a été un exemple pour certains ministères. Les gens de notre région avaient vraiment une opportunité pour aller écouter dans les salles de conférence, ou même dans la cuisine de certain.e.s, pour apprendre comment recycler et comment faire son compost. Et dans le temps, les gens qui finissaient leurs études en biologie ou en environnement n’avaient pas tant de chance que ça pour décrocher un travail, alors nous les accueillions chez Co-éco.

MAD : Pour bien comprendre l’arborescence des différents intervenants, est-ce que Co-éco chapeaute les écocentres ? Les centres de tri ?

S.H. : Avez-vous une demi-heure? (Rires.) Ce n’est pas confus seulement pour vous, ça l’est pour plusieurs, et il faut refaire de la sensibilisation dans les écoles ou auprès des élu.e.s municipaux. Parce que pour eux.elles, ça «roule tout seul» à la Co-éco, les gens prennent les bacs, envoient ça là, ramènent ça ici, etc. (Rires.) Mais oui, la Co-éco est gestionnaire des écocentres et de la mise en place des plans d’action dans les municipalités.

S.M. : Il ne faut pas oublier que toutes les matières résiduelles sont gérées par des lois provinciales et sont sous la responsabilité municipale. Sur cette responsabilité municipale là, c’est chaque MRC qui est le maître d’oeuvre des matières résiduelles. Donc les municipalités ont le devoir de gérer les trois bacs (bleu, brun et poubelle), et Co-éco s’occupe de baliser les plans de gestion des matières résiduelles (PGMR). Nous avons le devoir de consulter la population pour élaborer les mesures. Nous prenons des idées et nous écrivons des mesures qui ensuite sont votées et acceptées par le conseil des MRC. Plusieurs régions ont aussi créé des régies internes municipales.

De gauche à droite | Sylvain Hudon, Ophélie Deschamps Lévesque,
Solange Morneau, Francis Foy, Suzanne Gaumond, Audrey Gagnon,
Valérie Boulet-Thuotte, Noélie Hébert et Francois Lapointe
Photo | Guillaume Leblanc

MAD : Quand on pense à ceux.celles qui sont récalcitrant.e.s, ou ceux. celles qui ne veulent pas plus s’en occuper que de dire « oui, je recycle, voilà », il faut réfléchir au fait que chaque chose qu’on met dans son bac bleu a un coût, et que plus on en met, plus ça coûte cher. Donc, la réduction des déchets serait, à mon avis, la première grosse bouchée à faire prendre à notre communauté. Est-ce que votre organisme suit aussi cette philosophie ?

S.H. : Oui, ça entre dans la sensibilisation en général. Par exemple, les plats de margarine, oui, on les recycle, mais à un moment donné, il y en a trop, et il faut avoir plus de bacs, etc. Donc oui, on fait de la sensibilisation, mais c’est également aux industries à s’autodiscipliner. Il faut vraiment que les entreprises soient sensibles à la cause pour que ça s’améliore vraiment.

S.M. : Et quand on y pense, plusieurs régions n’ont même pas de site d’enfouissement, alors ce sont des déchets qui doivent parcourir des kilomètres et des kilomètres pour s’y rendre. Mais ici dans la région du KRTB, nous nous sommes extrêmement bien organisés. Nous nous sommes assis·es et nous avons dit : « Nous avons cet investissement-là à faire, il faut préparer les années à venir, et nous avons toujours été présente·s là-dedans. »

MAD : Co-éco va avoir 25 ans. Tout le monde a son bac bleu, mais quelles sont vos orientations pour les prochaines années ?

S.H. : Eh bien, quand je vois une publicité à la télévision avec quelqu’un qui se sent coupable de manger son TV Dinner, avec les bacs bleus minuscules et leurs couvercles qui partent au vent, je me dis : Wow ; Il y a encore beaucoup de travail à faire. » Alors, c’est vraiment de continuer à travailler ensemble, continuer de sensibiliser, ne pas perdre aucune génération. Parce que si on arrête deux ou trois ans, le travail se perd. Et même au niveau des municipalités, il reste du travail. On a toujours besoin de la participation des élu.e.s et des citoyen·ne·s. Et je reproche un peu au gouvernement de ne pas avoir investi assez dans les organismes comme le nôtre, pour être capable d’avancer encore plus rapidement, et même dans les entreprises afin de leur donner des outils pour devenir plus durables et verts.

S.M. : Ce que les citoyen·ne·s nous demandent beaucoup, c’est d’être accompagné.e.s. Avec les changements climatiques, on vit dans des surprises chaque jour. Donc, c’est pourquoi on offre des guides aux gens et aux municipalités pour leur proposer comment bien faire. Et c’est pourquoi on montre aux gens et aux MRC à travailler en collectivité, parce que c’est beaucoup plus dispendieux et difficile seul. Par exemple, quand on vide une fosse septique seul, c’est très dispendieux. Mais si tout le monde le fait en même temps, c’est beaucoup moins cher et plus pratique. Aujourd’hui, il faut également penser à comment on peut accrocher et attirer les gens. C’est bien beau aller dans les écoles, aller voir les adolescent·e·s et les jeunes adultes, mais il faut pouvoir les intéresser. Il faut se servir des nouvelles technologies et savoir les accrocher. Et quand on parle de changements climatiques, il faut penser oui aux inondations ou aux berges, mais aussi à la sécheresse et aux feux. Comment récupérer l’eau de pluie, prévoir les actions, etc. Quand on se fait dire qu’on n’est pas un territoire à risque, c’est faux.

S.H. : Oui, et quelque chose d’autre qui me préoccupe beaucoup, ce sont les plantes envahissantes. La berce du Caucase, le phragmite, l’herbe à poux, etc. Dans les écocentres, on se retrouve pris avec ces plantes-là. Cela représente aussi des coûts associés à la sensibilisation et à la gestion des centres.

S.M. : En parlant des phragmites, leur porte d’entrée est à La Pocatière, et là on voit que ça s’en vient vers Rivière-du-Loup. Le long des berges, on en voit partout. Le gros problème avec cette plante envahissante, c’est que sa graine ne meurt pas l’hiver. Et elle a le talent de se cacher, et prendre jusqu’à 10 ans avant de germer à nouveau.

MAD : Oui, je me souviens, dans les années 90, qu’il y avait eu de grandes campagnes de sensibilisation à ce sujet. Je me souviens, j’avais seulement 10 ans et je faisais du porteà- porte pour dire aux gens comment repérer cette plante envahissante là et l’enlever.

S.M. : Et c’est très intéressant qu’on parle de ce sujet-là, car Co-éco travaille beaucoup avec OBAKIR et Biopterre pour essayer de trouver une solution, et avec le ministère des Transports aussi. Parce que le phragmite pourrait devenir une bonne source de gaz comprimé, car c’est une matière organique. Mais en la récoltant, il faudrait la mettre dans des sacs spéciaux et la contenir de façon sécuritaire pour ne pas qu’elle se répande. Donc ce sont toutes des choses qu’il faut mettre au point pour réduire la propagation de ces plantes-là et les utiliser de manière sécuritaire.

MAD : Pour votre 25e anniversaire, à quoi peut-on s’attendre ?

F.L. : Concernant nos moyens de communication pour notre 25e, ça fait plusieurs mois qu’on travaille sur un projet qui s’appelle « Fenêtre sur l’Avenir ». Il y a 5 écoles primaires qui ont composé des collages, des dessins sur de grandes questions environnementales, comme les changements climatiques ou le bac brun. Nous pensions avoir environ 5 fenêtres et nous sommes rendus avec 16. Donc, ce sont de grandes fenêtres qui ont été récupérées par des écochantiers et qui vont servir de support aux dessins. Elles seront présentées lors de la prochaine AGA.

S.H. : Nous avons aussi produit 8 reportages de 28 minutes produits par TVCK et diffusés par MAtv cet automne. On y verra des matériaux des écocentres et des Échochantiers transformés.

S.M. : Nous aurons aussi une AGA où nous soulignerons le 25e et on soulignera le travail exceptionnel des professionnel·le·s de Co-éco. Et vous aussi vous faites partie de notre promotion, La Rumeur du Loup.

MAD : (Rires.) Oui ; Et vous allez être la « Rumeur du mois » sur plusieurs mois ! Est-ce que vous recrutez des bénévoles, est-ce que les gens peuvent s’investir dans votre conseil d’administration, dans des projets, des cueillettes, etc. ?

S.M. : Nous sommes toujours là pour des formations ; parfois, nous avons des groupes de citoyen·ne·s qui nous demandent de venir pour une formation sur le recyclage, les matières organiques, etc. Nous allons aussi dans les festivals, les marchés publics. Nous donnons des outils également et travaillons avec des entreprises pour améliorer la gestion des matières résiduelles dans les festivals.

MAD : Est-ce que le citoyen corporatif est impliqué aussi ? Par exemple, lorsque les écocentres sont fermés, et l’on ne veut pas garder des déchets jusqu’à la réouverture, est-ce qu’il y a des entreprises ou des lieux qui prennent le relais ?

F.L : Pour certains types de déchets, c’est déjà bien implanté. Quand on va voir l’application Ça va où ? on peut y lire les adresses de dépôt pour chaque chose dans chaque municipalité. Mais il y a certaines choses qui auraient besoin d’un lieu de dépôt 12 mois par année.

S.M. : Tout ce qui est restant de peinture, on peut aller le porter chez Canadian Tire ou RONA. Tout ce qui est bombonne de propane, on peut aller chez le manufacturier où elles ont été achetées. Par contre, les compagnies commencent à délaisser ça aux écocentres. Parce que pour les collecteurs de ces matières, il est plus facile de tout ramasser au même endroit. Donc, on travaille là-dessus. Il y a énormément de projets qui peuvent naître de toutes ces collaborations-là.

Co-éco
1650 rue de la Ferme, La Pocatière
(418) 856 2628
www.co-eco.org

À propos de Marie-Amélie Dubé

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