Ce qu’on ne vous dit pas sur votre travail

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par Marc Fraser

 

Bien que l’économie soit au centre du discours dominant, on entend bien peu parler du rôle crucial joué par les salariés au sein des organisations. En fait, on véhicule plutôt un ramassis de clichés et de mensonges qui masquent la dépendance des organisations envers leurs travailleurs et travailleuses, au profit d’une culture de l’élite qui glorifie le rôle des patrons. Le plus perfide de ces mensonges est certainement celui qui veut que le licenciement d’employés constitue une mesure d’économie pour les entreprises.

 

Pas besoin d’avoir fait les hautes études commerciales pour comprendre qu’un employé devrait rapporter à l’organisation. Si ce n’est pas le cas, ce n’est certainement pas le problème du travailleur ou de la travailleuse, mais bien celui du gestionnaire qui n’arrive pas à tirer profit de son potentiel humain. Une fois qu’on le considère sous cet angle, le nombre d’employés devient une force pour les organisations; une force sur laquelle il faut à tout prix miser. Il est aussi faux de croire que le nivèlement des salaires par le bas constitue une source de profits supplémentaires pour les entreprises. Au fil des années, l’expérience m’a maintes fois prouvé que d’offrir des salaires alléchants permet de recruter les meilleurs talents disponibles et de les retenir au sein de l’organisation. Leur niveau d’expertise facilitera d’autant le recrutement et la rétention de nouveaux clients, au bénéfice de tous. Investir dans la main-d’oeuvre rapporte toujours, quoi qu’en disent les gestionnaires à courte vue. En fait, la dépendance des gestionnaires envers les employés est totale. Prenons l’image d’un orchestre symphonique pour illustrer la situation. Vous avez là des dizaines de virtuoses qui maitrisent parfaitement leurs instruments. Devant, un peu pompeux, se donnant de la prestance dans son bel habit de pingouin, le chef bat l’air de sa minuscule baguette. Vous aurez beau isoler son micro tant que vous voulez, vous constaterez que le chef seul génère, au mieux, le son subtil d’un mime dans une boite de verre… En réalité, les musiciens contrôlent tout, déterminent individuellement et collectivement la douceur et la richesse de la musique.

 

« Il est aussi faux de croire que le nivèlement des salaires par le bas constitue une source de profits supplémentaires pour les entreprises. »

 

Il existe principalement deux types de gestionnaires : l’expert et le généraliste. Des deux, l’expert est le plus dangereux. On peut le définir comme une personne qui a exercé un métier toute sa vie et qui, au fil des années, accède à un poste de direction. Elle a l’impression d’en savoir plus que tout le monde, à cause de son expérience, sentiment renforcé par sa position hiérarchique. Ce gestionnaire aura tendance à tasser un salarié pour lui montrer comment faire son travail. Il écoute peu ou pas : il sait déjà. Le généraliste, lui, n’a jamais fait le travail de ses employés. Il n’a pas le choix d’écouter ce qu’ils ont à dire sur l’exécution du travail. Son rôle, c’est d’écouter et de tenter d’arrimer toutes ces visions du monde. Il a la distance nécessaire pour s’interroger sur les processus, sans imposer sa méthode. Au final, le modèle idéal se retrouve principalement dans l’entrepreneuriat collectif, comme les coopératives et les entreprises d’économie sociale. Là, l’expérience humaine des travailleurs et la réponse aux besoins des communautés priment le profit des actionnaires, sans toutefois exclure la notion de rentabilité. De plus en plus d’entreprises ont compris la richesse de ces modèles et offrent un environnement propice à la valorisation des employés, qu’elle soit monétaire ou autre. Cependant, la réponse ne viendra pas seulement des organisations. Les travailleurs et travailleuses doivent aussi développer le sentiment de réalisation et d’accomplissement à travers leur contribution aux organisations. Personne, ni employé ni patron, ne devrait se contenter de se pointer au boulot pour la paie. C’est toute une société que nous érigeons par la force de notre travail collectif et quotidien.

À propos de Marie-Amélie Dubé

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