par Marilie Bilodeau
Chaque mois, je présenterai une petite chronique où je passerai en entrevue une personnalité culturelle de la région des Basques. La première à subir l’interrogatoire marilien n’est nulle autre que la chorégraphe en danse contemporaine Soraïda Caron.
Marilie Bilodeau : Soraille (parce que c’est son nom pour les intimes et que la Pistoloise que je suis bénéficie du grand luxe de partager une certaine intimité municipale avec cette chorégraphe de renom), parle-moi de ton cheminement.
Soraïda Caron : Eh bien, j’ai commencé à danser relativement tard. Au départ, je voulais être comédienne, mais semble-t-il que ma diction n’était pas suffisamment impeccable pour aller dans cette branche. Je suis donc allée à l’université en études littéraires, où j’ai suivi un cours complémentaire dans lequel il fallait aller voir un spectacle d’une autre forme d’art que la littérature. Notre professeur nous a emmenés voir un spectacle de la chorégraphe Marie Chouinard. Ce fut une révélation ! J’aimais le théâtre pour son côté physique, l’implication du corps dans les mouvements, mais là, c’était une coche au-dessus ! Je me suis dit : « JE VEUX FAIRE ÇA DANS LA VIE ! » Je me suis donc inscrite en danse au cégep de Saint-Laurent à 21 ans. Je dois avouer que ça a quelque peu été un traumatisme lors de mon premier plié aux barres. (rires) Je suis ensuite allée à l’université, sans toutefois terminer mon bac, et j’ai pris la route avec la chorégraphe Isabelle Choinière et Le Corps Indice. J’ai suivi cette troupe pendant près de deux ans et demi, ce qui m’a aussi permis de me faire créditer les derniers cours du bac pour enfin obtenir mon diplôme. Ensuite, la vie a fait en sorte que je suis revenue dans mon patelin natal. Depuis mon retour, j’ai été professeure à l’École de danse Quatre Temps et j’ai travaillé sur la création de plusieurs spectacles dont la trilogie Mange-moi donc mon amour ! et Bigoudis, flanelle et moto. J’ai travaillé fort sur une multitude de demandes de bourses [qu’elle a obtenues, en majeure partie !]. J’ai collaboré avec la compagnie Carpe Diem et j’ai eu la chance de partir en Belgique grâce à un programme pour jeunes chorégraphes des Offices jeunesse internationaux du Québec. Et maintenant, je lance ma propre compagnie : Mars elle danse.
M.B. : Qu’est-ce qui t’a attirée dans la danse au départ ?
S. C. : Le côté athlétique, le corps. Le fait que le corps puisse se transformer. Le corps est un outil de travail, mais aussi un moyen d’expression, ce corps qui a quelque chose à raconter. Tout le monde en possède un. Finalement, c’est un médium plus accessible qu’on le croit. C’est une discipline qui nécessite une intimité, une proximité entre partenaires. La danse, c’est dans le sensoriel; la douleur, la chaleur, le froid…
M.B. : Qu’est-ce qui te fait le plus vibrer dans cet art ?
S. C. : Arriver à trouver chez chacun des interprètes sa façon personnelle et singulière de bouger, au-delà du carcan technique des écoles. J’aime travailler avec les non-danseurs puisque c’est naturel chez eux. J’aime leur vérité, leur côté brut. C’est quelque chose qui me fascine.
M.B. : Quel aspect de ton métier te plait le plus ?
S. C. : La création et l’interprétation, de façon égale.
M.B. : Que recherches-tu chez un interprète ?
S. C. : La vérité. Peu importe qu’elle soit bonne au sens technique, l’important est ce que cette personne a à me dire et c’est qu’elle soit vraie. Je suis celle qui propose, mais l’interprète est celui qui absorbe ces propositions et les transforme en son propre discours. C’est une sorte de partage, comme une relation amoureuse.
M.B. : Pourquoi es-tu revenue en région ?
S. C. : Pas pour la danse, mais pour l’amour d’un homme.
M.B. : Crois-tu que c’est possible de vivre de son art en région ?
S. C. : Oui, mais il faut travailler vraiment fort. Selon la discipline, il y a une sorte d’éducation, de développement du public qui est à faire. De plus, des fois, c’est difficile avec la proximité régionale. Les gens te connaissent comme amie, fille, soeur… tu n’as pas cette neutralité que tu peux avoir en ville. Le public peut mélanger plus facilement les autres sphères de ta personne. En théâtre, c’est plus facile de faire la distinction entre le personnage et l’humain qui l’habite. En danse, si tu oses la nudité, par exemple, tu risques d’en entendre parler longtemps dans un petit milieu.
M.B. : Pourquoi « Mars elle danse » ?
S. C. : En 2007, j’étais sur le point de lancer ma compagnie et j’avais eu l’idée du nom « La fille à Marcel danse », mais les aléas de la vie ont fait en sorte que le projet a été quelque peu mis sur la glace. Entretemps, je me suis fait devancer par Harold Rhéaume et son « Le fils d’Adrien danse ». Je voulais conserver le nom de mon père, une sorte d’hommage à l’homme qu’il est, à la relation privilégiée que j’ai avec lui, faire un petit clin d’oeil au fait qu’il danse aussi ! [Marcel est un passionné de danse en ligne !] J’aimais aussi la dualité homme/femme dans le « Mars » et le « elle ». C’est un truc qui revient souvent dans mon travail, cette exploration des relations entre l’homme et la femme.
M.B. : Comment décrirais-tu ton univers chorégraphique ?
S. C. : Humoristique, absurde, accessible, surréaliste. Je suis de notre temps, je dresse le portrait des différents aspects et enjeux de notre époque, comme une vision farfelue de notre réalité.
M.B. : Pourquoi aller voir un spectacle de Mars elle danse ?
S. C. : Pour passer une excellente soirée ! Pour rencontrer la danse contemporaine de manière plus accessible. Mes spectacles sont montés sur une trame narrative assez facile à comprendre, ils ont souvent des éléments tirés du théâtre, des personnages, des costumes, des accessoires… et, en plus, c’est drôle !
M.B. : Quels sont tes projets pour le futur proche ?
S. C. : Résidence de création suivie de la représentation de Bigoudis, flanelle et moto, au Théâtre du Bic les 2 et 3 octobre ; Recherche et création à l’hiver pour la création de Patrice dans Gisèl : le tournage et le montage de certaines scènes puisque cette pièce requiert de la vidéo interactive ; Résidence de création chez Spect’Art pour Patrice dans Gisèl, spectacle qui sera présenté à l’automne 2016 à la salle DESJARDINS-TELUS ; Professeure chez District Danza ; Professeure de cours privés à Trois-Pistoles.
M.B. : Quel est ton signe astrologique ?
S. C. : Sagittaire.
M.B. : Ton animal totem ?
S. C. : La sauterelle.
M.B. : Ton élément ?
S. C. : Le feu.
M.B. : Si ton univers était représenté par un dinosaure, lequel serait-ce ?
S. C. : « Bien là ! Moi, je ne connais pas ça, le nom des dinosaures ! Il aurait des piquants, il ne serait pas minuscule, mais pas trop gros, genre un petit vif que, quand ça ne lui tente pas, ça ne lui tente pas, sinon, il fait ses affaires. Alors suivez de près cette chorégraphe pistoloise hors du commun et gardez bien en tête le nom « Mars elle danse ». P.-S. Je crois que le dinosaure soraïdien serait un hybride entre un archéoptéryx et un vélociraptor…