Art public : Processus de sélection – Intégration des arts à l’architecture et à l’environnement du MCCQ

texte et photo Michel Lagacé

 

Comme me l’a demandé la directrice de La Rumeur du Loup e t a ussi p our l a s imple curiosité de plusieurs personnes pour l’art public qui se posent la question : quel est le processus qui détermine quel artiste ou quels artistes d’une région où d’ailleurs au Québec vont être choisis pour faire une proposition d’oeuvre intégrée à tel bâtiment, site gouvernemental et public ? Premièrement, il faut que le projet de construction, de rénovation ou d’agrandissement soit assujetti à la politique du programme communément appelée « La politique du 1 % ». Cela veut dire qu’il y a habituellement une subvention de l’État (Québec) dans le montage financier et que le coût total de la construction est de 150 000 $ et plus. Le programme de l’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement du ministère de la Culture et des Communications du Québec existe depuis 1961. En termes simples, les étapes qui conduisent à l’oeuvre d’art intégrée à l’architecture d’un bâtiment sont transparentes et faciles à expliquer.

 

Considérons ce processus. Contrairement à ce que l’on peut penser arbitrairement, la majorité du temps, le choix de l’artiste ou des artistes et leurs oeuvres intégrées aux bâtiments sont presque toujours à la satisfaction des propriétaires et des usagers, et ce, tout en estimant qu’il est toujours préférable qu’il y ait un certain flottement entourant le sens d’une oeuvre d’art public. Car elle n’est jamais l’illustration de la fonction d’un bâtiment ni des prémisses sociales ou historiques d’un lieu, même si l’artiste les a prises en considération dans sa proposition. On sait bien que l’imagination artistique doit ouvrir des portes qui auraient pu rester fermées et que cette ouverture sur l’imaginaire, sur la symbolique ou la singularité est celle qui lui donne sa beauté, sa pertinence innovatrice et ce plaisir propre à l’art autant qu’à l’art public. Dans le comité de sélection de l’artiste qui réalisera l’oeuvre d’intégration, il y a toujours un représentant du propriétaire (venant généralement de la direction de l’organisme), un représentant des usagers, parfois un observateur, l’architecte du projet, en plus d’un ou deux spécialistes des arts et l’expert régional (un artiste à qui la représentante du ministère concède son droit de vote). Le mandat de l’expert régional et des spécialistes des arts, choisis par le service de l’intégration des arts à l’architecture pour leur expérience et expertise, est d’environ trois ans. Les membres de ce comité de sélection participent tous aux choix des artistes à partir du visionnement d’une banque de dossiers visuels (10 images par artiste avec leur identification) de la production des artistes ou des oeuvres d’intégration antérieures faites par ces artistes professionnels reconnus par leurs pairs et inscrits à cette banque.


Jean-Philippe Roy | Beaulieu Culturel

 

En amont, une rencontre des membres de ce comité (sauf l’expert régional) a déjà eu lieu pour établir le programme en relation avec le rôle, la fonction du bâtiment, l’histoire du lieu et les attentes des gens concernés, en plus d’avoir choisi l’emplacement de l’oeuvre 2D ou 3D dans l’édifice. Quand le budget du 1 % n’est pas très gros, ce comité ne choisit qu’un artiste de la région concernée. Pour des budgets plus importants, ils peuvent choisir deux ou trois artistes qui présenteront des maquettes de leur proposition d’intégration (dont au moins un artiste de la région concernée). Ces artistes choisis participeront à la « compétition » de la proposition la plus inventive ou pertinente pour ce programme spécifique. Ces mêmes personnes du comité (sauf l’expert régional), dans une autre rencontre en aval, choisiront d’après les maquettes présentées, l’oeuvre qui sera réalisée. Dans les constructions de plus grande envergure, les dossiers visuels peuvent s’élargir à des artistes des régions limitrophes ou englober une grande partie de tous les artistes du Québec qui sont inscrits dans la banque d’artistes de l’intégration des arts à l’architecture. Une présélection est alors faite par les spécialistes des arts et l’expert régional afin de réduire le nombre de dossiers d’artistes qui seront présentés au comité de sélection. Il n’y a pas nécessairement beaucoup d’artistes inscrits à cette banque du programme, surtout en région. Et selon leur dossier visuel « bien ou mal » adapté à l’intégration des arts à l’architecture (ce qui implique des contraintes ou des orientations particulières propres à l’art public), il n’est donc pas surprenant de voir assez souvent les mêmes artistes choisis par le comité de sélection. Mais ces artistes ont généralement prouvé, dans des oeuvres antérieures intégrées à l’architecture par les qualités polyvalentes, techniques et innovatrices de leur travail, et souvent faites en collaboration avec d’autres intervenants pour répondre à des exigences dues aux matériaux utilisés (verre, métaux divers, impressions numériques, etc.), leur talent et leur bonne compréhension des programmes proposés.


Emilie Rondeau | L’ÉMAC

 

Il est toutefois dommage qu’il n’y ait pas plus d’artistes professionnels en arts actuels ou en métiers d’art inscrits dans ces banques régionales du programme de l’intégration des arts à l’architecture, même si ce n’est pas toujours évident pour un artiste de se construire un bon dossier visuel orienté pour ce programme d’intégration. Il est aussi évident qu’il est plus difficile d’être choisi pour un artiste qui n’a pas encore eu l’expérience de ce défi. Il ne peut montrer dans son dossier visuel que des images d’oeuvres d’atelier ou exposées en galerie souvent moins convaincantes pour l’art public. Le rôle des spécialistes des arts et de l’expert régional est aussi d’interpeller les autres membres de ce comité à entrevoir ce que ces artistes pourraient offrir comme proposition inventive dans le contexte du programme proposé, car il faut bien être choisi une première fois pour commencer à avoir l’expérience de la réalisation d’une oeuvre d’art public et pouvoir la montrer. Pour avoir fait quelques oeuvres d’art public et participé (et encore maintenant) en fonction d’un mandat de trois ans à ce processus comme expert régional en arts visuels pour le Bas-Saint-Laurent, je peux expliquer plus en détail le processus de sélection de l’artiste pour ces intégrations. Après le visionnement des dossiers visuels des artistes, les membres du comité de sélection sont appelés à choisir individuellement et en silence trois artistes afin de faire le tri des dossiers visuels présentés en fonction de l’orientation du programme établi par le comité programme en amont de cette rencontre. Vient ensuite une période d’échange sur les choix de chacun : un moment à la fois pour expliquer ses choix, pour influencer, convaincre ou établir des compromis si nécessaire. À la fin, après un autre visionnement des dossiers visuels choisis, il y a un dernier vote pour choisir l’artiste et les substituts possibles en fonction de l’artiste ou des artistes qui accumulent le plus de points (3-2-1) ; un pointage donné par chaque membre votant sur encore trois candidats choisis individuellement. Après les échanges au milieu de ce processus, il est surprenant de voir que le ou les mêmes artistes font très souvent l’unanimité dans le décompte des points. Selon mon expérience, ces résultats sont généralement à la satisfaction de tous les participants dans le ou les choix des artistes.

 

On choisit donc en groupe l’artiste ou les artistes qui seront appelés à présenter une proposition d’oeuvre d’art public d’après leur dossier visuel, leurs affinités formelles et la sensibilité ou l’expression qui s’en dégage ; donc ceux qui seront les plus susceptibles de bien réaliser ce mandat lié à un bâtiment et à un programme spécifique. En dernier lieu, l’artiste ou les artistes choisis, après une visite du chantier et une rencontre avec l’architecte, présenteront leur proposition au comité programme sous la forme d’une maquette réelle à l’échelle, avec au choix des vues virtuelles de leur proposition, en plus d’un texte de présentation de la proposition et des plans avec les spécifications techniques de la réalisation de l’oeuvre, etc. Les délais sont souvent bien courts pour les artistes. Dans cette dernière rencontre, un choix final est fait en fonction de la proposition « la plus adéquate » pour les membres de ce comité ou, si ce n’est qu’un artiste qui présente sa maquette, le comité s’assure des « fonctionnalités ou autres spécifications » reliées à l’oeuvre présentée avant son acceptation. L’inventivité et la dynamique de l’oeuvre, son esthétique, sa relation symbolique avec le programme établi, avec l’architecture et la logique de réalisation et d’ancrage sécuritaire sont les facteurs majeurs de ce choix ou de l’acceptation de la proposition quand il n’y a qu’un artiste présentant sa maquette. Après la signature des contrats, il ne reste plus alors pour l’artiste que la réalisation de l’oeuvre réelle et son intégration, si tout va bien…

 

Pour en savoir plus ou pour vous informer sur les principaux objectifs de ce programme, il vous suffit de consulter le site Web de la Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement.


Fernande Forest | CHSLD de Rivière-du-Loup

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