Arleen et ses tiroirs

Texte | Marie-Amélie Dubé

L’an 2000 à l’ObScène. Université Laval. Études en théâtre.

Une grande et belle histoire d’histoires, de mots et de rencontres, se préparait en sourdine.

Une parade de personnages en coulisse se déguisaient, se maquillaient, prêts à naître.

20 ans plus tard, j’éprouve un immense plaisir d’interviewer mon ancienne collègue de classe : Arleen Thibault, conteuse.

Arleen Thibault fait partie des conteuses qui ont tissé, au fil du temps, une relation d’attachement profond, comme plusieurs artistes de la communauté francophone du conte, avec le Rendez-vous des Grandes Gueules. « Quand je vais au Rendez-vous des Grandes Gueules, je me sens chez moi. Je vais à Trois-Pistoles depuis mes débuts, presque 20 ans déjà ! Il y a quelques événements au Québec qui font cet effet-là, mais à Trois-Pistoles, c’est celui qui mise le plus sur la dimension “festival”. Le public, les ami·e·s… tout le monde finit par être mélangé et se parle. On se fait de nouveaux·elles ami·e·s, on découvre les spectateur·trice·s. On a nos petites habitudes. C’est génial ! Parfois, tu fais un spectacle, tu salues le public à la fin et ensuite tu te retrouves seule, et la soirée est terminée. Mais à Trois-Pistoles, on a vraiment l’occasion de vivre des rencontres et de connaître le public ; c’est riche et précieux. »

UN ESPACE MENTAL DÉCONFINÉ

Malgré un milieu des arts de la scène grandement chamboulé depuis ces mois qui nous tiennent à distance de 2 mètres, Arleen interprète la situation actuelle sous une perspective plutôt poétique et pleine de sens. « Quand on est conteur·euse, on peut toujours faire apparaître des personnages dans notre tête. Et la COVID ne peut pas les atteindre. On peut même faire frencher le monde qu’on veut dans notre tête si on veut ! (Rires.) L’espace de la mise en scène, c’est notre imagination qui la délimite. C’est le moment idéal pour se réapproprier cette portion d’imaginaire à laquelle on aura toujours accès. Cette zone est intouchable, et c’est hyper libérateur. »

Quoi de mieux qu’une bonne dose de contes comme prescription pour se rappeler l’espace de liberté que nous offre cet art de la parole, qui en plus est accessible à toute personne qui désire laisser son imagination prendre cette place gratuite ?

C’est évident que le Rendez-vous des Grandes Gueules ne sera pas comme d’habitude cette année. Mais malgré tout, Arleen Thibault reste positive et emballée par cet événement. « Pour moi, le spectacle va permettre de serrer chaque personne dans mes bras avec mes mots. »

LES GRANDES GUEULES QUI S’IGNORENT

À la question « C’est quoi une grande gueule ? », l’artiste répond : « C’est quelqu’un qui parle beaucoup, tout le temps et qui prend le plancher. Moi, je ne pense pas que je suis une grande gueule. Je pense plutôt que je suis une grande oreille ; j’ai les oreilles baladeuses. Je traîne auprès des grandes gueules pis je ramasse des petits trésors. » Attention à vous, grandes gueules qui parlent haut et fort ! Vous risquez peut-être d’en inspirer certain·e·s !

« Les grandes gueules qui s’ignorent m’inspirent beaucoup ; celles et ceux qui se mettent à parler en images dans un café ou à l’épicerie parce qu’ils ont de la misère à exprimer leurs idées et qu’ils se mettent à faire du conte sans s’en rendre compte ! Pour moi, ce sont les plus belles grandes gueules et mes plus belles sources d’inspiration. Mon collectage actif opère lors de ces rencontres imprévues, au coin de la rue et du dépanneur. Je peux rester là à les écouter, sans leur parler, et à sourire. J’aime contempler les gens. Ça m’arrive d’aller voir des couchers de soleil juste pour aller voir les gens qui les contemplent ! Je trouve ça beau, la face que ça leur fait ! »

Avec nos mots, prendre les gens dans nos bras.

LES TIROIRS À ÉCRITURE

Quand vient le temps d’écrire, Arleen ouvre ses tiroirs à images, à souvenirs, et les personnages se déposent simplement sur la trame. Elle fait confiance à son instinct. « Je n’archive pas mes idées systématiquement. J’ai confiance au fait que ce qui est fort va s’imprimer dans mon imaginaire. »

Toute jeune, Arleen était timide. Elle reformulait plein de fois ses questions et ses réponses en classe avant de lever sa main (moi aussi !). Puis, vinrent les exposés oraux qui furent libérateurs. « Je testais mon terrain. Il y avait quelque chose qui s’ouvrait ; j’avais du fun ! » Elle éprouvait un grand plaisir à prendre le plancher. Ensuite, durant ses études en théâtre, elle explorait beaucoup le monologue. Elle aimait beaucoup le fait de s’adresser directement au public. Puis, elle a découvert le conte, notamment au Fou bar à Québec, et le cercle des conteur·euse·s à l’Université Laval. « C’est ça que je cherchais, le conte, pis je ne savais pas que ça existait ! J’ai découvert qu’il y avait cette autre personne en moi qui avait cette facilité à s’exprimer dans un contexte cadré, précis. C’est comme ça que j’ai créé par la suite mon premier projet étudiant en conte, puis qu’ensuite j’ai approfondi le tout et créé entre autres mon spectacle de tournée, Le voeu. Maintenant, j’ai un grand répertoire de contes et un beau voyage d’une heure et demie pour ceux et celles qui en ont envie ! »

LE COEUR EN PYJAMA

Comme plusieurs artistes en art de la scène, Arleen n’a recommencé que le 15 septembre dernier à faire des shows en présence. « C’est comme s’il y avait eu un appel à la créativité par l’écriture. Je me suis plus intériorisée. Mais le conte, c’est de l’oralité, c’est le prolongement d’une conversation. Ça prend l’autre à qui on parle. Je dis souvent que je me sentais le coeur en pyjama… mais ça m’a permis de m’enraciner chez moi. Avant, je posais une valise, je faisais une brassée de linge pis je repartais. Cette retraite de six mois m’a permis de repositionner les choses, de questionner mes choix. »

Pour les Grandes Gueules, c’est autour de la thématique de la lune et du nocturne qu’elle veut se partir une ambiance pour jouer avec le public. « Je vais aussi piger dans mon répertoire, tout en m’inspirant de la salle et de son énergie. J’ai envie de quelque chose de plus informel pour avoir l’occasion de jaser entre les contes. J’ai le goût de demander au public comment il va ! »

Elle va peut-être aussi vous conter son expérience en matière de piraterie. Eh oui ! Elle a déjà porté un cache-oeil ! Si t’es curieux et curieuse, y’a des détails sur cette aventure dans le balado en ligne !

D’ici là, tentez l’imaginaire pour occuper votre esprit !

Écoutez l’entrevue complète en baladodiffusion en cliquant ici

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