Amélie Dionne, Entrepreuneure aguerrie

busque

par Busque

 

Amélie, femme politique, femme d’affaires et mère ; j’ai toujours éprouvé un grand respect envers elle qui travaille toujours dans le but de bonifier notre société. Chaque souvenir que j’ai avec cette femme me ramène au plan humain. Une femme de coeur, de persévérance, d’idées. C’est pourquoi, en vue du thème de ce mois-ci, je ne pouvais manquer l’occasion de lui donner la parole.

 

 

Busque : Bonjour, Amélie ! J’aimerais que tu me parles du cheminement de vie que tu as fait pour en venir à avoir aujourd’hui ton entreprise qui s’appelle Événements VIP .

Amélie Dionne : J’ai bifurqué beaucoup dans ma vie. J’ai fait des essais et erreurs, comme tout le monde, pour finalement réaliser, il y a cinq ans, que j’étais réellement une entrepreneure. J’avais 26 ans quand j’ai eu ma première entreprise. J’étais agente distributrice pour le journal Le Soleil. En tant qu’agents, nous devions gérer une compagnie incorporée. Donc, j’ai commencé de cette façon et, de fil en aiguille, j’ai eu une compagnie de gestion d’évènements qui s’appelait aussi Événements VIP, il y a de cela plus de 10 ans. Finalement, à une étape de ma vie, je me suis questionnée à savoir si j’avais les reins assez solides. On s’entend que, pour être entrepreneur, il faut apprendre à gérer le risque. Il faut apprendre à vivre avec l’insécurité parce que ce n’est que cela, surtout en évènementiel. D’une année à l’autre, c’est différent. J’ai beaucoup de contrats qui ne reviennent pas, donc c’est de la recherche constante de contrats. J’ai bifurqué comme employée et je suis allée travailler chez Premier Tech pendant cinq ans, pendant que j’avais mon enfant, et j’ai aussi vécu une séparation en même temps. C’est certain que l’insécurité était un peu plus grande. Finalement, après cinq ans — et Dieu sait que j’adore cette entreprise et que j’y étais très bien —, c’était plus fort que moi, le matin, j’avais la boule. Dans la vie, il faut que je fasse des essais et erreurs, mais il faut que je sois maitre de mon destin. Quand je fais un bon coup, je me tape sur l’épaule, quand je fais un moins bon coup, je m’encourage et je me dis que ça va aller. Il n’y a pas un entrepreneur dans la vie qui a réussi à faire une ligne droite remplie de succès et qui ne s’est pas trompé à un moment donné. Juste de me dire que je reçois ma paye toutes les semaines et que, peu importe les efforts que je mets, je n’ai pas le boni qui va au bout… Je ne dis pas que je le fais pour l’argent, mais pour la satisfaction de me dire : « Regarde, je mets les efforts nécessaires et je récolte ce que je suis supposée récolter. » C’est une mentalité, être entrepreneur. Ce sont mes idées que j’exécute et que je réalise. On est “tête forte” et on a ce besoin viscéral de vouloir tout contrôler et de créer sans cesse de nouvelles idées qui émanent de nous et non des autres.

 

B. : Tu as fait de la politique au travers de tout cela. Est-ce exact ?

A.D. : Oui. Je suis d’une famille de politiciens de troisième génération. Mon grand-père a été maire, mon père a été conseiller municipal et maire de Saint-Patrice avant que Saint-Patrice et Rivière-du-Loup fusionnent. J’ai deux frères et une soeur et on est soit entrepreneur ou bien on a fait une carrière en politique. Mon père ne nous a jamais poussés, mais je l’ai tellement vu s’épanouir là-dedans, mettre en place des projets. Mine de rien, mon père a été visionnaire, parce que c’est lui qui a instauré la première règlementation pour la vidange des fosses septiques. Il était tellement fier de changer les choses, et je le comprends aussi. Je sais que les politiciens, surtout au Québec, sont presque moins populaires que les vendeurs de voitures ! Tout cela dépend de notre perception. Il ne faut pas généraliser et mettre tout le monde dans le même bateau! On est victimes de certaines personnes. Comme je le dis toujours, un bon politicien, c’est quelqu’un qui est à la bonne place pour les bonnes raisons. S’il veut y aller pour servir le concitoyen, pour développer sa région, pour mettre en place des projets, pour changer le monde, il est à la bonne place. S’il y va pour des intérêts personnels, c’est très dangereux. Quand on y va pour les bonnes raisons, il n’y a pas de raison qu’on soit un mauvais politicien.

 

« C’est une mentalité, être entrepreneur. On est  » tête forte  » et on a ce besoin viscéral de vouloir tout contrôler et de créer sans cesse de nouvelles idées qui émanent de nous et non des autres. »

 

B. : Comment as-tu vécu ton expérience en tant que femme en politique ?

A.D. : Je vais comparer l’entrepreneuriat avec la politique parce que j’ai senti une différence. Ce sont deux milieux d’hommes. Comme entrepreneure, je travaille tous les jours avec des hommes d’affaires. Je suis propriétaire du Salon de l’habitation où il y a 150 exposants et où il passe 10 000 personnes par année. Je gère quand même de gros projets avec de grosses entreprises et je n’ai jamais senti à date que j’étais inférieure parce que je suis une femme. Je n’ai jamais senti qu’on ne me faisait pas confiance parce que j’étais une femme. En politique, c’est le contraire, je l’ai senti. Je pense que la société le fait de façon inconsciente. Quand on passait des commentaires sur le fait que je suis trop jeune ou que je n’ai pas d’expérience. Malheureusement parfois en politique, on vote pour une image. Inconsciemment dans la tête des électeurs, un homme d’affaires dans la cinquantaine et travaillant dans le domaine financier était plus « rassurant » qu’une jeune femme dans la trentaine… Pourtant, si on en vient au fait, j’ai été seule candidate pendant quatre mois avec un programme électoral réfléchi et qui tenait la route. Côté expérience, j’étais la seule avec une expérience municipale de quatre ans comme conseillère municipale et j’ai grandi dans la politique municipale! Ma question est: qu’est ce que c’est d’avoir de l’expérience lorsqu’on se présente à la mairie? Et quel est l’âge raisonnable pour ne pas se faire dire qu’on est trop jeune? Je me pose encore cette question quand je constate que Claude Béchard et Mario Dumont étaient dans la vingtaine lorsqu’ils ont été élus. Et moi, j’ai fêté mes 40 ans en 2015! (rires). Alors, je dirais que j’ai vécu des stéréotypes plus en politique, ce qui est très dommage, parce qu’on a encore reculé ici à Rivière-du-Loup en ce qui concerne la parité hommes-femmes. Moi, j’appuie et je salue les gouvernements qui tentent la parité. C’est sûr qu’il ne faut pas non plus entrer dans l’exagération de dire qu’on va forcer les femmes à se présenter et on va les favoriser à l’élection plutôt que d’autres candidats parce que ce sont des femmes. Il ne faut pas non plus tomber justement dans l’extrême, et dire qu’on va aller chercher le plus de femmes possible, peu importe leurs intérêts, peu importe leurs compétences ; il y a quand même une marge à respecter.

 

ameliedionne

 

B. : Je sais que tu as de nouveaux projets. Veux-tu nous en parler ?

A.D. : Oui, je m’ennuie de la politique ! (rires) Alors, je me suis dit que j’allais m’occuper à d’autres choses et m’impliquer pour des causes qui me tiennent à coeur. Je m’épanouis comme entrepreneure et je suis contente d’avoir fait ce choix. Bien souvent, nous, les femmes, avons cette insécurité. À cause des enfants, oui, mais à cause du sentiment de confiance. On a le syndrome de l’imposteur. Je m’explique. On prend un homme et une femme du même âge et avec les mêmes compétences qui se font offrir un poste de direction. L’homme va l’accepter sur-le-champ et la femme va prendre trois jours pour y réfléchir. Pourquoi ? Parce qu’elle va se poser des questions comme : « Est-ce que je suis compétente ? », « Est-ce que je suis capable ? », « Est-ce que je vais négliger mes enfants ? » Toutes les raisons vont lui passer par la tête. Même moi, des fois, j’ai des périodes d’insécurité où je me remets en question complètement. « Est-ce que j’ai fait la bonne affaire ? », « Ça n’a pas de bon sens, mon entreprise grandit, est-ce que je vais être capable de continuer à la gérer ? » Il me passe toutes sortes d’idées par la tête. Alors, je me suis dit qu’il fallait que je trouve une cause où je pourrais en parler aux femmes, leur dire qu’elles sont belles, qu’elles sont bonnes et qu’elles sont capables. Parce que c’est vrai. J’ai créé le Salon pour Elles il y a deux ans. L’année passée, j’ai invité des femmes entrepreneures, des femmes politiciennes à venir parler de leur cheminement, de la raison pour laquelle elles s’impliquent, de ce que ça leur rapporte, pour essayer justement de convaincre les femmes de s’impliquer un peu plus. L’automne dernier, le CECI m’a approchée pour un projet d’appui aux étuveuses de riz du Burkina Faso. En 2004, le Burkina Faso a importé plus de 216 000 tonnes de riz, ce qui a provoqué l’effondrement du prix sur les marchés. Les producteurs locaux se sont retrouvés avec leur paddy (grain complet sans aucun traitement) invendu. Refusant d’assister passivement à cette crise que vivaient leurs maris, des milliers de femmes sont entrées « informellement » dans la filière, à travers l’achat du paddy, l’étuvage et la vente du produit fini. Ainsi durant deux années consécutives (2004 et 2005), ce sont les étuveuses qui ont acheté toute la production des plaines, contribuant à sauver une filière en pleine décadence. L’étuvage de riz qui était jusqu’alors une activité traditionnelle, dont la technique se transmettait de mère en fille, devient une activité rémunératrice pour des milliers de femmes. Moi, l’entrepreneuriat au féminin me tient beaucoup à coeur. Donc, j’ai décidé de m’impliquer avec le Club des ambassadrices.

 

B. : Quel est le rôle de l’organisation ?

A.D. : Le Club des ambassadrices vise à appuyer financièrement, développer et encourager l’entrepreneuriat féminin dans les pays d’intervention du CECI, tout en partageant des savoirs, des connaissances et des habiletés, et en faisant rayonner le CECI à travers ses projets d’appui à l’entrepreneuriat féminin. Ainsi, le Club des ambassadrices vise plus précisément à : Appuyer, développer et encourager l’entrepreneuriat féminin
– Contribuer ou bonifier le financement de projets visant le développement de l’entrepreneuriat féminin par la mobilisation de ressources dans les réseaux respectifs de chacune des ambassadrices;
– Établir des liens de communication et d’échange entre les bénéficiaires du ou des projets ; Partager des savoirs, des connaissances et des habiletés
– Offrir des savoirs pratiques, notamment lors d’expériences–terrain ou lors d’échanges virtuels, permettant de renforcer les capacités entrepreneuriales des femmes visées par le ou les projets ;
– Faire bénéficier le CECI et ses partenaires de nouveaux outils, approches, savoirs et savoir-faire, par la mise en réseau d’autres personnes, groupes, organismes ou entreprises

 

femmes

 

B. : Vas-tu aller les rencontrer ?

A.D. : Ce n’est pas prévu à court terme, mais c’est sûr qu’éventuellement j’aimerais bien cela.

 

« Bien souvent, nous, les femmes, avons cette insécurité. À cause des enfants, oui, mais à cause du sentiment de confiance. »

 

B. : De quelle façon leur envoies-tu les témoignages ? Par des vidéos ?

A.D. : Oui, c’est ça. Nous en parlons beaucoup au Québec. Le CECI a créé le Club des ambassadrices qui compte, entre autres, Pauline Marois, Anne- Marie Cadieux, Madeleine Poulin, une ancienne journaliste, etc. Le CECI travaille déjà à l’international en coopération pour soutenir des projets comme celui-ci. L’argent, c’est le nerf de la guerre, mais nous devons également soutenir ces femmes et, avec le Club des ambassadrices, nous leur apportons notre soutien en tant que femmes entrepreneures. C’est bien important. Ce genre d’initiative se passe toujours dans les grands centres, mais j’ai été approchée pour représenter les régions. Le Club des ambassadrices trouvait que les régions n’étaient pas assez représentées, même s’il y a des entrepreneures qui réussissent aussi très bien en région. Justement, il y en a beaucoup à Rivière-du-Loup. Il y a beaucoup d’artistes aussi, dans tous les milieux.

 

B. : Peut-être que les pionnières qui ont du succès ouvrent la voie à d’autres. Qu’en penses-tu ?

A.D. : Effectivement. Ce qui joue aussi est le fait d’être en région et de souvent vouloir créer son emploi parce qu’on n’en trouve pas. Des fois, c’est ce qui nous pousse à vouloir lancer notre entreprise. Le fait d’être en région et d’avoir peut-être un petit peu moins de services joue aussi. Si on trouve un service qui n’existe pas chez nous, c’est plus facile en région de se dire qu’on va l’offrir. Le pouvoir d’achat de la région est surprenant. Il ne faut pas considérer qu’on est 20 000 personnes et qu’il y a 20 000 acheteurs à Rivière-du-Loup. Les gens du Nouveau-Brunswick viennent magasiner ici aussi. On a quand même un pouvoir d’achat qui est très grand. C’est peut-être facilitant de vivre de sa passion justement parce que le bassin de gens qui vont acheter les produits est peut-être plus grand qu’on le pense.

 

ameliedionne02

 

B. : As-tu un conseil à donner à une fille, une femme, qui voudrait partir son entreprise ?

A.D. : Je lui dirais : « Lance-toi dans le vide et fabrique-toi un cerf-volant en descendant ! » (rires) Non, ce n’est pas vrai ! Je lui dirais : « Jette-toi dans le vide et fais-toi totalement confiance. » Mon père m’a toujours dit : « Fais ce que tu as à faire et le reste va venir tout seul. » C’est ce que j’ai appliqué dans ma vie. Si je me mets à penser, à réfléchir à ma condition, que je suis une mère monoparentale, que je viens de faire un investissement de plusieurs milliers de dollars, que je n’ai rien de réservé dans le mois d’aout même si mon année commence à se remplir… Si je m’arrête à commencer à penser à tout cela, je stagne et je vais commencer à réfléchir et à angoisser. Je ne ferai pas ce que je dois faire pour faire avancer mon entreprise. Quand on est passionné de ce qu’on fait, quand on a confiance en soi et quand on met les efforts, je me demande ce qui pourrait arriver de pire !

 

 

À propos de Marie-Amélie Dubé

Voir aussi

Mitis Lab : Espace collaboratif au Château Landry

Texte | Marie-Amélie Dubé Le Mitis Lab est un OBNL ayant démarré ses activités à …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Sahifa Theme License is not validated, Go to the theme options page to validate the license, You need a single license for each domain name.