À l’international, où nous entraîne la vague populiste? Le climat, la politique et ses conséquences

texte Michel Lagacé

Au cours des vingt dernières années, dans la réalité politique des pays occidentaux, le concept établi d’opposition de la gauche et de la droite a donné l’impression de disparaître, car une fois au pouvoir, les représentants de ces deux extrêmes se sont rapprochés ou confondus avec les élites du capital, les valeurs libérales du marché et son extension dans la mondialisation, sans que les populations de ces pays s’enrichissent vraiment (sauf les multinationales et quelques individus) et sans que les inégalités disparaissent. Le contraire est devenu la norme.

Constat : Le pouvoir a tendance à corrompre ou du moins à métamorphoser les dirigeants de ces pays (même ceux issus de la gauche) ou sinon à les rendre carrément inefficaces pour le peuple.

Dans ce contexte, « la gauche a été incapable d’incarner la nation », et c’est sans doute l’une des raisons de son déclin. Mais tout ça est en train de disparaître dans le ressac de la vague engendrée par le populisme au même moment où la situation climatique est plus que préoccupante, car là où « les nations devaient se fondre dans le creuset progressiste et multiculturel, elles se sont entrechoquées », comme le soulignait Christian Rioux dans Le Devoir du 4 janvier 2019. Partout en Occident, des candidats populistes prennent le pouvoir porté par ce besoin d’autorité et de sécurité. Un élan identitaire incarné par un nationalisme des frontières (l’élection des ministres Matteo Salvini et Luigi Di Maio en Italie, de Bolsonaro au Brésil, et ce souhait d’une rupture comme le Brexit entre le Royaume-Uni et l’Europe, etc.). Pourquoi ? Probablement parce que les gouvernements de gauche autant que de la droite traditionnelle n’ont pas réussi à éliminer la corruption, la violence engendrée par le trafic de la drogue dans certains pays d’Amérique du Sud et le manque à gagner de la classe moyenne, en plus d’être incapables de réduire l’insécurité des populations des pays riches face à la vague d’émigration provoquée par la pauvreté et la violence en Afrique et en Amérique du Sud. Et aussi à cause des conséquences des changements climatiques : les sécheresses et inondations qui frappent les régions les plus vulnérables, sans oublier les guerres au Moyen-Orient (Yémen, Syrie, etc.) dont les grandes puissances occidentales sont les détonateurs et les marchands d’armes. Et dans toutes ces causes, il ne faut surtout pas oublier les nombreuses frictions causées par la mondialisation.

Constat : Du point de vue humanitaire, c’est un échec total.

Dans ce contexte d’insécurité, on assiste donc en Occident, avec cette vague populiste, au retour d’un nationalisme étroit, typique d’une pulsion guerrière dangereuse, car « malheureusement, ces mouvements soi-disant “pour le peuple” sont basés sur l’opposition de “nous” contre “eux” » (Stephen Cornish, Le Devoir), au lieu des notions humanitaires du vivre ensemble qui ont été valorisées depuis la fin de la dernière guerre mondiale avec la naissance de l’ONU (malgré le peu d’influence de cet organisme soumis aux humeurs et aux veto des grandes puissances).

Constat : Les habitants des pays riches ne tiennent pas vraiment à partager leurs privilèges ni leurs richesses.

D’ailleurs, la classe moyenne défavorisée, c’est-à-dire une grande portion des populations de ces pays riches, est davantage occupée à « survivre » — entendre ici « garder son pouvoir de consommer ». Le mouvement des Gilets jaunes en France en est l’exemple, car il a débuté en réaction à l’élite dirigeante de ce pays et contre la taxe sur le prix de l’essence augmentant les dépenses en transport routier des travailleurs ou travailleuses aux revenus insuffisants. Comment voulez-vous dans ces conditions qu’ils soient sensibles aux enjeux du réchauffement climatique qui inquiètent pourtant les scientifiques, les écologistes, les médias, les artistes et une nouvelle élite, cette classe éduquée et privilégiée de professionnels à travers le monde occidental qui dicte le calendrier des médias, de l’évolution de la technologie et des divertissements à travers le monde ? Dans les élections récentes de plusieurs pays, cette frange de la population (invisible dans les médias) a échappé à l’influence de cette nouvelle élite, car toutes les politiques les concernant qui ont été entreprises par les partis traditionnels (issus de la droite libérale ou de la gauche) ont échoué. Et l’une des conséquences est que les citoyens de cette frange de la société, et une grande part de l’industrie, n’ont que faire des luttes abstraites et lointaines autour des changements climatiques (sauf exception) ni de cette urgence généralisée autour de ce qui arrive aux espèces menacées, à l’agriculture et à nos corps empoisonnés par les pesticides, aux émissions de carbone, au plastique qui détruit l’environnement et à la terre sèche ou brûlée sous les pieds des autres.

Pourtant, Le portrait climatique, publié par Copernicus, le programme européen d’observation de la Terre, est formel : « La température mondiale moyenne est aujourd’hui supérieure de 1,1 degré Celsius par rapport à la situation qui prévalait avant l’ère industrielle et le développement de l’activité humaine basé sur le combustible d’énergies fossiles. » Avec la fonte des glaciers, le niveau des océans augmentera dangereusement dans les prochaines années, et ces phénomènes et leurs conséquences s’accélèrent.

Constat : Le scepticisme et le sentiment d’impuissance sont généralisés malgré les avertissements et tous les bons sentiments qui circulent dans les médias.

Une partie du problème est aussi là, dans ces interlocuteurs factices qui cumulent les ratés, et qu’on a vendus aux électeurs sous des slogans politiques et économiques illusoires. Exemples : Les Trudeau et Macron de ce monde, des politiciens fantoches qui ne veulent pas voir ou ne savent pas voir que les vrais enjeux ne passent pas par des politiques qui ne satisfont que l’élite aisée qui tire les ficelles d’une économie basée sur les énergies fossiles. Ce ne sont d’ailleurs que des politiciens de circonstance… L’un élu pour se débarrasser de Harper au Canada, l’autre pour éviter que Marine Le Pen prenne le pouvoir en France. Mais même aujourd’hui, les alternatives crédibles ne sont pas évidentes. Au Québec, pour le moment, et à cause de son parcours et de ce qu’il amorce, le nouveau premier ministre François Legault n’est pas vraiment de cette vague dite populiste, enfin, pas dans sa configuration la plus négative.

Mais, comme la population en général est influençable et n’a qu’une vision simple d’une situation pourtant complexe, il est normal qu’elle soit attirée par ce nouveau courant autoritaire qu’incarne le populisme et par sa diatribe valorisant la sécurité, l’identitaire et le mirage économique. Les gens sont souvent « incapables » de voir les défaillances, parfois même les mensonges dans ces beaux discours qui leur promettent des améliorations dans leur quotidien. Ils ne voient pas qu’ils introduisent le loup dans la bergerie. Ils ferment les yeux sur les conséquences d’un régime de plus en plus autoritaire, sur les conséquences de l’élimination des voix discordantes propres aux libertés de la civilisation et même sur cette urgence climatique qui nous obligera inévitablement à changer notre mode de vie. Et ceci n’est évidemment pas la priorité de ces représentants populistes à travers le monde.

Aux États-Unis, Trump est l’incarnation la plus spectaculaire de ce paradigme populiste qui électrise encore bien des personnes (même l’écrivain français Michel Houellebecq, ce qui n’est pas vraiment surprenant). À partir d’un parcours controversé, Trump a pris le pouvoir en s’opposant justement aux élites traditionnelles, en proposant aux Américains un retranchement antimondialisation, sauf pour leurs propres produits, en débutant, entre autres, une guerre commerciale avec la Chine qui déséquilibre les autres économies, en déchirant l’ALÉNA, en fermant ses frontières aux émigrants de certaines contrées. Sous le slogan « America First » (l’Amérique d’abord), il accapare les médias, car il sait faire parler de lui, sachant que cette visibilité le maintiendra au pouvoir ( ?). Il ne lui manque plus que son MUR illusoire à la frontière avec le Mexique (aucune vraie crise sécuritaire ne le justifie, juste un jeu politique) pour être sacré le grand chambellan du populisme.

Constat : Pourquoi s’inquiéter des autres quand tout va bien pour nous ? Trouvez l’erreur…

Le virage populiste est inapproprié ; c’est un mirage. Tandis que le réchauffement climatique, lui, n’est pas un mirage. Il est préoccupant, il fait tellement peur qu’on l’évacue. Pourtant, il existe des solutions politiques, des réglementations, des incitatifs contre la pollution et de l’accompagnement dans ces changements que des gouvernements responsables pourraient mettre en place. Soyons positifs ; la majorité de la population n’attend probablement que ça (ce mot d’ordre gouvernemental) pour commencer cette transition. Comme l’a écrit l’écrivain (et homme politique français) André Malraux : « Dans un univers passablement absurde, il y a quelque chose qui n’est pas absurde, c’est ce qu’on peut faire pour les autres. » En citant André Malraux, je pense au présent et aussi aux humains du futur qui comptent sur nous, pas sur nos erreurs ni sur les naufrages de nos guerres.

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